Pourquoi considérez-vous que les OGM ne sont pas une solution pour régler le problème de l'augmentation des besoins alimentaires ?
Arnaud Apoteker : Aujourd'hui aucun OGM ne produit plus qu'une variété conventionnelle. Pour l'instant, les OGM que nous avons sur le marché, fabriquent des insecticides ou sont tolérants à un herbicide. Ils facilitent le travail d'un agriculteur mais n'augmentent pas les rendements. Deuxièmement, presque tous les OGM commercialisés sont faits pour nourrir les animaux d'élevage des pays riches et non pour nourrir la planète. Troisièmement, beaucoup des OGM de nouvelle génération dont on nous parle sont destinés à améliorer le rendement des agro-carburants et n'ont donc pas d'applications alimentaires. Enfin, ceux qui investissent dans les OGM s'approprient les droits de propriété intellectuelle sous forme de brevet en rendant complètement dépendants les agriculteurs du monde entier. Alors que, selon nous, la meilleure option pour la sécurité alimentaire de demain, consiste à rendre les agriculteurs beaucoup plus autonomes. Surtout, au lieu de réduire la biodiversité comme le font les OGM, la meilleure assurance contre les conditions plus difficiles de demain réside dans une agriculture intensive en biodiversité, c'est-à-dire qui multiplie les variétés cultivées adaptées aux écosystèmes locaux, plutôt que quelques variétés en nombre réduit qu'on essaye de rendre plus universelles possibles.
Pourquoi considérez-vous que la transgénèse est une approche scientifique dépassée ?
Aujourd'hui, pour créer des OGM, on bombarde dans le noyau des cellules des plantes de façon rudimentaire et aléatoire un petit nombre de gènes dont on ne sait pas où ils vont s'insérer dans le génome, ni quel type d'interactions ils vont provoquer. Or les conditions d'évolutions des plantes sont dépendantes d'un très grand nombre de gènes et d'interactions entre les gènes. On fait du bricolage rudimentaire alors que l'évolution des connaissances devrait nous amener à comprendre qu'on est dans des systèmes de réseau. Ce n'est pas le gène en tant que tel qui va produire dans toutes les conditions certains effets particuliers, ce sont des éléments extrêmement complexes d'interactions entre gènes et avec le reste de l'environnement. C'est ce qu'on appelle la biologie des systèmes. Les dogmes aujourd'hui sont remis en question. Les concepts évoluent et essayent de rendre mieux compte de la complexité. Je pense que cette connaissance des réseaux génétiques et de leurs interactions avec l'environnement devrait nous permettre de continuer à améliorer des variétés de façon plus globale.