Dans un discours empreint d’émotion et de la volonté de défendre son honneur et son parcours, le préfet d’Auvergne-Rhône-Alpes Henri-Michel Comet a quitté ses fonctions ce jeudi lors d’une réception organisée dans les salons de la préfecture. Un discours prononcé face à bon nombre d’élus, avec une absence remarquée : celle du parti La République En Marche.
Élus, gradés, personnel de la préfecture : la salle de réception de la préfecture était pleine ce jeudi pour la réception organisée par Henri-Michel Comet, préfet du Rhône et de la région Auvergne-Rhône-Alpes, et le secrétaire général de la préfecture Xavier Inglebert, préfet délégué à l’égalité des chances. Limogés par Gérard Collomb après la libération à Lyon du terroriste de Marseille, les deux hommes ont soigné leur sortie de l’avis unanime des personnes présentes. D’abord, Xavier Inglebert a fait part de sa douleur de “s’arracher à un territoire où [il] s’est investi”. “Ce départ s’inscrit dans un contexte particulier. Je l’appréhende comme un challenge et je ne pourrai compter que sur mes propres ressources enrichies de la chaleureuse bienveillance de celles et ceux qui me soutiennent depuis dix jours. Mes propos sont donc à la confluence de la mélancolie et de la résolution”, a-t-il déclaré. Puis Henri-Michel Comet, accompagné de sa femme, a adressé, des sanglots dans la voix, ses pensées aux victimes de l’attentat de Marseille. “Je partage la douleur des parents, des proches, des amis. Je la partage en restant à ma place, dans la sincérité du cœur”, a-t-il dit.
Aux larmes, etc.
Dans cette dernière allocution préfectorale, celui qui sera désormais préfet sans affectation a salué les personnels de la préfecture du Rhône : “Ce qui vous est demandé est d’une exigence extrême. Vous y répondez avec abnégation, avec le respect des lois et des règlements et avec les moyens qui vous sont donnés.” Un manque de moyens aussi critiqué par les fonctionnaires de police administrative que nous avions contactés durant l’enquête de l’Inspection générale de l’Administration (IGA) qui a abouti à la destitution des deux préfets. Une constatation plus qu’une excuse pour celui qui, après une carrière de trente-cinq ans, a surtout souhaité mettre en avant son parcours avec fierté et sa volonté de ne pas le laisser salir. “Ma vie préfectorale s’achève ce jour, a déclaré Henri-Michel Comet. L’un de mes aïeuls a été un hussard noir de la République, moi-même j’ai été boursier de cette République. C’est donc en conviction et en reconnaissance que j’ai servi. Ma vie préfectorale a été riche. C’est avec la délectation que permet la lucidité que j’estime et que j’apprécie la responsabilité qui m’est attribuée. Politiquement, il faut un responsable. J’ai entendu injustices et brutalités. Peu m’importerait s’il n’y avait pas eu de victimes. J’ai entendu “risque du métier”. C’est une analyse sommaire, qui relève d’un monde révolu définitivement. Je ne représenterai plus jamais l’État. Mon uniforme pourra aller au feu. Il n’y a ni amertume, ni mélancolie, ni nostalgie. C’est seulement la fin d’une aventure.” “J’ai servi l’État avec énergie et passion”, a confié le préfet.
“C’est pétri d’une grande confiance, dans notre beau et grand pays, que je vous quitte”
Henri-Michel Comet a formulé deux souhaits : “Mon obsession reste l’avenir de mon pays. Sans prétendre aller au-delà de ma position, je souhaite que les responsables du fonctionnement de l’État soient unis face à l’adversité nouvelle et extraordinaire que nous subissons depuis plusieurs années. Nos ennemis se repaissent des fragilités de notre démocratie. À nous d’opposer un État avec un visage qui ne se désagrège pas. À nous aussi de trouver des issues qui soient des solutions. S’il vous plaît, ne livrons pas le service public en pâture. L’État a besoin pour le représenter de personnes expertes et robustes qui assument leur devoir en confiance.” “C’est pétri d’une grande confiance dans notre beau et grand pays que je vous quitte”, a-t-il conclu, les larmes aux yeux.
Des élus, mais pas de macronistes
Beaucoup d’élus étaient présents ce jeudi midi à la préfecture. De droite, Nora Berra, Philippe Cochet, Renaud Pfeffer, Georges Fenech, Michel Forissier, Michel Mercier, Richard Brumm, mais aussi de gauche : André Gachet, Jean-Yves Sécheresse, Jean-Jack Queyranne, Hélène Geoffroy. Des élus de l’“ancien monde”, mais pas un macroniste à l’horizon. Aucun élu LREM de la Ville de Lyon, tout de même représentée par Richard Brumm et Jean-Yves Sécheresse, mais pas par Georges Képénékian ni David Kimelfeld. Conviés, les députés étaient tous absents, “pris à l’Assemblée nationale”. En off, certains élus y voient la patte de Gérard Collomb, qui aurait demandé de ne pas assister à cette réception. D’autre décrivent plutôt une forme d’autocensure des élus de la majorité présidentielle : “Que ce soit les jeunes députés ou les élus locaux, ils ne veulent pas se risquer à aller contre le chef. Seuls Richard Brumm et Jean-Yves Sécheresse sont venus parce qu’ils ne sont pas En Marche et parce que ce sont des élus qui ont un poids politique.” “Derrière ce préfet, il y a un parcours et un homme qui a servi l’État avec grandeur. Ils [les élus LREM] se disent ni de droite ni de gauche, porteurs d’humanisme, de collégialité, d’union nationale. Mais elle est où, l’union nationale, aujourd’hui ? Où est l’esprit républicain qu’ils disent incarner ?” a critiqué l’ancienne députée Nora Berra. Selon nos informations, seul Bruno Bonnell aurait téléphoné au préfet pour le saluer.