La MJC de Villeurbanne accueille ce week-end "Les Etats Généraux de l'Egalité Hommes/femmes dans les Arts et la Culture". Un atelier sur les chiffres clés de l'égalité au service des femmes et des hommes a été animé par Cécile Favre, maîtresse de conférence en informatique à l'Université Lyon 2 et co-responsable du Master "Etude sur le Genre". Les participants se sont questionnés sur la possibilité et les modalités pour chiffrer le sexisme dans le domaine de la culture et des arts.
"Aujourd’hui encore, dans les ministères, il faut insister pour que les statistiques soient sexuées" avait écrit Michelle Perrot en 1998 dans son livre, Les Femmes ou les silences de l’histoire. Cette question est encore d'actualité. Quelques années plus tard, en 2006, le rapport Reine Prat fait grand bruit dans le milieu culturel. Ce rapport comprend quelques chiffres éloquents, comme celui-ci : "82% des postes de directions de théâtre institutionnel sont occupés par des hommes". En ce week-end de clotûre du Festival Lumière, où pour la première fois de son histoire, le prix est décerné à une femme, les questions d'égalité et de discrimination sont au cœur des ateliers proposés par l'association HF à la MJC de Villeurbanne.
L'atelier de Cécile Favre ne visait pas à quantifier le sexisme dans les arts et la culture, mais à "mettre en perspective l'usage des chiffres et amener une réflexion sur leur production". Une vingtaine de participants, dont des hommes, se sont interrogés notamment sur l'objectivité des chiffres produits, leurs impacts, ou la difficulté de chiffrer des inégalités visibles sur le terrain mais difficilement quantifiables. Parmi les participants se trouvaient en majorité des personnes du domaine des arts et de la culture (comédiens et comédiennes ou metteur en scène), mais aussi des étudiants et étudiantes en genre ou en art du spectacle.
Avec des paravents, il y a plus de femmes dans les orchestres
"Ce qui a émergé notamment, c'est la question de savoir quelles sont les personnes qui commandent les études et la manière de les mener" explique Cécile Favre, co-responsable du Master "Etude sur le genre". "Nous nous sommes par exemple interrogé sur la question des stagiaires, car ils sont nombreux dans le domaine des arts et de la culture à être peu ou pas rémunérés : quelles statistiques pourraient être intéressantes pour aborder la question de l'égalité ou de l'inégalité chez ces stagiaires ?" Une étude en musique a par exemple montré que le fait d'introduire des paravents pour le recrutement en orchestre avait nettement fait augmenter le nombre de femmes acceptées pour jouer. Mais ces études ont parfois du mal à émerger, comme l'explique Cécile Favre : "dans le domaine des arts et de la culture, il est question de faire remonter les chiffres sur les discriminations, mais il est aussi nécessaire de les remettre en perspective et d'expliquer pourquoi on obtient ces chiffres là. Il y a à la fois des difficultés et un besoin de pouvoir chiffrer et quantifier le sexisme."
Question de talent.. ou de discrimination ?
Si des chiffres officiels montrent des inégalités dans le domaine de la production des arts et de la culture, des métiers ou dans la direction des scènes, avec notamment les questions de plafond de verre concernant les femmes, Cécile Favre souligne qu'avoir des études chiffrées et objectives est parfois délicat. "La question des candidatures a aussi été abordée : est-ce que les femmes ont besoin de faire beaucoup plus de candidatures pour arriver à leur fins que les hommes ? Ce sont des questions difficiles, car de nombreux paramètres entrent en compte. L'explication facile est de dire qu'il s'agit d'une question de talent et non d'inégalité, à savoir, s'il y a moins de femmes dans la culture, c'est que finalement elles sont moins talentueuses. Les chiffres ont pu mettre en lumière un certain nombre de problèmes et disqualifier l'argument du talent, mais il faut toujours se poser la question de leur production et garder à l'esprit que si certaines pratiques ne sont pas objectivables, cela ne veut pas dire pour autant qu'elles n'existent pas".