Il faut croire que les adversaires de la laïcité sont en train de gagner. En tout cas ils réécrivent déjà l'histoire. Le Président Sarkozy a déjà célébré à Latran, devant le Pape, la supériorité du prêtre vis-à-vis de l'instituteur, “dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal". Le Cardinal Barbarin applaudit naturellement et en rajoute une couche dans Lyon Capitale : d'après lui, depuis que la morale républicaine a remplacé la morale religieuse dans les écoles, c'est “la débandade" ! Et de mettre dans le même sac la Terreur et Voltaire, dans le camp de ceux qui veulent “éliminer la religion". Heureusement, dit-il, des politiques comme Sarkozy et Collomb ont inventé la “laïcité de gratitude", qui remercie les religions pour leur apport à “la société".
Plus d'un hussard noir de la République doit aujourd'hui se retourner dans sa tombe. Ces instituteurs ont porté partout en France - et souvent malgré les curés - les lumières de la connaissance et de la République. Édouard Herriot aussi serait sans doute désespéré de voir le combat de sa vie ainsi renié.
On pensait que la “Révolution laïque" de 1905 avait définitivement relégué les religieux dans le domaine de l'intime. Oui, la vie, la mort, l'amour relèvent de questionnements personnels. Libre à chacun de se faire accompagner par une religion, une philosophie, dans cette quête de sens où la société doit éviter de s'immiscer. Mais à l'inverse, interdiction absolue pour les religions d'imposer leurs vues politiques ou scientifiques à la société, qui doit trouver ses propres règles, fondée sur une morale humaine.
Barbarin contre Kant
“Quand il n'y a pas une parole supérieure, transcendante pour fonder le bien et le mal, c'est le relativisme qui triomphe" défend Barbarin, qui dit en clair que les athées sont des voyous sans foi ni loi... On lui opposera Emmanuel Kant, le grand penseur des lumières, pour qu'il n'y avait justement pas besoin de transcendance divine pour distinguer le bien du mal : “Le ciel étoilé au dessus de moi et la loi morale en moi" écrivait-il.
La loi de 1905, c'est avant tout une frontière entre le social et l'intime. Depuis un siècle, la patrie qui a déclaré “l'universalité" des Droits de l'Homme est devenu un phare de la laïcité pour tous les peuples asservis par des morales religieuses. Un phare que notre nouveau Président essaye d'éteindre de l'intérieur. De nouveaux alliés sortent du bois pour l'aider. Il est peut-être temps de reprendre le combat laïc pour maintenir la flamme. Au nom de l'espérance, dans un XXIe siècle naissant qui voit renaître les conflits inter-religieux et le retour d'un “ordre moral" synonyme de régressions sociales, en particulier pour les femmes.
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