La liste noire des régies immobilières

Logement. Coup de tonnerre dans l'immobilier : après une enquête de Que Choisir, c'est la Direction des fraudes qui pointe les mauvaises pratiques de tout un secteur. Les régies lyonnaises sont dans le collimateur. Explications.

77% des agences immobilières sont en infraction. L'enquête publiée par la Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) a fait l'effet d’une bombe dans le monde feutré des régies lyonnaises*. Car cette enquête, réalisée dans 51 départements auprès de 1070 officines, confirme ce que nombre de locataires vivent au quotidien. Et encore. La DGCCRF ne pointe “que" les infractions à la réglementation commerciale : cela va de la publicité mensongère (annonce de surfaces supérieures à la réalité de l’appartement) à de la tromperie (un bien non disponible mis en vente ou en location). “Le gros des infractions à la loi n’est pas là, souligne Marc Uhry, chargé de mission à l'Association lyonnaise pour l’insertion par le logement (Alpil)".

Effectivement, la DGCCRF ne s’est pas intéressée à ce qui se passait après la signature du bail. Pourtant les griefs ne manquent pas : des parties communes mal entretenues, une caution que l’on refuse de rendre, des travaux qui tardent à être réalisés, des frais de renouvellement de bail, des timbres que l’on fait payer... Autant de petits arrangements avec le droit qui sont devenus monnaie courante selon les associations de défense des locataires. “C'est la conséquence de la surchauffe d’un modèle économique, analyse Marc Uhry de l'Alpil. Les agences se sont multipliées pour essayer de capter l'envolée des prix des loyers". Résultat : une concurrence accrue. “Chacun essaye de limiter au maximum ses coûts en développant ce genre de pratiques, poursuit Marc Uhry".

Tous pourris ?

“Avec ce type d’enquête on a l'impression qu'on est la pire des professions, s’insurge Patrice Rosier, président de la CNAB Lyon, le principal syndicat des agents immobiliers. Certes, il peut y avoir des problèmes mais on ne doit pas jeter l’opprobre sur l’ensemble d’une profession. La CNAB représente 75% des biens loués à Lyon. Je peux vous assurer que dans 99% des cas, le droit est respecté". Le travail d'assainissement de la profession de la CNAB est salué par les associations. Toutefois, son président reconnaît que son “champ d’action est limité aux membres du syndicat". Malgré la CNAB, l'encadrement de la profession reste insuffisant, particulièrement dans le domaine de la location.

La ministre du logement, Christine Boutin le souligne en annonçant, dans Lyon Capitale (lire son entretien), sa volonté de “faire le ménage". Mais comment ? Patrice Rosier de la CNAB prend acte de l'annonce. Il estime surtout qu’il faudrait “obliger les officines à être agréées par un syndicat pour accentuer les contrôles". Les associations de défenses des locataires (Alpil ou UFC Que Choisir) réclament une nouvelle fois que l'on crée des “class action" à la française, à savoir des actions collectives en justice. “Les préjudices sont souvent minimes, de l'ordre de 10/15 euros par mois et par locataire. C'est pourquoi les gens ne se lancent pas dans une procédure, explique Michel Meunier, président de Que Choisir Lyon. Mais rapportées aux nombres de locataires d’une régie, les sommes peuvent atteindre plusieurs milliers d'euros".

Pour l'heure, les futurs locataires, étudiants pour la plupart, cherchent un toit. Ils sont malheureusement encore dans le brouillard puisque le rapport ne donne pas les noms des agences en infraction. Une liste noire, à l'image de celle établie pour les compagnies aériennes, leur faciliterait certainement la tâche. En attendant, la vigilance s’impose.

*Spécificité lyonnaise : les agences immobilières nées à Lyon portent le nom de “régie".

Les mauvais élèves

L'Association lyonnaise pour l’insertion par le logement (Alpil) et l'UFC Que Choisir sont les principales structures sur la place lyonnaise qui accompagnent les locataires en difficulté avec leur régie. L’Alpil a lancé une importante enquête intitulée “le Marathon des locataires". Quant à l’UFC Que choisir, elle a placé la rentrée sous le signe de la défense des locataires et des co-propriétaires. Nous leur avons demandé les noms des régies avec lesquelles elles avaient le plus de problèmes. Pour l’Alpil, il s'agit de Foncia et Simonneau. L’UFC Que choisir pointe également Foncia mais aussi Urbania et Gestrim/Lamy.

“Il peut y avoir des arbitrages de la part des tribunaux sur les remboursement de caution, reconnaît Jean-Claude Desgrand, le directeur régional de Gestrim-Lamy. Mais on respecte les règles du jeu du métier. Et si on est cité par les associations, c'est en raison du nombre d'appartements que nous louons (3200 à Lyon, ndlr), qui fait de nous l'une des principales régies lyonnaises".

Contactées, les autres agences ne nous ont pas répondu. De son côté, le président de la CNAB, Patrice Rosier s'étonne de voir ces noms cités : “Certes ils ne font pas partie de la CNAB, mais cela me surprendrait que des groupes aussi importants que Foncia n’aient pas de contrôles internes".

TEMOIGNAGES

Marc Uhry, chargé de mission à l'Alpil

Il reçoit des locataires toute la journée. Mais c'est lui-même qui a dû aller devant les tribunaux pour reprendre sa caution. “Quand j'ai quitté mon appartement de la Croix-Rousse, ils ont refusé de me rendre mes 1200 euros et m'ont demandé 1000 euros pour effectuer des travaux liés à une soi-disante dégradation de l'appartement. Devant le tribunal civil, ils ont dû me verser 2500 euros".

Virginie Mirguin, professeur d'anglais

En emménageant il y a un an dans une résidence villeurbannaise, elle avise une tâche au plafond de son appartement. “A l’époque on m'a dit que la fuite d'eau était réparée. Quelque mois plus tard, l'eau coule à nouveau par mon plafond, certainement d’une colonne d'eau placée entre deux appartements. J'ai appelé puis j'ai envoyé un recommandé en juillet. Toujours rien".

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