Lycée Jean Moulin : une occupation "civique"

REPORTAGE - Le collectif de défense du lycée Jean Moulin (5e arrondissement de Lyon) a mené mardi soir une action coup de poing pour demander des réponses quant à la fermeture du lycée à la rentrée 2011.300 personnes ont occupé l'établissement de 19 h à 23 h, dans le calme. Un représentant du recteur a été envoyé sur place.

Quand les élèves de Jean Moulin agissent, c'est du sérieux. Ce mardi 8 février, ils avaient prévu d'occuper leur lycée afin de rendre visible leur lutte qui dure depuis des mois. Ils voulaient qu'on leur explique pourquoi leur lycée devra fermer en septembre prochain. Du haut de ses 17 ans, Alexis Schweitzer-Doucet, porte-parole des élèves, avait envoyé à tous les participants un mail détaillé sur les conditions de l'occupation: pas d'alcool, pas de dégradations et une occupation du 2e étage uniquement. Certains avaient dès le matin emmené leur sac de gym avec tout le nécessaire pour dormir au lycée. Des sacs avaient été stockés dans une salle de physique avec la complicité des professeurs.

A 18h, rassemblement devant les grilles, tenues fermées par la direction. Quelques élus d'Europe-Ecologie sont venus dire leur soutien au mouvement : Monique Cosson, chargée de la commission Lycées au conseil régional, Jean-Charles Kohlhaas, conseiller régional et ancien élève de Jean Moulin et Maxime Huré, candidat aux cantonales dans le 5e arrondissement. La maire socialiste du 5e arrondissement s'était faite excuser, ainsi que Thomas Rudigoz, conseiller général centriste du 5e. Devant le lycée, les parents d'élèves ont installé leurs banderoles qui réclamaient des établissements à taille humaine. Les élèvent scandaient: "Jean Moulin en résistance"! "Avec cette action, Mme Rieser, prof de maths, voulait "révéler ce qui était tenu caché".

"On va créer des usines à gamins"

En effet, la nouvelle sectorisation, votée par le Conseil général à deux voix près, a entériné récemment la disparition du collège de la cité scolaire Saint-Just, situé juste en face de Jean Moulin. Cela justifie, selon le recteur, "un décroisement", c'est-à-dire la fermeture des deux cités scolaires Saint-Just et Jean Moulin et la création d'un collège de 950 élèves à Jean Moulin et d'un lycée de 1750 élèves à Saint-Just. Le lycée actuel à Jean Moulin (420 élèves concernés) devant fermer. "Cette fermeture sèche de St Just déséquilibre la carte scolaire du 5e arrondissement. Ajoutons que le Rectorat fait ce qu'il veut, tout est enclenché pour la préparation de la rentrée alors même que la Région ne s'est pas prononcée", s'indigne Eric Journeaux, président de la FCPE locale. "On demande un gel de toute la procédure et une table ronde pour créer la concertation sur le sujet", résume une mère inquiète.

Vers 19 heures, les grilles s'ouvrent enfin, non sans forcing des parents. "On est au cœur d'un grand n'importe quoi, un dysfonctionnement démocratique évident", note un parent. "Notre inquiétude, c'est avant tout les conditions d'enseignement pour nos élèves", justifie Mme Martin-Cocher, professeur de philosophie, qui suit le cortège. "Le conseil général vient de financer la rénovation des salles de SVT du lycée, c'est de l'argent public gaspillé, si on suit le plan du rectorat", s'exclame Michel Maillot, vice-président de la PEEP. L'élue verte Monique Cosson affirme : "la police du quartier a dit que c'était une folie. On va créer des usines à gamins alors qu'on avait un système qui s'autorégulait. Ce que je vois, c'est que les collectivités dysfonctionnent au plus haut niveau".

Un pied de nez à ceux qui pensaient que cela se passerait mal

Vers 19h30, les élèves quittent la cour d'honneur. On leur ouvre les portes pour qu'ils puissent s'installer à l'étage. Avant de monter les escaliers, chacun est recensé et briefé sur la nécessité de s'en tenir aux règles. A ce moment-là, le collectif dénombre sur le site 250 élèves de seconde, de première et de terminale, 22 professeurs et une trentaine de parents d'élèves. Marie, en terminale éco, a son sleeping-bed sous le bras : "c'est un lieu familial ici, on y est bien. On veut le défendre et on est solidaires avec nos professeurs, avec lesquels on a de bonnes relations".

L'occupation se déroule dans une ambiance bon enfant. Les uns jouant aux cartes, les autres improvisant un "bœuf" à la guitare. Pas de violence, juste de la bonne humeur. Samuel est en seconde, il ne tarit pas d'éloges sur son lycée : "je suis allé à Shanghaï pour l'exposition universelle, on ne fait pas ça dans tous les lycées. On a aussi la meilleure option musique de France". Guillaume, son camarade, constate : "toute cette incompréhension nourrit la rivalité entre les élèves de Jean Moulin et Saint-Just". L'encadrement (parents et professeurs) veille tout de même au grain. Un père lit tranquillement dans un coin: "c'est un joli pied de nez à ceux qui pensaient que cela se passerait mal", se réjouit-il.

Arrivée surprise d'un délégué du rectorat

A 21 heures, changement de programme, la direction de l'établissement somme les occupants de partir. Quelques minutes plus tard, elle annonce l'arrivée imminente d'un émissaire du recteur d'académie, l'inspecteur pédagogique régional en charge de la vie scolaire, Didier Quef, accompagné des personnels administratifs de la cité scolaire Jean Moulin dont la proviseur en place Mme Marchand. Bien que l'administration précise que tout ceci est "illégal", elle accepte de réunir tout le monde pour une séance plénière, organisée à la va-vite dans la salle polyvalente du lycée. "Nous sommes là pour vous écouter", indique l'inspecteur.

Après deux heures de débat intense, une professeur d'allemand félicite ses élèves : "je suis fière de nos futurs citoyens qui se sont comportés de manière exemplaire, avec un grand sens civique". L'inspecteur pédagogique, de son côté, affirme qu'il transmettra au recteur toutes les requêtes et qu'il a compris l'urgence de restaurer la confiance, notamment par des outils assurant la stabilité de la communication. Au final, tous remballent duvets et tapis de sol, estimant avoir été écoutés et avoir reçu des garanties satisfaisantes. Tout le monde sort alors dans le calme.

Ce mercredi, le recteur d'académie, Roland Debbasch, devrait prendre connaissance du contenu du débat. Et le collectif attend des décisions concrètes et un engagement solennel à communiquer. Une délégation de parents et d'élèves sera également reçue ce mercredi au Conseil général. De son côté, Monique Cosson, présente jusqu'à la fin des débats et chargée de la commission Lycées à la Région, s'est engagée à exiger la mise à l'ordre du jour d'un vote sur la fermeture de Jean Moulin au conseil régional.

Article actualisé à 10h45.

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