Bieh Palais Brongniart Paris

Ces restaurants lyonnais qui s’exportent

Leur terrain de jeu : la France et l’Europe. Leur point commun : le segment premium.

Bieh Palais Brongniart Paris ()

C’est un paradoxe tout lyonnais. Si Lyon est mondialement célébré pour ses quenelles au brochet, ce sont surtout ses burgers que la cité capitalise. La preuve : parmi les enseignes de restaurants qui se développent au-delà des frontières du confluent de la Saône et du Rhône, trois quarts jouent sur le marché du sandwich star de la restauration rapide. Mais, à la différence du fast-food, ces enseignes misent tout sur le “haut de gamme”, en jouant sur la qualité du pain, de la viande et des frites qui les accompagnent. Car filon il y a ! L’an dernier, selon Gira Conseil, il s’est quasiment consommé 1 burger pour 1 jambon-beurre, le best-seller historique du marché des sandwichs. À tel point que plus de 75 % des restaurants français ont un burger à leur carte, et, "parmi ces 75 %, ce sont plus des trois quarts qui affirment désormais que le burger est devenu le plat leader de leur carte".

Bieh

“On veut être l’Aston Martin du burger”

Propriétaires : Philippe Florentin et Bruno Metzlé

Date de création : 2008

Nombre d’établissements : 7

Nombre de salariés : 110

CA : 4 millions d’euros

Objectif : 20 restaurants d’ici 2017

Bieh ()

©Tim Douet

Bieh (acronyme de Best I Ever Had) est l’un des précurseurs (avec Ouest Express) sur le marché du burger confiné jusque-là au fast-food. L’enseigne s’est initialement développée à Lyon, avant de s’attaquer à la France avec un restaurant à Dijon fin 2014 et un très récent à Paris, au palais Brongniart (géré par le Lyonnais GL Events) qui devient le vaisseau amiral de l’enseigne. Le 9 octobre prochain, un Bieh ouvrira à Marseille, place de la Joliette, sur les docks.

“L’idée, c’est d’avoir 10 restaurants fin 2016, 20 fin 2017. On passera à la franchise dès qu’on aura une quinzaine de restaurants en propre, soit entre 12 et 15 millions d’euros de chiffre d’affaires”, profile Philippe Florentin, le patron du groupe FLIC (Food Leisure Investment Company), propriétaire de la marque*. Enthousiaste, l’entrepreneur vient de lever 2,1 millions d’euros auprès du fonds d’investissement Audacia, présidé par Charles Beigbeder, contre “un peu moins de 20 % des parts".

L’enseigne monte aussi en gamme, en revoyant de fond en comble les codes de ses restaurants : “On passe du dinner américain, aujourd’hui copié par le mass-market, au bistrot chic new-yorkais pur jus, typique de TriBeCa ou Soho. On veut être l’Aston Martin du burger.”

* Le groupe FLIC est également propriétaire du bouchon lyonnais Abel et de l’enseigne Zinc Zinc (Lyon et Neuilly).

Ouest Express

“On va passer du mode start-up au mode développement de l’entreprise”

Propriétaires : Paul Bocuse et Jean Fleury (80 %), le chef exécutif Christophe Muller (4 %) et l’équipe dirigeante de OE (4 % chacun)

Date de création : 2008

Nombre d’établissements : 3

Nombre de salariés : 90

CA : 6,4 millions d’euros

Objectif : 10 restaurants d’ici à 2019

Ouest Express ()

©Tim Douet

Paul Bocuse pourrait faire du fastfood à la française la prochaine “nouvelle cuisine”.”, écrivait le Los Angeles Times, en 2008, lorsque Paul Bocuse et Jean Fleury, directeur général du groupe Bocuse, ont ouvert leur premier restaurant de restauration rapide, Ouest Express, à côté du multiplexe Pathé de Vaise. Six ans plus tard, à Lyon, le groupe inaugure son quatrième restaurant, en rive de darse à la Confluence (au pied de l’immeuble minimaliste Hikari aux façades fracturées). Le McBocuse plaît et rapporte : 2,1 millions d’euros de chiffre d’affaires en moyenne par resto.

Nous sommes encore en mode start-up, défend Pierre-Yves Bertrand, cogérant de l’enseigne, mais l’idée est maintenant de franchir l’étape suivante et de passer dans un mode de développement solide de l’entreprise.”

Objectif annoncé : six restaurants supplémentaires d’ici quatre ans, principalement dans l’agglomération mais aussi dans “le périmètre sud-est” de la France, avec en ligne de mire Marseille, Clermont-Ferrand ou Annemasse (“au fort pouvoir d’achat”).

Ninkasi

“Brasseurs d’idées”

Date de création : 1997

Nombre d’établissements : 11

Nombre de salariés : 120

CA : 10,6 millions d’euros

Objectif :

Ninkasi ()

©Lionel Faure

Dans la mythologie sumérienne, Ninkasi est la déesse de la bière. À Lyon, c’est l’un des hot spots des 20-35 ans : 1°) on y boit d’excellentes bières (13 prix nationaux et internationaux) brassées maison (à Tarare, dans une unité de production flambant neuve, 9 000 hl/an) ; 2°) on y mange des burgers made in Rhône-Alpes (céréales récoltées dans la région, pain fabriqué par un boulanger lyonnais) ; 3°) on y écoute des concerts “qui privilégient l’émergence” (110 000 spectateurs pour 462 concerts par an).

Le Ninkasi est sans conteste l’une des belles réussites entrepreneuriales lyonnaises, avec déjà 10 établissements, un onzième qui ouvre sur le campus de la Doua pour la rentrée universitaire, et une autre annonce sera faite à la rentrée”, promet-on.

Dans les gros projets, l’enseigne devrait ouvrir en septembre 2018 un établissement et une micro-brasserie dans la gare de Katowice, en Pologne, une ville de 4 millions d’habitants. “L’idée est de refaire là-bas ce qu’on a fait à Lyon il y a dix-huit ans : café-concert, boulangerie, fabrique de bière et, si ça prend, de champignonner comme on l’a fait en France”, explique Christophe Fargier, le patron du Ninkasi. Et, à l’été 2016, deux agriculteurs de la région feront des essais pour le Ninkasi d’une culture de plusieurs variétés de houblon.

Restaurants & Brasseries Bocuse

“On a du Chanel entre les mains”

Propriétaires : Jérôme Bocuse (36 %), Paul Bocuse et Paul-Maurice Morel (26 % chacun), chefs de L’Auberge du Pont de Collonges (12 %)

Date de création : 1994

Nombre d’établissements : 6

Nombre de salariés : 230

CA : 27 millions d’euros

Objectif : “développement opportuniste”

Paul Bocuse ()

"A Lyon, on ne plaisante pas avec la gastronomie et en même temps, on ne se prend pas au sérieux"

Il figure aux points cardinaux d’une ville dont il a codé les mœurs gastronomiques. Il est en réalité un pluriel : Paul Bocuse, son fils Jérôme et un troisième homme, Paul-Maurice Morel, quadragénaire bosseur et pur produit maison qui se pose en “fils spirituel” de Monsieur Paul. De la sainte trinité est né, en tout début d’année, le groupe Pôl Développement : 700 000 couverts par an, 250 employés et 27 millions d’euros de chiffre d’affaires. Soit quatre brasseries (Nord, Sud, Est, Ouest) et deux restaurants (Fond Rose et Marguerite). “On a du Chanel entre les mains”, s’illumine Paul-Maurice Morel, directeur général de la holding – formule qui, paraît-il, fait copieusement rire Paul Bocuse.

Comme tout grand groupe, c’est par l’international que son avenir passera. “Là où il y a des Sirah et des Bocuse d’Or, ce sont des endroits potentiellement intéressants.” Deux projets sont d’ores et déjà bien avancés, à Oslo et Stockholm, d’autres pourraient suivre à Dubaï, Budapest, Shanghai, Mexico et Istanbul. En attendant, deux ouvertures sont programmées à Lyon, la première dans l’enceinte du Grand Stade, début 2016, la seconde dans le Grand Hôtel-Dieu courant 2017, à deux fourchettes de la Cité de la gastronomie. “Vous savez, on bricole…”, sourit Paul Bocuse. Pour plagier Chanel : chez Bocuse, la mode passe, le style reste.

Burgermania

Le burger à la française continue de grignoter du terrain. Il se vend aujourd’hui dans l’Hexagone quasiment un burger pour un sandwich. Une progression vorace, le ratio étant de seulement 1 pour 9 au début des années 2000. L’an dernier, il s’est ainsi vendu 1,07 milliard de burgers, soit 10 % de plus qu’en 2013. Et cette tendance profite aussi bien à la restauration rapide qu’aux restaurants traditionnels.
“Plus de 75 % des restaurants traditionnels français proposent au moins un burger à leur carte, explique Bernard Boutboul, le directeur général de Gira Conseil, à l’origine de l’étude. Les lignes du burger ont considérablement bougé ces dernières années.” Si les restaurants dits “de service de table” se distinguent sur ce marché – et tirent ainsi le marché du burger –, c’est bien grâce à la montée en gamme du burger.
Associé, il n’y a encore pas si longtemps, à la malbouffe, les choses ont évolué, notamment grâce à certains grands chefs qui l’ont cuisiné (Yannick Alléno, Paul Bocuse, Marc Veyrat). “Le burger est-il devenu un produit de masse “gustativement fréquentable” ou bien est-ce une bulle qui pourrait à terme imploser ? continue Bernard Boutboul. La guerre du burger ne fait que commencer et gare à ceux qui ne seront pas reconnus comme qualitatifs.”

King Marcel

“My burger is French”

Date de création : 2013

Nombre d’établissements : 4

Nombre de salariés : 30

CA : 2,5 millions d’euros

Objectif : 50 restaurants d’ici à 2020

King Marcel ()

La burgermania n’en finit pas d’actionner les mandibules. On y vient pour faire le plein de bonne conscience calorique en avalant des burgers à la française. Christophe San Miguel et Jean-Christophe Cons-Auchatraire ont pris le train au bon moment. Le premier, diplômé de l’EM, a fait un début de carrière dans des grands groupes internationaux, le second est issu de la restauration et possède le Café Juliette (Lyon 6e) et deux restaurants à La Clusaz. Il y a deux ans, ils ont lancé King Marcel, tous drapeaux tricolores sortis. Dans cette offre pléthorique de burgers, le petit Marcel s’est fait une place de roi en ouvrant, coup sur coup, plusieurs restaurants au pays du gratton et de la quenelle.

En mai, ils ont entamé leur développement hors de Lyon en posant leur McMarcel rue Montmartre, à Paris (à 200 mètres d’une autre enseigne lyonnaise de burgers, Bieh). Les visuels (bleu-blanc-rouge), la baseline (“My burger is French”) : tout a été étudié pour cibler l’étranger. “On compte ouvrir une cinquantaine de King Marcel dans les cinq ans en France, et à moyen terme autant à l’international avec des master-franchisés.” Bruxelles et Genève devraient être les premières villes étrangères servies.

L’Endroit

“On se revendique comme restaurants de cuisiniers”

Date de création : 2005

Nombre d’établissements : 9

Nombre de salariés : 100

CA : 6,5 millions d’euros

Objectif : 20 restaurants d’ici à 2020

C’est une histoire d’amis et de famille : le père, le fils et ses deux meilleurs potes. À l’origine, un pub-resto dansant à Civrieux-d’Azergues (Le Santa Fé) sur le parking du centre Leclerc. L’endroit est très prisé des jeunes du coin, l’affaire tourne du tonnerre. “À la trentaine, on a voulu sortir de la nuit, on voulait passer à autre chose”, explique Olivier Massey. Cinq mois de travaux plus tard, L’Endroit ouvre. Brasserie contemporaine, carte traditionnelle. Succès. Au bout d’un an, un autre restaurant, version XL, voit le jour à Brignais.

En 2010, après quatre autres ouvertures, la petite équipe décide de devenir une enseigne. “On s’est servi de Vaise comme site pilote pour reformuler la partie marketing et une partie de l’offre commerciale, pour les dupliquer dans tous nos établissements.” La carte est désormais la même partout, les codes couleurs aussi, avec pour principe le fait maison : “On se revendique comme des restaurants de cuisiniers”, avec un cuistot dans chaque établissement. Le 30 août dernier, un nouveau restaurant a ouvert à Meyzieu, à 500 mètres du futur stade de l’OL. Objectif : un rythme de croisière de deux établissements en propre par an, sur tout l’Est lyonnais. Et des licences de marque dans de grandes villes régionales (Annecy, Grenoble…) assez rapidement.

Les Burgers de Papa

Levées de fonds sauce ketchup

Date de création : 2013

Nombre d’établissements : 4

Nombre de salariés : 33

CA : 2,1 millions d’euros

Objectif : 12 restaurants fin 2016

Burgers à Papa ()

Les Burgers de Papa, ils déchirent leur maman !” La communication, Yves Hecker en connaît un rayon. Et c’est là-dessus qu’il joue sa carte : “Ça nous arrive souvent de trouver le nom d’un burger avant même d’avoir mis au point la recette !” Dernier bébé en date, le “Losse-en-Gelaisse” (“charmante bourgade de l’État du Masse-ta-chaussette, une ville où on parle presque anglais, où on roule presque en pick-up et où les nanas sont presque gonflées au silicone”). Cet ancien animateur radio a toujours rêvé d’avoir son propre restaurant. “Quand j’ai vu débarquer Big Fernand and co, explique le trentenaire souriant, je ne voulais pas rater le train.” Après avoir convaincu les banquiers (“extrêmement compliqué”), Yves Hecker se lance.

Les Burgers de Papa se déclinent désormais dans le 2e et le 3e à Lyon, à Villeurbanne et, depuis quelques mois, à Versailles. “On est à mi-chemin entre McDo et les chaînes de burger classiques.” D’ici à la fin de l’année, il devrait lever 1,5 million d’euros qui lui permettront d’ouvrir en propre quatre nouveaux établissements en 2016. Il espère aussi quatre franchises, notamment à Chambéry, Limoges et Paris. Pour commencer, car, “dans le meilleur des mondes, on aura 40 restos d’ici cinq ans”.

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