ENTRETIEN - En mars dernier, les Atelières, maison spécialisée dans la confection de lingerie haut de gamme, lançaient une grande souscription nationale évitant de peu la liquidation judicaire. Les 30 salariés voient désormais l’avenir s’éclaircir après une lutte difficile. Muriel Pernin, directrice des Atelières qui espère atteindre les 800 000 euros de recapitalisation à l’automne, ne regrette pas les critiques émises contre la BPI.
Lyon Capitale : La souscription nationale, lancée au mois de mars dernier, a t-elle porté ses fruits ?
Muriel Pernin : Oui, la mobilisation qui a eu lieu début mars a été extrêmement fructueuse puisque nous avons récolté en 3 semaines un peu plus de 650 000 euros. Depuis nous avons continué notre recapitalisation et nous avons dépassé aujourd’hui les 750 000 euros. Nous espérons atteindre les 800 000 euros à l’automne. Nous sommes sur un secteur très sinistré et cette dynamique de recapitalisation a très bien fonctionné. Les soutiens financiers que nous avons obtenus venaient à la fois d’aides symboliques et de l’achat de titres participatifs que notre statut de coopérative nous permet d’émettre. D’autres personnes sont rentrées au capital. Le tout fait que l’on a dépassé les 750 000 euros.
Concrètement, si la mobilisation n’avait pas payé, quels étaient les risques pour votre activité ?
J’imagine que nous aurions trouvé d’autres leviers. Mais nous aurions été en très grande difficulté. La BPI* et les banques avaient conditionné leur aide à une recapitalisation de l’entreprise afin de retrouver des fonds propres positifs. C’est ce que nous avons fait, même si je ne pensais pas que nous atteindrions cette somme. En conséquence de quoi, la BPI a accordé une garantie d’emprunts aux trois établissements bancaires, Crédit coopératif, LCL et Caisse d’Epargne, qui nous ont donné leur accord la semaine dernière. La somme totale qui nous est prêtée est de 350 000 euros. Associé aux montants que nous avons levés, ce prêt nous permet de lancer notre collection qui sortira à l’automne. Bien évidemment, la collection a été réfléchie en amont mais l’apport des banques est une aide majeure dans notre développement.
Quel regard portez-vous sur les critiques de la BPI, notamment le bruit médiatique autour de votre action ?
En fait, c’est moi qui, à l’époque, ai critiqué la BPI et la frilosité des banques. J’aurais préféré que les choses se passent autrement, mais je ne ne le regrette pas. Aujourd’hui, je suis ravie que la situation ait évolué. Bien sûr, nous nous lancions et je suis en capacité de comprendre que notre aventure ait pu faire peur. Mais notre démarche ne reposait pas sur rien. Nous avions notamment tissé des partenariats avec des établissements universitaires dont l’INSA. Le modèle d’organisation sur les petites séries pour le haut de gamme et le luxe n’existe pas en Occident. L’Occident n’est pas complètement sorti du taylorisme. Même si nous avions une approche sérieuse et scientifique, nous ne rentrions pas dans les critères de la BPI. Nous avions aussi perdu beaucoup d’argent à tenter de trouver cette organisation spécifique. Notre métier de la lingerie corsetterie est historique. Mais nous avons un fonctionnement de start-up parce qu’on réinvente un modèle industriel. J’ai émis des critiques qui me sont revenues en boomerang. Quand on met de la force, on reçoit de la force en retour. Pour autant, je reste persuadée que si je n’avais pas lancé ce pavé dans la mare, je n’en serais pas là aujourd’hui. Cela a été salutaire et je suis heureuse de l’issue positive. Chacun a joué son rôle et sa partition.
Comment voyez-vous l’avenir de l’activité ?
Pour l’instant, nous nous sommes exclusivement positionnés sur du travail à façon. Nous avons travaillé pour des marques et nous continuons à travailler pour les marques qui nous ont fait confiance au début. Nous accueillons des clients nouveaux, positionnés dans le haut de gamme et le luxe. En parallèle, nous lançons notre collection à l’automne, dont les produits seront une réponse à chaque séquence de la journée. Dans la vie d’une femme, il y a plusieurs temps, de la détente, au sport, en passant par le travail. Chaque séquence a sa lingerie. C’est un concept global.
Cette nouvelle dynamique augure-t-elle un développement de l’entreprise ?
Elle augure d’une nouvelle stratégie, non pas d’une hausse quant à nos objectifs en chiffre d’affaires, non pas d’une augmentation de personnel. Nous voulons nous stabiliser à trente personnes. Cet effectif constant est possible parce que nous avons mis en place un programme important de formation sur 18 mois. Nos équipes s’améliorent de jour en jour. L’idée est d’augmenter nos compétences et de parfaire notre capacité à produire de la qualité. Nous avons l’ambition de vendre 6000 de nos produits d’ici à la fin de l’année, via notre e-boutique en cours de création. Nous maîtriserons tout de la création, à la fabrication et à la distribution.
Votre combat pour la sauvegarde de la coopérative a-t-il été soutenu par la classe politique ?
La classe politique est là pour faire de la politique, non pas pour agir à la place des chefs d’entreprises. Mais, dans notre contexte, j’ai rencontré des personnalités à l’écoute de notre projet. Bien sûr, ce ne sont pas les politiques qui font l’atelier, ce sont les 30 personnes qui travaillent, qui se bagarrent et qui entendent aussi ce qu’on leur dit pour s’améliorer. Le ministre Montebourg a réuni les différentes parties prenantes autour d’une table, ce qui a permis d’avoir les effets positifs d’aujourd’hui. Localement, nous avons été particulièrement soutenus par deux personnes qui ont vraiment mouillé leurs chemises pour Les Atelières, le préfet de région, Jean-François Carenco et le président de la région Rhône-Alpes, Jean-Jack Queyranne.
*Banque publique d’investissement