Dès demain, la FDSEA appelle les agriculteurs à manifester devant la préfecture du Rhône. Si la fédération souhaite éviter les débordements, la coordination agricole Rhône-Alpes préfère ne pas agir dans l’espace public. Pour les deux syndicats agricoles, un seul point d’accord : il faut des solutions politiques pour sauver l’agriculture française.
Le rendez-vous a été pris avec le préfet du Rhône, Michel Delpuech, mardi après-midi, mais les agriculteurs affiliés à la FDSEA ne veulent pas en rester là. Face à la sévère crise qui touche l'agriculture, la fédération du Rhône appelle à un rassemblement dès 13h de toutes les filières agricoles (fruits, viande, lait et vin). Plus de 2 000 adhérents ont été sollicités pour une manifestation devant la préfecture. Pour le secrétaire général de la FDSEA, Pascal Girin, seuls 10 % d'entre eux devraient faire le déplacement pour manifester de manière pacifique.
En débat, les mesures insuffisantes du Gouvernement pour résoudre la crise de la production agricole, notamment du lait : "les réponses qui ont été apportées, ça a été un chèque qu'on a toujours considéré comme un pansement. Aujourd'hui, on nous a encore proposé un chèque, mais qui est complètement inutile, car nous voulons de vraies réformes qui tiendront dans le temps et qui serviront à reconstruire et à reconfigurer les filières agricoles", explique le secrétaire général.
La fédération demande des réformes pour assurer la compétitivité des exploitations françaises, notamment par des mesures de simplification administrative et des baisses de charges sociales. "Aujourd'hui, nous avons passé 2015 avec un prix du lait qu'on a limité à la baisse en faisant pression sur la distribution et sur nos transformateurs. Sauf qu'aujourd'hui des entreprises étrangères viennent avec des prix beaucoup plus bas."
Crise agricole : “un malaise de fond”
Le syndicat de la coordination rurale envisage ses actions différemment de celles menées par la FDSEA : rencontrer directement les élus sans manifester dans l'espace public. "La situation de l'agriculture est dramatique pour les agriculteurs, mais il est très difficile d'aller manifester, les gens sont démobilisés et les solutions sont politiques. La dernière action que nous avons mise en place la semaine dernière est d'écrire à tous les députés européens pour qu'ils agissent directement sur la Commission pour réguler les productions", explique le président Rhône-Alpes de la Coordination rurale, Jean-Louis Ogier.
Il dénonce aussi les industriels qui ne payent pas la matière première : "ils disent que c'est parce qu'ils la trouvent moins cher ailleurs, la vérité c'est qu'ils en ont assez, il y a une surproduction. Et le problème est dans tous les pays européens. C'est quand même inadmissible que des gens travaillent pour rien ! Quand on entend des disputes pour les sportifs de l'OL qui ont 100 000 euros de moins et qu'on voit les paysans en train de crever sur leurs fermes alors que leur travail est de nourrir la population... Pour moi, il y a un gros malaise de fond."
“Aujourd’hui, les paysans volent des paysans”
Si les deux syndicats se rejoignent dans leur volonté de sauver les filières agricoles françaises, Jean-Louis Ogier dénonce l'hypocrisie de la FDSEA, qu'il accuse de porter une "double casquette" : "ce sont les premiers fossoyeurs de notre profession, ils sont à la fois dirigeants du syndicat et de la Coopération qui doit rémunérer les producteurs... et ils ne le font pas."
Le président de CR Rhône-Alpes évoque notamment le cas de la compagnie laitière Sodiaal :"c'est la première organisation à ne pas payer ses producteurs alors qu'elle est détenue par des agriculteurs. Ils vont faire des super-bénéfices dans des filiales type Yoplait, Candia, etc. Et ils ne reversent aucun bénéfice. Aujourd'hui, les paysans volent les paysans. Et, derrière tout ça, les industriels sont contents. Tant que la coopération jouera ce jeu dangereux, on ne s'en sortira pas."
Un office national du lait, comme en 1936 ?
Pour Jean-Louis Ogier, l'Etat pourrait trouver le moyen de racheter une partie des productions agricoles pour sauver le métier : "nos anciens nous ont parlé de 1936. Le blé ne se vendait pas et les paysans français étaient dans une crise comme aujourd'hui. L'Etat a créé l'Office national interprofessionnel des céréales pour racheter les céréales à un prix correct aux agriculteurs. Ils ont sauvé l'agriculture. Aujourd'hui, tant que les politiques n'auront pas pris en main la destinée de l'agriculture, on ne s'en sortira pas. Derrière tout ça, il y a 500 millions de consommateurs en Europe. Si les paysans disparaissent, vous n'allez avoir plus rien à vous mettre sous la dent, messieurs dames. Je ne veux pas agiter une menace, j'essaye d'être réaliste."