Une association culturelle agissant pour la " réinsertion citoyenne " vient de se faire fermer les portes de la prison.
C'est la fin d'Axès Libre, cette association fondée en 2005 par Eric Jayat, ancien taulard et personnage charismatique du milieu carcéral lyonnais, dont le but était d'être une passerelle entre le milieu fermé de la prison et le milieu ouvert, par le moyen de la culture. La liquidation judiciaire est fixée au 23 juin. C'est la rupture d'une convention de trois ans signée en 2007 avec l'Etat, pour le portage d'un poste au sein du SPIP, Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation, qui a mené l'association à sa perte. Une rupture décidée par le sous-préfet Francis Vuibert et le directeur du SPIP, Jean-Pierre Bailly, à la date du 29 avril, juste avant le déménagement à Corbas.
Une association qui avait du sens
Emmanuelle Moreau travaillait à Axès Libre. Elle a notamment permis l'émergence du projet Entremondes en avril dernier, jeu de piste dans les hauts lieux de la culture lyonnaise, destiné aux adhérents, sortants de prison ou personnes en difficulté sociale. Elle est sous le choc: 'C'est incompréhensible. Notre association fonctionnait bien, des partenaires privés étaient intéressés par notre concept. On s'est fait sabrer en plein essor.' Bernard Bolze, fondateur de l'Observatoire International des Prisons (OIP) juge cette affaire extrêmement inquiétante. Pour lui, cette décision relève d'un changement de stratégie des pouvoirs publics: 'Le politique juge que l'action d'Axès Libre n'est plus la priorité alors il fait en sorte que ça s'arrête à un moment où, pourtant, on en a le plus besoin.'
Règlements de compte ?
Rien ne présageait en effet le non renouvellement des subventions. Alors pourquoi cette décision? Le SPIP, Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation, joint par téléphone, s'est refusé à tout commentaire, expliquant que " cela ne concernait pas les médias ". Quant à la Préfecture, elle explique que sa motivation n'était ni politique, ni budgétaire, mais plutôt liée à une " mauvaise gestion comptable ". " Ils nous reprochent d'avoir confondu le budget réservé au poste et les frais de fonctionnement de l'association. Mais la Préfecture n'a pas effectué le versement des subventions des cinq premiers mois de l'année. L'argent vient seulement d'être viré ce lundi 15 juin ", explique Eric Jayat. Il voit la suppression des subventions plus comme le changement de politque avec le nouveau couple de décideurs à la tête des prisons lyonnaises, le sous-préfet Francis Vuibert, arrivé à la préfecture du Rhône en 2008 et le directeur du SPIP Jean Pierre Bailly, membre de la commission qui a proposé l'instauration des peines plancher.
Détenu mais citoyen
De son côté, la Préfecture assure que l'action culturelle à Corbas ne disparaîtra pas. C'est, en effet, l'association socio-éducative de Lyon Corbas, chapeautée par le SPIP, qui récupère le poste. Une association qui s'occupe avant tout de gérer l'argent versé par les détenus pour avoir la télévision afin de programmer des activités culturelles. 'C'est la logique de l'occupationnel. On ne rentre pas dans des processus de création pour redonner à ses gens l'occasion de devenir citoyens', s'emporte Eric Jayat, déçu que l'on n'ait pas vu le soutien que pouvait apporter son association à l'administration pénitentiaire.
Marine Badoux
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