Le plus important procès pour discrimination raciale au travail

Ils reprochent à leur employeur de n'avoir pas eu la même carrière que leurs collègues blancs. S'ils obtiennent gain de cause, ils pourraient ouvrir la voie à d'autres procédures collectives identiques.

Mardi 4 décembre, devant le conseil des prud'hommes, l'entreprise Bosch de Vénissieux devra batailler ferme pour ne pas se faire condamner pour discrimination raciale. 24 employés accusent en effet l'équipementier automobile ne pas avoir eu la même évolution de carrière que leurs collègues blancs.
Ils viennent des Antilles, du Maghreb, ou d'Afrique subsaharienne. A leur entrée dans l'entreprise dans les années 60 et 70, ils avaient été postés aux tâches les plus ingrates. Vingt ou trente ans plus tard, ils y étaient toujours. Cuisinier à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), George Alexis a été embauché en 1974 : "Je suis entré comme OS 2 (ouvrier spécialisé, deuxième échelon, ndlr). 24 ans plus tard, j'étais seulement OS 3. Les métropolitains à qui j'ai appris à se servir des machines sont, eux, devenus contremaîtres". En 2005, pour la réparation du préjudice subi, la direction de Bosch a consenti à lui verser 6 000 euros. Pour Marc Soubitez, secrétaire (CFDT) du comité d'entreprise, qui a négocié une trentaine de transactions de ce type, il ne s'agit pas de la reconnaissance d'une discrimination "raciale", mais d'une discrimination "professionnelle" : "Entre 1980 et 1995, la direction du site n'était pas particulièrement sociale. Personne n'a connu d'évolution de carrière". Contactée, les dirigeants de Bosch ont refusé de répondre à nos questions.

L'analyse de la CGT est tout autre. Après avoir entamé des négociations en 2001, le syndicat, non satisfait de cette reconnaissance a minima de discriminations et devant la faiblesse des transactions versées, a saisi le conseil des prud'hommes en 2004. Mohamed Brahmi de la CGT mène ce combat depuis ses origines. Lui-même estime qu'il a été victime de cette discrimination (lire encadré). S'il reconnaît que depuis quatre ans, la situation des "minorités visibles" a évolué, il pointe du doigt une "certaine époque, des années 60 aux années 90, où la maîtrise parlait des ateliers comme du "continent africain". Il y avait une véritable ethnisation des tâches". Chacun des 24 salariés demandent 50 000 euros de dommages et intérêts et le repositionnement sur la grille des salaires à l'échelon supérieur.

Au-delà de Bosch, le monde économique suivra avec attention le procès du 6 décembre. Car il s'agit du dossier le plus important sur lequel se penche la justice. Certes la discrimination ne date pas d'hier. Mais les procès étaient quasiment impossibles. Jusqu'au retournement de jurisprudence de 2000. Désormais, ce n'est plus au salarié d'apporter la preuve qu'il a été discriminé. Il doit apporter des "éléments laissant supposer qu'il a un sort particulier de nature à laisser conclure à une inégalité de traitement". A l'entreprise de se justifier par des éléments objectifs. Partie civile dans cette affaire SOS Racisme espère qu'"un succès à ce procès incitera d'autres à s'engouffrer dans la brèche".

En plus des 24 salariés qui attaquent Bosch pour discrimination raciale, trois femmes ont saisi les prud'hommes. Elles sont intégrées dans la même procédure et demande les mêmes indemnités.

Mohamed Brahmi, le combat d'une vie
"C'est mon nom et mes origines algériennes qui ont déterminé là où je travaillais : sur la Huller, la machine la plus pénible. La maîtrise quant à elle, était blanche". Délégué CGT chez Bosch Vénissieux, il est entré comme ouvrier "P1" en 1984. Il est toujours "P1". L'affaire Bosch est son œuvre : quatre ans de travail acharné pour monter un dossier juridique solide. Ce faisant, il est devenu l'un des spécialiste de la question. Aujourd'hui, responsable du collectif "racisme et discriminations" pour la CGT au plan national, il multiplie les batailles juridiques. "Ce n'est qu'avec le risque du procès, que les pratiques patronales vont commencer à changer". Prochain échéance : contre Airbus, pour un dossier de discrimination raciale à l'embauche.

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