Dans son livre "L'honneur et les honneurs" (à paraître le 16 janvier), il raconte comment le "devoir de résistance" l'a conduit à s'opposer, par deux fois, aux ordres des cabinets ministériels. En 2004, on lui a demandé de ne rien faire contre le professeur Bruno Gollnisch malgré ses propos ambigus sur la Shoah. Il n'en a pas tenu compte. En 2005, on lui a dit d'accepter le lycée musulman, malgré des problèmes de sécurité, il a refusé. Pour Lyon Capitale, il explique une conduite peu commune chez un fonctionnaire de son rang.
Lyon Capitale : Vous avez été révoqué pour vous être opposé à l'ouverture du lycée musulman Al Kindi de Décines. Pourquoi avoir pris position contre votre hiérarchie ?
Alain Morvan : Jusqu'à la fin du mois d'août 2006, je traite le dossier en terme strictement technique. Puis il y a un basculement. Lors de cette réunion hallucinante qui a lieu au mois d'août au Ministère de l'Intérieur, je comprends. On me dit clairement qu'il n'est pas question de mener des combats perdus d'avance. Or je ne vois pas pourquoi un dossier qui ne tient pas la route du point de vue de la sécurité devrait être accepté. D'ailleurs l'équipe d'Al Kindi réduira la voilure pour ne pas avoir à subir d'autres analyses que celle de l'air ambiant comme si la pollution dont souffre le sol et la conduite de gaz à haute pression qui passe à proximité n'avaient aucune importance dès lors qu'il y a moins de 200 élèves. On est dans un univers kafkaïen où l'on fait l'impasse sur le respect absolu de certaines réglementations alors que l'on est persuadé que c'est dangereux.
Comment expliquez-vous l'attitude du ministre de l'Intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy ?
Le ministre de l'Intérieur a souhaité par principe l'ouverture de ce groupe scolaire musulman. Ce sont des raisons électoralistes car il permet d'aller dans le sens de ce qu'on croit être l'attente de la communauté musulmane. Sarkozy veut donc faire aboutir ce projet pour des raisons contraires à la laïcité, à savoir le communautarisme.
Pourquoi les fondements de la République seraient remis en cause par l'ouverture de ce lycée privé musulman en septembre 2007 ?
On peut toujours s'inquiéter pour le respect de l'Etat de droit quand on voit qu'un groupe de pression a la peau d'un fonctionnaire qui veut faire son métier. Ensuite, le caractère identitaire du projet d'établissement me choque. L'école est un instrument de libération et non de repli sur soi, fût-il identitaire ou religieux. Il est très grave d'avoir une école par sensibilité religieuse. L'enseignement de la République consiste au contraire à prendre tous les élèves d'une classe d'âge et à leur faire partager les mêmes savoirs, les mêmes expériences et les mêmes valeurs.
Après Al Kindi, le discours de Latran. Pensez-vous que Nicolas Sarkozy remette en cause la laïcité républicaine ?
Le discours prononcé devant le Pape est ahurissant. Quand le président de la République dit que la meilleure garantie de la morale est la foi, on revient à pieds joints à l'époque de Bossuet. Sarkozy piétine non seulement la loi de 1905 mais aussi tout ce qu'il y a avant. Comme enseignant, entendre que "l'instituteur sera toujours inférieur au curé, parce qu'il n'a pas fait le sacrifice suprême" me révolte. Sarkozy, président de la République, n'a pas le droit d'exprimer ce que Sarkozy pense comme personne privée. Que le premier des agents publics porte une atteinte aussi grave à la neutralité de l'Etat, signifie qu'il faut rétablir une religion d'Etat. Belle façon de rentrer dans l'avenir à reculons ! La France perd quelques siècles.
Vous estimez aussi payer pour avoir fait le ménage à Lyon III...
Evidemment ! Car un certain nombre d'imbéciles n'ont pas compris mon action.
Vous dénoncez les collusions entre l'extrême droite et la droite lyonnaise, pour laquelle selon vous "la lutte contre l'antisémitisme, c'est une fois par an, le soir du dîner du CRIF". N'est-ce pas un peu excessif ?
Il est injuste de dire que tous les gens de droite ne s'intéressent pas aux problèmes de l'antisémitisme. Parmi les hommes et femmes de droite que j'absous, il y a notamment la sénatrice UDF Muguette Dini. Mais j'ai vu tellement de gens aller faire quelques salamaleks au dîner du CRIF et après demander ma tête à Paris, parce que je m'étais systématiquement opposé aux dérives d'extrême droite à Lyon 3, que je fais la part des choses entre ce qu'on affiche et l'opportunisme politique.
Vous avez été considéré comme de droite, l'êtes-vous toujours ?
Je ne me reconnais pas dans la façon dont la droite a tourné le dos à un certain nombre de valeurs. Je pensais que la droite n'était pas seulement la conservation des intérêts et le libéralisme économique, mais pouvait être rattachée à une certaine idée d'humanisme et de résistance. Mon admiration pour De Gaulle est toujours immense mais je me reconnais davantage dans les valeurs de Jean-Jack Queyranne ou de Gérard Collomb que dans les valeurs de Dominique Perben, surtout après qu'il ait demandé régulièrement à Paris ma révocation. Disons que j