À la suite de l'agression de leurs collègues dans le nord de la France, les surveillants bloquaient en ce début de semaine les prisons du Rhône. Corbas, Villefranche, Roanne ou encore Saint-Étienne, la situation est rapidement revenue à la normale. Bernard Bolze, fondateur de l'Observatoire international des Prisons et initiateur du site Prison Insider réagit à ces manifestations.
Surveillant de prison est un métier difficile. Coincés entre les détenus, la hiérarchie pénitentiaire et les décisions politiques nationales, ils sont selon Bernard Bolze victimes de leur image. "C'est un métier dévalorisé, et donc dévalorisant", estime le militant, qui comprend la colère de ces hommes en uniforme. Il ajoute : "Traditionnellement, c'est mal vu d'être surveillant pénitentiaire. Alors que c'est un métier qui demande beaucoup de qualités". Calme, sang-froid et empathie sont en effet des traits indispensables pour évoluer de façon pérenne en milieu carcéral. Pour Bernard Bolze, garder des prisonniers c'est "être gardien de son semblable, être gardien de son frère".
Surpopulation pour les détenus et extrémisme chez les surveillants
Pourtant, Bernard Bolze met en garde sur les réelles motivations de ces surveillants, qui selon lui ne sont pas toujours très claires. Il considère que les agressions, comme celles qu'ont subies les trois gardiens de la prison de Vendel-en-Vieil, sont instrumentalisées. "L'agression était très modeste, et ne méritait pas de bloquer les prisons de France. Ce qui est dangereux, c'est qu'il y a toute une idéologie d'extrême droite qui gangrène la profession", assure-t-il. Des considérations politiques donc, qui pousseraient certains gardiens à demander d'appliquer des politiques sécuritaires plus répressives. Or, selon lui, "ces politiques le sont déjà assez comme ça" et causent la plaie du système carcéral français : la surpopulation. "La surpopulation, c'est un fait. Elle existe, car on enferme des gens qui n'ont pas raison d’être en prison. On les emprisonne pour des délits mineurs et sur de courtes périodes. Le résultat, c'est que ça abîme les gens, et qu'ils ont ensuite plus de chances de récidiver", explique M.Bolze avant d'ajouter "une prison où les conditions de travail des gardiens et les conditions de vie des détenues sont mauvaises ne peut rien donner de bon".
Des surveillants mal formés et des politiques désintéressés
Bernard Bolze dénonce également la formation des surveillants pénitentiaires, trop légères selon lui. Jeunes et peu formés, les gardiens n'auraient pas les outils en main pour assurer correctement leur métier. "On envoie en première ligne des jeunes de 20 ans avec 8 mois de formation. Les gardiens chevronnés eux, demandent à être mutés dans les prisons les plus calmes. Au final, ce sont les moins expérimentés qui se retrouvent là où c'est le plus compliqué", déplore-t-il. Sur les blocages, Bernard Bolze considère que les gardiens se trompent d'adversaire. Il insiste : "Les politiques se fichent du milieu carcéral, ça ne les intéresse pas. Les premiers touchés par les blocages, ce sont les détenus. Pendant une journée, voire plusieurs, ils ne peuvent plus voir leur avocat, accéder au parloir ou sortir au tribunal". Finalement, la situation serait bloquée de toutes parts. Blocages de prisons inefficaces, détenus lésés dans leurs droits et politiques insuffisantes, le système carcéral français a, pour Bernard Bolze, tout d'un système qui "marche sur la tête".