La police sur les berges du Rhône, entre répression et pédagogie

En patrouille sur les berges du Rhône, un soir de semaine. 37 agents de la police nationale et municipale longent les berges du Rhône pour une "opération de sécurité renforcée".

Jeudi soir, 22 heures. Trente-sept agents de la police, nationale et municipale, se regroupent au niveau de la place Maréchal Lyautey (Lyon 6ème). Durant plusieurs heures, ils vont ratiboiser la rive gauche des berges du Rhône. Une opération hebdomadaire, dont les objectifs affichés sont la sécurisation du lieu et le rappel du règlement. Mais aux yeux de certains promeneurs ou gérants de péniches, ces opérations sont au mieux synonymes de "trouble fête", au pire de "descentes". Le dispositif est impressionnant compte tenu de la faible fréquentation du lieu ce soir-là. Répartis en petites unités de quatre à cinq agents, les deux polices avancent de front, donnant l'effet d'une battue en plein champ. Peu connue des riverains et usagers du site, cette opération conjointe est réalisée, en été, une fois par semaine. Le reste du temps, les deux polices patrouillent chacune de leur côté. La municipale jusqu'à 22 heures, la nationale prenant le relais, et intervenant surtout en fonction des appels.

Zéro alcool sur les berges

Sur le quai haut, près des voitures de police, le commissaire donne le départ de l'opération. Les 37 policiers avancent lentement. Dès les premiers mètres, deux groupes de quatre agents s'approchent de deux cercles d'amis. "Une palpation de sécurité" est faite sur des adolescents, pour la forme et sans fracas. C'est l'été, les jeunes ont apporté de quoi passer un moment convivial, quelques canettes de bière, quelques bouteilles en verre que les agents leur demandent de jeter. "On n'est pas là pour faire de la répression", affirme un agent de la police municipale. Chaque groupe est observé, les agents discutent, expliquent les règles spécifiques aux berges. Quelques jeunes, un peu impressionnés par l'arrivée massive d'uniformes, remballent leurs affaires sans se faire prier. Un groupe d'une trentaine de personnes, plus âgées, étaient venus pique-niquer dans le cadre d'un site de rencontre. Ils prennent leur temps pour ranger les nombreuses bouteilles éparpillées sur le sol et proposent même quelques victuailles aux policiers venus les rappeler à l'ordre.

En ce soir de semaine, l'air est un peu frais sur les berges. "Rien à voir avec les soirées de canicule. Là, les marches étaient jonchées de détritus", explique une policière. Vers la Guillotière, autre ambiance. Sur les marches, la population est plus jeune et aussi plus alcoolisée. Deux adolescents se font fouiller pour consommation de produits stupéfiants. Le face-à-face dure de longues minutes, le ton monte un peu. Finalement, les deux jeunes verront leur "joint" détruit mais ne seront pas plus inquiétés. A quelques mètres de là, un homme titubant, débraillé et insultant la terre entière est fouillé et plaqué au sol. Il est embarqué non sans difficulté dans une voiture de police. "C'est avant tout une mesure de précaution, explique un agent. L'individu est très alcoolisé, il devient agressif et peut être dangereux pour lui et pour les passants."

Plus ou moins de patrouilles ?

Hormis ces quelques heurts, ce jeudi soir fut calme. Le dialogue entre agents et promeneurs est souvent décontracté. Mais certains témoignages dépeignent une autre ambiance. "Les policiers sont arrivés à plus de dix. J'étais attablé à la terrasse du Syrius, raconte Alexis. Avec quatre amis, on buvait un verre en entonnant, comme à notre habitude, des chants paillards allemands pour trinquer. Les agents se sont probablement sentis visés. On les a peut-être un peu taquiné mais toujours en plaisantant." La situation deviendra alors moins bon enfant. Alexis s'est retrouvé plaqué au sol et menotté. Le même sort est réservé à ses trois camarades. Le quatrième, resté sur la touche, décide dans un élan alcoolisé de rejoindre les autres. Il termine son verre et le lance à la Russe, dans le Rhône. Sébastien, barman au Syrius, explique la violence de la scène : "des témoins ont filmé l'interpellation et un avocat présent à ce moment-là a tenté d'intervenir. Les vidéos ont été effacées à la demande des agents et l'avocat écarté des lieux". Le groupe est convoqué fin septembre devant le tribunal de Vénissieux.

"Dès que la police passe, l'ambiance retombe"

Au River Boat, à quelques mètres de là, les employés partagent tous le même avis. "Nous ne voulons pas plus de patrouille, précise Patrick, un employé de l'établissement. Dès que la police passe, l'ambiance retombe. Ce qu'il faut, c'est éduquer les gens." Une mission que tente de remplir la police. L'arrêté municipal spécifique aux berges du Rhône est très précis et plutôt sévère. Pourtant, les agents font preuve de tolérance et ne verbalisent que très peu par rapport à l'affluence et au nombre d'infractions commises. Quelques fêtards cependant servent "d'exemple". "Je me suis pris une amende de 70 euros pour consommation d'alcool", confie Yohan, un jeune homme d'une vingtaine d'années fréquentant régulièrement les berges. Pour la plupart des usagers du lieu, qu'ils soient de passage ou restaurateurs, plus de répression serait néfaste à la popularité du site. Pour certains, comme le gérant de la péniche bar-restaurant La Pie, la disparition de l'entreprise privée chargée durant un temps de la sécurité est regrettable. "C'était une présence quotidienne, visible et de ce fait dissuasive. La police en revanche n'est jamais présente au bon moment". Cependant, selon le restaurateur, "Il n'y a rien d'alarmant, il faut trouver les solutions pour gérer le succès du site".

Des riverains mécontents

Quant aux riverains, ils ont créé une association lorsque le site n'était encore qu'en travaux. Christine Mauguiere, présidente de l'association Protection Rive Gauche, constate quelques améliorations. "La musique des boîtes de nuit a été maîtrisée, notamment grâce au service de l'écologie urbaine". En revanche, plusieurs aspects restent à revoir. "On aimerait que plus de toilettes soient installées. Au petit matin, lorsque les gens remontent, ils viennent uriner sur les quais et sur les portes des immeubles. Enfin, il faudrait que la municipalité revoit la taille des poubelles." Des détails qui ne sont pas du ressort des forces de l'ordre.

Avant de remonter en voiture, les agents croisent le groupe de célibataires rappelé à l'ordre un peu plus tôt. Les verres sont à nouveau pleins, et les bouteilles presque toutes rangées dans les sacs. Aucune remarque n'est faite cette fois-ci. La patrouille ce jeudi, se termine à une heure du matin. Les agents rentrent au poste, laissant les promeneurs poursuivre la fête un peu plus tard dans la soirée avec plus de liberté. La prochaine grande opération n'aura lieu qu'une semaine plus tard.

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