Plus de 60 000 personnes se sont massées dans les rues de Lyon (chiffres syndicats). La police estime, quant à elle, la mobilisation à 24 000 personnes. Les premiers manifestants sont partis de Grange Blanche à 10 heures et les derniers sont arrivés à 14h30 à Bellecour. Des salariés du privé, du public ou encore des étudiants peuplaient le long et impressionnant cortège. La convergence des mouvements a été un gros succès pour les organisateurs. La manifestation de jeudi a dépassé celle du 29 janvier en nombre. Et il semble qu'il s'agisse de l'une des plus importantes manifestations jamais vues depuis 1968.
Sous un soleil printanier et dans une ambiance bon enfant, les manifestants ont fait entendre leur mécontentement. Avec en guise de demande commune : " la hausse du pouvoir d'achat " et la volonté d'être écouté par le gouvernement. Chez les salariés du public, les revendications tournaient autour du même thème : " la sauvegarde du service public ". " Ils sont en train de casser la fonction publique ", se lamentait une employée d'une collectivité territoriale. Dans le cortège, tout le service public était représenté. " Notre premier souci, c'est la hausse du pouvoir d'achat, souligne Fabien Martel, syndicaliste CGT à La Poste. Et puis, les départs à la retraite ne sont pas remplacés, les cadences sont infernales, les heures supplémentaires ne sont pas payées, on ne peut pas continuer comme cela ". Quelques mètres plus loin dans le cortège, les cheminots donnaient de la voix. " Les plus jeunes embauchés ne gagnent que 1 000 euros nets par mois. Le service fret est en train d'être cassé. En 2012, ils veulent réorganiser la SNCF et nous faire passer du statut d'employé de la SNCF à celui d'employé d'une filiale, donc du privé ", s'énerve Jean-Claude Fourel, un syndicaliste CGT.
Le service public mobilisé
En bruit de fond, les slogans contre la politique gouvernementale fusaient : " Sarko touche pas à l'hosto ", " Pécresse, t'es foutue, la jeunesse est dans la rue ". Roselyne Bachelot, la ministre de la Santé n'a pas été épargnée non plus. " La réforme Bachelot va privatiser le système de santé. Dans la psychiatrie, Nicolas Sarkozy a annoncé des mesures sécuritaires qui visent à criminaliser les malades et à transformer les soignants en gardiens. La conception humaniste de la psychiatrie n'existera plus ", se lamente Elisabeth Nectoux, employée à l'hôpital psychiatrique de Saint-Cyr-au-Mont d'Or
Les salariés du privé s'inquiètent
Chez les salariés du privé, l'inquiétude des plans sociaux se mêle aux revendications. " Bull a contribué à rembourser la dette de l'Etat et aujourd'hui, on oublie de nous le rendre en augmentation des salaires. Notre patron est dans le top 5 des mieux payés dans les sociétés informatiques et nous, on n'a pas été augmenté depuis cinq ans ", explique Philippe Laval, délégué syndical FO chez Bull. Au tour de son cou, il arborait une pancarte sur laquelle était écrit : " on travaille pour leur bonus ". Au cœur du cortège, la plupart des grandes entreprises de la région étaient représentées par des dizaines de salariés en colère. " Chez Siemens, il y a eu un plan social qui a touché 276 personnes dont une vingtaine à Lyon. C'est d'autant plus révoltant que l'entreprise ne s'est jamais aussi bien portée. Cette année, elle a réalisé 60 millions d'euros de bénéfices nets. L'entreprise tire tout vers le bas ", explique Serge Dumoulin, syndicaliste CFDT chez Siemens. Dans le cortège, on retrouvait aussi une trentaine de salariés de Paru Vendu, entreprise en grève à 95% aujourd'hui à Lyon. Du jamais vu dans la courte histoire de ce groupe de presse gratuite. " Un plan social va être prochainement annoncé qui visera à supprimer plus de 400 postes sur les 2 600 du groupe en France. Lyon devrait être fortement touché alors que le groupe Comareg a annoncé un bénéfice de 15 millions d'euros en 2008 ", annonce Aurélien Pathoux, délégué CFDT du personnel.
Des syndicats satisfaits
A 14 heures 30, la délégation PS qui clôturait le cortège est arrivée à Bellecour. Plusieurs élus socialistes avaient pris part à la manifestation. 'Il est nécessaire d'être avec ceux qui luttent pour essayer de faire valoir les priorités d'une majorité de la population. Ce mouvement souève de vraies questions de société sur le pouvoir d'achat, l'organisation du travail. Le président de la République va devoir tenir compte de la mobilisation de ce jeudi. Aujourd'hui, dans le cortège, il y a des gens de tous horizons : du secteur public, du privé. Des gens qui sont horrifiés de voir que l'hôpital va devenir une entreprise commerciale et que la situation est pareille dans le domaine de l'école. Dans le privé, les salariés souffrent, le chômage augmente et le pouvoir d'achat baisse. L'écart entre les nantis et les salariés s'aggrave. Notre devoir de politique est plus de répercuter les problèmes de société que de savoir qui est en deuxième ou en troisième position sur une liste', nous a confié Jean-Louis Touraine, premier adjoint PS au maire de Lyon.
Après plus de quatre heures de manifestation, les syndicats étaient heureux. " Je suis impressionnée. On s'y attendait même s'il était difficile de prévoir une telle mobilisation. L'un des grands points positifs, c'est le panachage public-privé. Les salariés du privé sont venus en nombre car dans toutes les boîtes on attend des lettres de licenciements. Ils avaient donc envie d'être là. Maintenant, il faudrait que le gouvernement apporte des réponses. Les solutions qu'ils ont proposé jusque à ne sont pas suffisantes ", sourit Anne-Marie Colongelli, secrétaire général de l'Union Départementale CFDT du Rhône. A l'heure où nous écrivons ces lignes, une assemblée générale se tient à la Bourse du travail de Lyon. Au menu : la continuation du mouvement social. Une syndicaliste CGT plant le décor : " on ne va pas attendre le 1er mai pour faire une énième journée d'action. Il faut pousser un peu les confédérations... "
Paul Terra et Laurent Burlet
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