Les élections controversées du 8 juin dernier ont achevé de diviser le Conseil français du culte musulman (CFCM). Face à ces dissensions, le recteur de la grande mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, a décidé de mener la fronde en créant une nouvelle structure, “Mosquées et musulmans solidaires”, qui entend dénoncer "l'absence de débat démocratique" au sein du CFCM.
Les élections du 8 juin dernier ont annoncé "la faillite attendue et constatée du CFCM", selon le recteur de la grande mosquée de Lyon, Kamel Kabtane. Alors qu'elles visaient à renouveler les instances dirigeantes du CFCM et de ses antennes régionales, pour ce dernier, il s'agissait plutôt d'une "mascarade électorale". Il avait d'ailleurs refusé d'y participer, les jugeant loin d'être représentatives, alors même qu'il avait été à l'origine de la création du CFCM.
Le 18 juin dernier, le recteur lançait son appel, fustigeant les nouveaux présidents des conseils régionaux, "présidents suggérés et désignés sur la base de critères politiques ou diplomatiques, totalement étrangers aux véritables intérêts de la communauté musulmane".
“Absence de débat démocratique”
C'est du sentiment d'"absence de débat démocratique" au sein du CFCM, souligné dans l'appel du 18 juin du recteur de la grande mosquée de Lyon, que le nouveau mouvement "Mosquées et musulmans solidaires" est né. Soutenu par plusieurs représentants de mosquée, Kamel Kabtane entend créer une structure "ouverte à la jeunesse, aux femmes, aux intellectuels et aux Français convertis" et "démocratiquement représentative du culte musulman en France" et non pas ce qu'il désignait comme "un islam sous tutelle étrangère".
Dénonçant la mainmise des trois grandes fédérations qui composent le conseil, il estime que "la communauté musulmane ne se reconnaît plus dans le CFCM" et veut ainsi "donner aux musulmans la possibilité de s'exprimer".
Ce sont les "ambitions politiques et personnelles des nouveaux présidents de fédération" qui sont pointées du doigt par le recteur de la grande mosquée de Lyon. Il considère que les fédérations "défendent uniquement leurs intérêts et notamment ceux des pays qu'ils représentent". Les trois grandes fédérations présentes au sein du CFCM sont, en effet, chacune liées à un Etat.
Le Rassemblement des musulmans de France (RMF), proche du Maroc, et la Grande Mosquée de Paris (GMP), liée à l'Algérie. Seulement voilà, il existe des tensions entre les courants de ces deux pays, en France. C'est notamment ce point qui a empêché les délégués de l'Islam de France d'élire le nouveau président du CFCM, dimanche 23 juin. Les 45 membres du conseil d'administration ont ainsi choisi de reporter l'élection au dimanche suivant. En attendant, le CFCM confie que "les trois fédérations sont actuellement en train de négocier".
“Ce mouvement a un esprit d'opposition plutôt que d'ouverture”
Concernant la nouvelle structure de Kamel Kabtane, le CFCM, peu loquace, n'a pas souhaité s'exprimer, soulignant simplement que la grande mosquée de Saint-Etienne s'en était déjà désolidarisée. Aldo Oumouden, porte-parole et chargé de communication de cette dernière, justifie ce choix en affirmant qu'il était "encore un peu prématuré de partir sur une nouvelle institution". Même si la mosquée de Saint-Etienne assure vouloir réformer complètement le CFCM et respecter la démarche de Kamel Kabtane, elle estime que "ce mouvement a un esprit d'opposition plutôt que d'ouverture" et souhaite jouer la carte de la discussion plutôt que celle du conflit.
La mosquée de Saint-Etienne fait la même analyse que le recteur lyonnais sur la situation au sein du CFCM. "C'est actuellement un combat de chefs qui se déroule au sein du CFCM", juge Aldo Oumouden, qui regrette que "les fédérations situées au sommet ne voient pas ce qu'il se passe à la base".
Mais Kamel Kabtane ne croit pas réellement au retrait totalement volontaire de la mosquée de Saint-Etienne. Cherchant des motifs à sa désolidarisation, il pense qu'elle a dû "recevoir des instructions". Mais cette défection ne semble pas affecter sa détermination. D'ici à septembre, "Mosquées et musulmans solidaires" présentera ses objectifs et ses orientations.
@Adeline Gailly Vous écrivez 'Les trois grandes fédérations présentes au sein du CFCM sont, en effet, chacune liées à un Etat.' et vous n'en citez que 2 : -Le Rassemblement des Musulmans de France (RMF), proche du Maroc, -et la Grande Mosquée de Paris (GMP), liée à l'Algérie. Du coup ce n'est pas clair. Il me semblait qu'il y avait aussi une obédience turque non ?
En effet il s'agit de la fédération du Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF) qu'on oublie systématiquement de lier à la Turquie. Car la Turquie influence aussi cette fédération par ses relais diplomatiques et consulaires. Près de 150 imams turcs sont envoyés par la Turquie dans des mosquées françaises dans le cadre d'accords inter-gouvernementaux avec la France à l'instar du Maroc et de l'Algérie.