Management : chèques-vacances, fête annuelle…, la CGT manie la carotte et le bâton avec les autres syndicats du CER de la SNCF. 2e volet de notre enquête.
Rappel : Les 26 et 27 juin derniers, huit syndicats du comité d’établissement régional (CER) de la SNCF, CGT entête, comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Lyon. Leur sont reprochés des faits d’abus de confiance, faux et usage de faux. Durant des années, ils auraient ainsi ingurgité une bonne part du budget de fonctionnement du CER, via un accord de répartition imposé par la CGT et signé par tous.
D’ici au rendu du jugement, le 26 septembre, ces syndicats sont bien entendu présumés innocents. Nous avons toutefois pu explorer des dizaines de pages de documents exclusifs : PV de réunions du CER, courriers alarmistes du cabinet d’expert-comptable, bilans annuels, tracts dénonçant en interne la direction du comité... Mis bout à bout, ces documents jettent une lumière crue sur la façon dont un syndicat majoritaire impose sa loi au sein d’une structure censée servir les intérêts des salariés et qui, en fin de compte, aura servi à financer les syndicats eux-mêmes.
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Un jeu dangereux
Via l’accord de répartition du budget de fonctionnement du comité d’établissement régional (CER) de la SNCF, la CGT joue à “Je te tiens, tu me tiens par la barbichette”, ouvrant tout grand le portefeuille du CER, mais selon ses propres modalités et sans aucune négociation.
Le syndicat majoritaire bloque certains dossiers qui lui déplaisent. Désireuse de transférer la gestion des chèques-vacances à la SNCF, la CGT en bloque le budget en refusant simplement d’inscrire la question à l’ordre du jour. Ce qui force le CER à fonctionner, au cours de l’année 2005, sous le régime dit de l’engagement des dépenses : une gestion au jour le jour ! Un jeu dangereux, pratiqué en pleine débâcle financière.
Sans cet argent, pas de chèques-vacances... à la grande satisfaction de la CGT, qui se trouve tacitement soutenue par la direction régionale de la SNCF. Celle-ci, en effet, s’arc-boutera sur le règlement et restera sourde aux supplications des autres syndicats. Devant ce cas manifeste de “non-assistance à démocratie en danger” (le mot est de Gérard Sonnier, de la CFTC), il faudra que les syndicats non CGT claquent la porte lors de la réunion du 28 juillet 2005 et convoquent une réunion exceptionnelle du CE consacrée à ce seul dossier. Avec (enfin !) un vote. La CGT perd la partie... mais a gagné de longs mois sans financement des chèques-vacances.
Paranoïa contrôlée
Outre un pouvoir de veto écrasant, la CGT use d’une rhétorique bien huilée qui lui permet à la fois de montrer les dents vis-à-vis de la direction de la SNCF et d’étouffer les critiques en provenance des autres syndicats. Une paranoïa contrôlée dont l’expression ne changera pas d’un iota au fil des années. Envers les autres élus du CER, le ton se fait cassant : les arguments du type “En attaquant la CGT, on attaque le syndicalisme” ou “Il ne faut pas se tromper d’ennemis” sont largement utilisés à l’encontre de Sud Rail et consorts.
La volonté d’imposer à tout prix les chèques-vacances, par exemple, “ne peut s’expliquer que par une seule raison : la volonté de nuire à la première organisation syndicale, la CGT, en créant un climat de polémique et de suspicion”. La simple discordance de points de vue n’existe pas : tout ce qui va à l’encontre de la volonté de la CGT est forcément une attaque contre elle.
La CGT règne sans partage – il lui arrive de truster l’ensemble des postes de gestion du CER (secrétaire, trésorier et président des activités sociales) – et ne rechigne pas, à l’occasion, à prendre des décisions au niveau du CER sans en référer aux autres élus. La fête annuelle fait ainsi son grand retour en 2006, avec un budget de 10 000 euros, alors même qu’elle “n’a jamais été validée en bureau de CE”, dénonce Denis Minneboo (Sud Rail), qui pointe également “l’embauche prévue, une fois de plus sans l’accord du bureau du CER, d’une secrétaire de direction”.
Une fête bien utile ?
Enfin, la CGT peut user de certains artifices pour utiliser l’argent du CER à son avantage. La “fête de défense de la Bachasse” en est un parfait exemple. La gestion de ce parc de sept hectares avec piscine avait été confiée au CER de Lyon en 1986. En 2013, la direction de la SNCF envisage un temps de le vendre, puis change d’avis. Cela n’empêchera pas les élus du CER, emmenés par la CGT, de maintenir leur “fête de défense” organisée à la Bachasse le 16 juin suivant. Pourquoi ? Dans un tract, les délégués Sud Rail du personnel y voient une question de calendrier : “Serait-il naïf de penser que le seul but poursuivi par notre direction (...) est de “préparer” les élections cheminotes de 2014 ?” L’idée serait aussi de créer une diversion, à quelques jours du procès de la fin juin.
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et demi d'enquête préliminaire consacrée à la gestion du cer de la sncf, Dans ses conclusions précisément datées du 18 octobre dernier, la pj estime que la gestion du ce est émaillée , d'une série de dépenses sans rapport avec l'objet social du comité. En clair, des détournements qui pourraient relever d'infractions pénales susceptibles de poursuites.
Les dérives présumées portent ; sur le budget de fonctionnement, de l'ordre de 500000 par an , d'un organisme qui compte 120 employés.
le budget des activités sociales, de l'ordre de 3,7 millions d'éuros annuel, qui comprend des activités de loisirs , de restauration ou encore les chèques vacances, n'est pas en cause.
en revanche, les dépenses purement fonctionnelles recèlent « des anomalies » estime du dossier, avec un déficit de 8 500 euros en 2002, porté à 79 000 euros en 2003. Les investigations de la PJ portent notamment sur des dépenses liées à des formations qui auraient bénéficié à des syndicats « en dehors de la vocation du ce . selon la même source.
d'autres aspects, plus anecdotiques, mentionnent des frais exagérés, comme des cartes d'essence ou des achats de bouteilles. La cgt au premier rang . plusieurs personnes et les syndicats pourraient donc connaitre des ennuis judiciaires. Au premier rang, la cgt, largement majoritaire à la tête du ce. mais pas seulement, d'autres syndicats ont pu bénéficier de ces anomalies conclut en substance le
la suite de la procédure dépend désormais de la décision du parquet de lyon un dossier délicat, l'affaire renvoie plus largement au fonctionnement des comités d'entreprises, c'est une boite de pandore, commente une source judiciaire. Plusieurs options. Le parquet estime les infractions insuffisamment constituées et classe le dossier sans
suite ou il renvoie l'affaire devant le tribunal correctionnel probablement pour« abus de confiance et faux et usage de faux . l'enquête sur la ce de la sncf avait éclaté dans un contexte tendu en 2005, plusieurs syndicats dénonçaient une situation financière délicate, à limite de la cessation de
payement affichant une dette totale cumulée de 800 000 à 1 million d'euros selon les estimations et faisant l'objet d'un copieux redressement fiscal sur la TVA de la restauration.Ils évoquaient une ' gestion opaque '. Mise en cause, la cgt déplorait des arrière-pénsées en pleine période electorale et soulignait les baisses de dotations de la sncf.
Le problème, indique une source, c'est que la direction du cer tenue par la cgt ndlr ne met pas en place de plan social. Elle pousse les gens à basculer à la sncf sans vraiment leur demander leur avis : tous n'ont pas envie de se retrouver aux guichets ou contrôleurs dans les trains ». La loi oblige à enclencher un plan social à partir de dix suppressions de postes. Une employée l'a rappelé la semaine dernière à
la secrétaire cgt du comité d'entreprise de la sncf de lyon dans une lettre en re qui se passe de tout commentaire: s'il prive les salariés des réparations prévues par la loi en cas de licenciement économique éventuel, lui écrit-elle, l'employeur est passible de sanctions civiles et pénales amende prononcée , autant de fois qu'il y a de salariés concernés par l'infraction .
ce courrier qui détaille de présumées atteintes au code du travail a été envoyé simultanément à l'inspetion du travail. Le comité régional de la cgt contacté hier se déclarait ne pas disposer d'informations récentes sur le dossier du cer