D’habitude, la date de début du Ramadan – 9e mois du calendrier hégirien – se détermine à la fin du 8e par l’observation du croissant de lune. En 2013, le Conseil français du culte musulman avait pris de l’avance, la fixant, dès le 9 mai, au 9 juillet. Mais le mois de jeûne commencera demain, mercredi 10 juillet, pour les fidèles de la grande mosquée de Lyon. Comme dans la majorité des mosquées françaises. Le début de la fin pour le CFCM ?
La commission théologique de la propre mosquée du président du CFCM, Dalil Boubakeur - la grande mosquée de Paris - a tranché ce mardi matin : le Ramadan commencera mercredi 10 juillet en France. Motif de ce désaveu cinglant pour le CFCM, censé représenter 5 à 6 millions de musulmans français : “La vision de la nouvelle lune s’est avérée impossible à établir ni en France ni dans les pays musulmans.” Avant elle, la grande mosquée de Lyon avait annoncé faire le même choix de ne pas suivre la décision du Conseil fondé en 2003 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur.
Un camouflet collectif prévisible ? “Cette décision est la seule que le CFCM ait prise en dix ans d’existence ! Mais le fait qu’il l’ait prise seul, et sans en avoir référé à la communauté musulmane, impliquait par avance qu’elle était vouée à l’échec”, réagit à chaud Kamel Kabtane, recteur de la grande mosquée de Lyon. Le calendrier hégirien n’étant pas le grégorien, lunaire et non solaire, ses mois se composent de 29 ou 30 jours selon la lunaison. Et, comme prévu par beaucoup, le croissant de lune n’a pas pu être observé la nuit dernière, au soir du 29e jour du 8e mois du calendrier musulman. Il le sera donc au crépuscule du 30e jour, pour un premier jour de Ramadan mercredi.
“Le CFCM vit ses derniers moments”
Kamel Kabtane n’a pas été surpris de voir poindre la polémique dès lundi soir : “Je m’attendais à un revirement : la décision avait été prise trop vite, sans concertation ni avoir associé la communauté musulmane dans son ensemble à une décision si importante. Comme si on pouvait décider du jour au lendemain de changer la date de l’Aïd ou un verset du Coran ! Le CFCM a pris le risque de s’isoler, et ce risque se confirme.”
Pour contrer d’emblée cette décision, le recteur de la grande mosquée de Lyon avait lancé son “appel du 18 juin” suite aux élections du 8 au CFCM, et regrette de n’avoir pas été entendu plus vite. Fondateur d’une structure baptisée “Mosquées et musulmans solidaires”, il explique sa décision tardive de se désolidariser de la date fixée par le CFCM par une volonté de “ne pas s’exclure de la Oumma” et de “maintenir l’unité” de la communauté musulmane.
Aujourd’hui, il se satisfait de la prise de conscience brutale, encouragée par les réseaux sociaux : “Nous étions en train de ramer à contre-courant de tous les autres pays, et nous savions dès le départ que cette décision allait diviser. Mais le CFCM a campé sur sa position et voulu la maintenir coûte que coûte. Il doit comprendre que l’on n’agit pas ainsi, et qu’il est désormais en train de vivre ses derniers moments.”
Des assises nationales de l’islam de France, “passage obligé” ?
Pour Kamel Kabtane, cette polémique révèle l’“absence totale de représentativité d’un Conseil au service du pouvoir”. Un tel “fiasco” ne pouvait qu’avoir lieu, sachant que les grandes mosquées de France étaient exclues du bureau du CFCM. Son échec à fédérer les musulmans aujourd’hui s’expliquerait ainsi par son virage politisé d’hier.
“Au départ, ce Conseil devait être un organisme religieux et de défense du culte. Mais on a créé des gens de salon, avides de pouvoir, au sein d’un instrument politique, juge le recteur lyonnais. Soutenu par Nicolas Sarkozy comme un bébé, il a vite été mis à toutes les sauces, pour aller sauver la face d’un ministre devant la justice ou faire contre-feu à tout propos – et ce, jusqu’à créer un décalage total entre le CFCM et les musulmans de France.”
Sa solution après le “coup de grâce” du premier jour du Ramadan : la dissolution de fait du CFCM, après démission de ses membres “les plus lucides”. Puis, dans la foulée, la tenue d’assises nationales de l’islam de France, “passage obligé” pour refonder un organisme vraiment représentatif. Les contacts sont déjà noués entre recteurs des mosquées des grandes villes de France, assure Kamel Kabtane. “Ne nous reste qu’à les concrétiser…”
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