Auberge de l'Ile Barbe
Jean-Christophe Ansanay-Alex : "je vais baisser les prix tout en gardant la même cuisine"

Les projets du chef de l'Auberge de l'Ile Barbe

Jean-Christophe Ansanay-Alex, le chef-propriétaire du restaurant gastronomique L'Auberge de l'Ile Barbe brise le silence. Après que le Michelin lui a retiré l'une de ses deux étoiles et qu'un article de Lyon Capitale a laissé entendre une fermeture de l'établissement, JCAA remet les pendules à l'heure. Il ne part pas. Mais nous dévoile en exclusivité qu'il part aussi s'occuper de L'Impérial Palace d'Annecy.

Jean-Christophe Ansanay-Alex :

Jean-Christophe Ansanay-Alex : "je vais baisser les prix tout en gardant la même cuisine"

Pour mettre les choses au point : L'Auberge de l'Ile Barbe ferme ou ferme pas ?

Il n'a jamais été question de fermer L'Auberge de l'Ile Barbe. Le restaurant est toujours ouvert. Je vais simplement être plus agressif sur les prix, tout en gardant exactement la même cuisine. On m'a reproché d'avoir des prix trop élevés, donc je les baisse, tout en continuant à cuisiner de la même façon, avec les mêmes produits et avec les mêmes personnes qu'aujourd'hui.

Il ne s'agit donc pas d'un repositionnement de votre restaurant...

Non. L'Auberge de l'Ile Barbe reste L'Auberge de l'Ile Barbe. Ce sera la même cuisine, mais en moins cher.

"Ce qu'il faut bien avoir en vue, c'est que les guides ne sortent qu'une fois par an, nous on fait deux services par jour !"

En février dernier, le guide Michelin vous a retiré l'une de vos deux étoiles. Qu'est-ce que ça a changé pour vous ?

Très sincèrement, en tant que cuisinier, ça fait toujours un peu mal. C'est votre travail qui est remis en cause. D'un point de vue économique, on l'a ressenti sur le chiffre d'affaires. Des clients ont annulé leur réservation. Certains l'ont même fait suite à la publication de votre article qui présageait d'une fermeture. Bref. Le jour où l'inspecteur Michelin est passé, il y avait une table d'habitués. Quand on m'a retiré une étoile, j'ai appelé ces habitués. Ils m'ont dit que la cuisine avait été strictement la même que les jours précédents. Ce jour-là, il y a eu un un léger manquement sur l'accueil, c'est tout. Est-ce que ça valait une étoile ? Le Michelin en a jugé ainsi. D'un autre côté, le GaultMillau nous a gratifié d'un 16/20 et de trois toques, en expliquant que j'étais le chef en forme. Vous voyez comme c'est bizarre...

Ce qu'il faut bien avoir en vue, c'est que les guides ne sortent qu'une fois par an, nous on fait deux services par jour ! Je vais vous dire, il y a la loi naturelle des restaurants : s'il y a des clients, c'est que ça marche, même sans guide.

N.B. : le soir de notre rencontre, coïncidence, un inspecteur du guide Michelin passait dîner à L'Auberge de l'Ile Barbe.

"A L'Auberge de l'Ile Barbe, on est juste financièrement"

Auberge de l'Ile Barbe ()

Récemment dans Lyon Capitale, vous disiez que le chiffre d'affaires de L'Auberge de l'Ile Barbeétait d'environ 1,4 million d'euros annuels et que c'était juste...

Si on regarde uniquement le volet financier, il faudrait qu'on fasse au moins 2 millions d'euros de chiffre d'affaires annuels. Un salarié au SMIC coûte 1 500 euros en salaire, soit 3 000 euros avec les charges patronales. Il est employé pour dix mois et demi avec les congés, les RTT, etc. Soit 40 000 euros par an. Si j'étais dans une réflexion purement économique, cet employé devrait me rapporter 120 000 euros à l'année. Avec une telle démarche, 100% économique, ce serait très compliqué, car chez moi tout le monde gagne plus. D'où les 2 millions d'euros de chiffre d'affaires qu'il faudrait réaliser. On est juste financièrement à tel point qu'il n'y a aucune fermeture annuelle à L'Auberge de l'Ile Barbe, car ça me coûte trop cher. Personne ne le sait, mais je ne prends jamais de vacances.

C'est votre côté gros cigares, belles voitures qui fait croire l'inverse, vous croyez pas ?

À Lyon, tout le monde juge tout le monde. Pas mal de gens qui croient me connaître racontent des choses sur moi. Ils ne me connaissent pas. Pour vous dire, mes deux meilleurs amis cuisiniers, ce sont deux humbles et deux gentils, Philippe Gauvreau (NdlR : ex-Pavillon de La Rotonde, à Charbonnières) et Guy Lassausaie. Si je fume des cigares, c'est parce que les cigarettes, c'est mauvais. On dit de moi que je change souvent de fiancée, c'est parce que je cherche la fiancée parfaite qui pourra partager ma vie. Dans ce métier, vous savez, c'est compliqué la vie de famille. Quant aux voitures, je viens de m'en acheter une pour me faire plaisir. Mais je suis loin de rouler sur l'or.

"Chez nous, il n'y a pas un seul produit acheté qui est fini"

Duo de foie gras et artichaut, salade de mâche et huile d'olive

Duo de foie gras et artichaut, salade de mâche et huile d'olive

Revenons-en à la cuisine...

Je vous donne un exemple : les carottes des sables qu'on trouve dans le Nord de la France. Il faut les laver, les éplucher. Ensuite, on les fait cuire à la vapeur toute une après-midi. On les coupe, on les fait mariner dans un mélange de miel d'ail et de vanille. Au final, elles sont prêtes à déguster le lendemain. C'est énormément de boulot. Il faut beaucoup de petites mains. Je suis l'un des derniers à travailler de cette manière. Une sorte de dinosaure. Chez nous, il n'y a pas un seul produit acheté qui est fini.

Même ici, au 10 Fingers (NdlR, place Bellecour, où l'on déjeune et pour lequel Jean-Christophe Ansanay-Alex s'amuse à inventer de super burgers), tout est fait maison. Le pain des hamburgers a spécialement été créé par Victor Le Boulanger, la viande vient du boucher-star Olivier Metzger, même la mayo et le ketchup sont des recettes de L'Auberge de l'Ile Barbe !

Contrairement aux restaurateurs qui achètent du tout "emballé-c'est-pesé" des gros industriels agroalimentaires comme Brake, Metro ou Davigel...

Un micro-onde, des sachets tout-faits, portionnés au gramme près... Quelque part, je peux comprendre les personnes qui choisissent ce modèle : plus de marges, moins d'employés donc moins de charges. Eux roulent sur l'or. Mais ce n'est pas le même métier, on est très loin de l'amour de l'artisanat.

"Je vais m'occuper de la cuisine des deux restaurants de l'Impérial Palace d'Annecy"

L'Impérial Palace, sur les rives du lac d'Annecy : JCAA compte faire renaître la cuisine du prestigieux établissement.

L'Impérial Palace, sur les rives du lac d'Annecy : JCAA compte faire renaître la cuisine du prestigieux établissement.

Vous dites que cette perte de la deuxième étoile a été un "déclencheur" pour avancer sur d'autres projets. Vous pouvez nous en dire un peu plus...

Je viens de signer un contrat avec L'Impérial Palace d'Annecy, un lieu d'exception sur les rives du lac. On va s'occuper à la fois du restaurant gastronomique, La Voile qui réouvre cet hiver, après de gros travaux et de la brasserie, en rez-de-jardin, qui sera réouverte le 7 mai prochain. Pour le gastro, on vise le niveau étoile - s'ils veulent bien nous en accorder une (sourires). Quant à la brasserie, on prépare une carte bistronomique. À terme, je m'occuperai aussi de la restauration du casino et du room service de l'hôtel. Au début, je passerai la moitié de mon temps à Annecy pour finir à un tiers.

" Je recherche un autre camp de base que Lyon"

Et Lyon ?

Lyon reste mon camp de base. Mais je ne vous cacherai pas que je recherche un autre camp de base car sur l'île, on me coupe les ailes.

À ce moment-là, je ferai de L'Auberge ce que je voulais faire à Londres (NdlR : Jean-Christophe Ansanay-Alex a été associé un temps avec Jean-Michel Aulas, le patron de l'OL, dans le restaurant londonien L'Ambassade), à savoir une partie restaurant étoilé et une autre partie plus conviviale, moins coûteuse, avec un bar mais toujours de bon niveau culinaire.

Après, j'ai d'autres projets, mais je vous en reparlerai en temps voulu.

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