C’est le mot de la semaine en Ukraine. Dans les années 1990, après la chute de l’Union soviétique, une “lustration” contre les collaborateurs secrets du régime communiste avait été lancée. Hier, le Parlement ukrainien a ouvert la voie à une véritable chasse à l’homme contre les proches de Viktor Ianoukovitch.
De notre envoyé spécial à Kiev (Ukraine).
“Je suis persuadé qu’une lustration est nécessaire au sein des forces de l’ordre, afin de restaurer leur réputation.” Le charismatique boxeur Vitaly Klitschko, l'un des principaux leaders de l'opposition, a donné le ton hier, à la tribune de la Rada. Le Parlement ukrainien s'est en effet lancé dans un grand nettoyage de la justice et de la police ukrainienne. Comme dans les années 1990 et 2000, un processus de “lustration” va être mis en œuvre.
Après la chute de l'Union soviétique, des listes de collaborateurs avec les services secrets communistes avaient été rédigées. Dans la majorité des ex-pays du bloc communiste, une chasse à l'homme contre les criminels du régime, parfois douteuse, avait été lancée, afin de les juger. Le terme “lustration”, choisi après la chute du rideau de fer, renvoie aux cérémonies de purification de la Rome antique.
Une commission d’enquête sur les crimes du régime
Hier, le parti d'extrême droite Svoboda, représenté par son leader Oleh Tyahnibok, a déposé à la Rada un projet de loi de “lustration”. Il comprend une liste de 145 noms, hommes politiques et oligarques, proches du président déchu Viktor Ianoukovitch. De son côté, le leader du parti d'opposition Oudar, Vitaly Klitschko, a déclaré : "Nous devons immédiatement relâcher tous les prisonniers politiques (...), créer une commission d'enquête spéciale sur les crimes du régime de Ianoukovitch, avec l'implication d'experts étrangers et des rapports hebdomadaires sur cette enquête. Nous devrons commencer ces investigations avec les cadres du régime, demander aux diplomates de chercher les personnes qui ont essayé de quitter le pays à l'étranger, enquêter sur les actions des enquêteurs, des procureurs et des juges qui étaient impliqués dans les répressions contre les activistes."
En bras de fer avec une opposition qu'elle ne reconnaît pas, la Russie est directement visée par ce processus de lustration. Hier, touchée par l'effervescence législative, la Rada a voté un texte interdisant le russe comme deuxième langue officielle au sud et à l'est de l'Ukraine. Selon l'agence russe Interfax, le Parlement ukrainien envisage également de bannir l'idéologie communiste.
Ianoukovitch, ennemi public numéro un
Cette lustration vise en premier lieu l'ennemi public numéro un, le futur ex-président, Viktor Ianoukovitch. Hier, le ministre de l'Intérieur a lancé un mandat d'arrêt contre lui pour "meurtres de masse" de civils. Le nouveau procureur général, Oleh Makhnitsky, a annoncé hier l'ouverture d'une enquête contre 50 cadres du gouvernement, de la police et de la justice, impliqués dans les tueries de la semaine dernière, qui ont provoqué la mort de 82 manifestants.
Devenu l'homme le plus recherché du pays, Viktor Ianoukovitch serait soit dans la région de Donetsk, son fief électoral au sud-est du pays, soit en Crimée, où il aurait été aperçu. Sa résidence luxueuse près de Kiev, son parcours de golf et ses toilettes dorées ont d'ores et déjà été nationalisés par le Parlement. Des documents retrouvés dans la rivière viennent même de révéler une opération de répression d'ampleur contre les opposants et les journalistes. 22 000 policiers et des véhicules blindés auraient dû être mobilisés. Parmi eux, 2 000 membres de la police anti-émeutes Berkout, que l'opposition au Parlement souhaite maintenant “purifier”.