Les dirigeants de la PME lyonnaise, avait besoin d’informer formellement le comité d’entreprise (CE) pour que le tribunal de commerce se prononce le plus tôt possible sur la liquidation. Après une journée de réunion, ils l’ont obtenue.
Le directeur général est un homme pressé. Il tient à liquider rapidement son entreprise, seule véritable concurrente de La Poste depuis 2006 (lire par ailleurs). A destination des salariés, Christophe Viornery explique que les AGS* peuvent verser aux 340 salariés (dont 80 à Lyon) les payes d’octobre “dès le 26 novembre”.
Pour cela, il lui fallait informer le comité d’entreprise. Problème, le CE n’est toujours pas mis en place après les élections du 22 octobre. La direction a quand même tenté de réunir un CE extraordinaire le 17 novembre dernier. Les deux organisations syndicales représentées dans l’entreprise ont alors menacé de saisir la justice pour “délit d’entrave”. Le directeur général a reculé.
Jeunes salariés Vs dirigeants expérimentés
Un nouveau comité d’entreprise était programmé ce lundi, toujours au siège, quartier de la Soie à Vaulx-en-Velin. Prévue à 11h, la réunion commence avec un peu de retard suite à l’envahissement, sans violence, des locaux d’Alternative Post par une quinzaine de facteurs venus de Paris accompagnés d’autant de collègues lyonnais. Les forces de l'ordre restent postées à distance. Comme le prévoit la loi, une secrétaire du CE (FO) et un trésorier (CFDT) sont élus.
Des syndicalistes de la CFDT communication sont aussi présents. Ils conseillent les nouveaux élus cédétistes totalement inexpérimentés, lors des nombreuses suspensions de séances et par SMS. Surtout, Ies anciens expliquent aux jeunes qu’il ne faut rien signer pour éviter que le directeur général ne se présente devant le tribunal de commerce. Par contre, il faut utiliser le “droit d’alerte” qui permet de nommer un expert comptable qui épluchera les comptes de l’entreprises.
Jeunes et anciens syncalistes parviennent à convaincre la trentaine d’employés parisiens et lyonnais de la justesse de la démarche conseillé par les syndicats. “Si on signe tout de suite, on aura les salaires d’octobre et c’est tout. Là, on peut espérer le versement des congés payés et des indemnités de licenciement”, précise Zacharia Saadallah, fraîchement élu trésorier (CFDT) du comité d’entreprise Alternative Post.
A 16h, le CE se termine. Une prochaine réunion est fixée au 2 décembre avec, à l’ordre du jour, la nomination d’un expert comptable par les élus pour auditer les comptes de l’entreprise. Jusque là, les salariés pensent avoir résisté à la pression de leur direction. Mais, rapidement, on apprend que la secrétaire du CE (FO), agent de tri postal à Bagnolet, a signé le procès verbal de la réunion. Stupeur. “Il ne faut pas l’accabler, coupe Eric Guffroy l’un des conseillers des syndiqués CFDT. Les dirigeants d’Alternative Post ont joué sur l’inexpérience de ces jeunes. Ils ont réussi”.
“Patron-voyou ?”
Avec ce PV, le directeur général peut prouver au tribunal de commerce que le comité d’entreprise a été informé, ce qui est nécessaire pour enclencher une procédure judiciaire qui risque, vraisemblablement, de se traduire par une liquidation, au vu du montant des pertes (1,2 millions d’euros) ramené aux fonds propres.
Pierrick Le Guirrinec, secrétaire fédéral de la CFDT communication, venu spécialement de Paris, tire toutes les conséquences de ce passage express devant le tribunal de commerce : “Le tribunal ne va pas enquêter sur les comptes, ce qu’aurait pu faire un expert nommé par le CE. Il va seulement regarder le bilan et va conclure à la liquidation. Il peut demander une enquête mais je n’ai jamais vu un tribunal le faire. Pour autant, la nomination d’un expert montre que le CE s’interroge sur la véracité des chiffres”.
Le syndicaliste a rapidement pu consulter les chiffres d’Alternative Post. Il se pose des questions sur les provisions pour salaires. “Pour 2009, les salaires étaient provisionnés. Or c’est une somme censée être bloquée. Pourquoi alors, du jour au lendemain, il n’y a plus de provision pour salaires ? Et dans le cas où les provisions n’auraient jamais été faites, cela voudrait dire que le patron emploie des gens sachant qu’il ne pourra pas les payer demain. Ce qu’on appelle un patron voyou”.
Interrogé par Lyon Capitale, le directeur général Christophe Viornery se refuse à un faire un commentaire sur le déroulement de la journée. Mais il précise : “On ne peut pas préjuger de la décision du tribunal. On va le convaincre d’aller très vite parce qu’il y a 340 personnes qui ne sont payés”. L’audience du tribunal de commerce de Lyon est prévue pour ce mercredi 11h.
*Association pour la gestion du régime de Garantie des créances des Salariés
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