Nous inaugurons ici une nouvelle chronique sur Lyoncapitale.fr. Coups de cœur ou coups de sang, l’actualité culturelle à Lyon en quelques mots et en vidéo. Pour ce lancement, nous avons été par deux fois aux Célestins, pour un spectacle avec Carole Bouquet et découvrir la prochaine saison (notre reportage vidéo), mais aussi aux Assises du roman pour écouter un prix Nobel et enfin en librairie pour en apprendre un peu plus sur l’histoire de Lyon…
Théâtre : Carole Bouquet, si libre
C’est une résistante sobre et généreuse. Carole Bouquet, ce jour de février 1997, vient présenter au Pathé Bellecour Lucie Aubrac, de Claude Berry, dans lequel elle tient le rôle-titre. Le film raconte le destin courageux d’une résistante qui en juin 1943 tente de sauver des mains de la Gestapo son mari, emprisonné après avoir été dénoncé. Lucie Aubrac était au côté de Carole Bouquet, je me souviens de l’émouvante accolade entre les deux femmes à la fin de la soirée. Dix ans après, la résistante s’envolera définitivement.
Dix-huit ans après, Carole Bouquet se tient sur la scène du théâtre des Célestins, à Lyon, pour interpréter Rebecca dans Dispersion (Ashes to Ashes) de Harold Pinter. Face-à-face crispant entre un homme et une femme qui tentent de dénouer des vérités enfouies dans une mystérieuse cachette.
Carole Bouquet interprète magistralement une femme qui se noie dans une histoire où l’holocauste pointe son horreur, suivi par le cynisme et l’indifférence du monde. Dès sa première apparition, elle cache ses pieds sous un châle à son compère Gérard Desarthe, acteur et metteur en scène, comme pour dissimuler ce qui a commencé. Jeu en retenue, posture recroquevillée dans un espace d’un mètre carré, sourire qui délivre un instant la tension pour mieux disperser l’horreur nazie, c’est beaucoup de talent, on aime ça.
Théâtre des Célestins, saison 2015-2016 – Voir notre reportage vidéo ci-dessous.
Livre : Kenzaburo Ôé, le Japonais de l’humilité – “Plus jamais le nucléaire”
À l’ouverture des Assises internationales du roman, aux Subsistances, le 25 mai dernier, l’écrivain japonais de 80 ans Kenzaburo Ôé décline une partition tout en émotion. Plutôt que de parler de son talent littéraire et engagé, récompensé par un prix Nobel de littérature en 1994, il évoque son fils handicapé mental, aujourd’hui âgé de 51 ans.
“Non, mon fils ne rend pas meilleure ma littérature, mais j’ai l’espoir qu’il aille mieux avant que je meure”, répond-il à l’excellente cofondatrice des AIR, Raphaëlle Rérolle.
Le grand écrivain japonais redit sa honte du nucléaire, qui va concourir à l’extermination de son peuple un jour ou l’autre. Dommage que Gégé Collomb n’ait pas profité de ce grand moment d’humilité et de sincérité. Je ne l’ai jamais vu dans les grands rendez-vous culturels, en dehors des biennales. Ah si, il niche à Gerland quand y a foot qui braille.
À lire : Adieu, mon livre ! éditions Philippe Picquier, 2013.
Événement : Les HCL, un empire hégémonique au XIXe qui construit Lyon
C’est un livre-atlas, qui est une pépite urbaine pour comprendre la naissance de tout un pan de la ville de Lyon. La Ville ordinaire – Généalogie d’une rive, Lyon 1781-1914 par Anne-Sophie Clémençon, chercheuse au CNRS à Lyon, nous plonge dans la découverte d’une ville qui n’était que champs et routes droites avant que la rive gauche ne se construise.
Captivant, la puissance de feu des HCL au XIXe siècle à Lyon. Lugdunum est à l’étroit et transpire. Les Hospices civils de Lyon vont déployer leurs tentacules pour faire émerger la rive gauche du Rhône. Le quartier de la Guillotière va naître, passant des marécages, bois et broussailles, fermes, cultures et pâturages à l’amorce d’un quartier urbain.
Anne-Sophie Clémençon nous raconte la fabrique de la ville ordinaire avec des centaines de photos, cartographies et plans : un investissement rigoureux de la chercheuse lyonnaise, un travail colossal réussi grâce à de nombreuses années avec toute une équipe.