Lyon 2 tiraillée sur l’occupation d’un amphithéâtre par des migrants

Alors que la ligne de Gérard Collomb se veut intraitable vis-à-vis de l’accueil des migrants économiques, la présidente de l’Université Lyon 2 est dans l’impasse. Depuis trois semaines, une cinquantaine de sans-papiers ont investi un amphithéâtre grâce à l’aide d’étudiants.

La présidente de l’Université va-t-elle faire intervenir les forces de l’ordre pour expulser les occupants de l’amphithéâtre C sur le campus de Bron ? “Je ne vois pas comment tenir durablement. Cette solution n’est pas satisfaisante, mais j’y songe” a répondu Nathalie Dompnier face à une petite centaine d’étudiants et d'associations. Il aura fallu presque trois heures pour qu’ils obtiennent une position de plus en plus claire de la part de la présidence de l’Université Lyon 2. Si aucune alternative n’est trouvée avant la fermeture de l’Université pour les vacances, la présidence fera appel aux forces de l’ordre pour procéder à l’évacuation de l’amphithéâtre occupé depuis maintenant 3 semaines. “Nous devons ménager nos partenaires, la préfecture, la Métropole, les villes de Lyon et de Bron. Ce problème n’est pas le seul enjeu de l’Université. On ne peut pas forcer avec des œillères sinon on perdra tout nos moyens d’actions. On ne peut pas se griller complètement” justifiait-elle.

La présidente, dont les relations avec les pouvoirs publics ne sont pas toujours bonnes, se heurte à des murs. “J’ai rencontrée le maire de Lyon et d’autres élus politiques pour parler de la situation. Avec le maire de Lyon, je n’ai même pas posé la question de l’hébergement, j’ai sentie que ça ne valait même pas la peine. On me dit non partout ! À la préfecture, on m’a fait comprendre qu’il y avait des lignes rouges à ne pas dépasser.”

“Madame la présidente, ma vie est entre vos mains”

Mis devant le fait accompli depuis mi-novembre, la présidence de l’Université a toujours privilégié le dialogue, un point salué par les étudiants et les migrants qui ont participé aux discussions. À chaque prise de parole, les migrants accueillis ne manquait pas de la remercier avant d’exposer leur situation. “Madame la présidente, si vous nous mettez dehors, on est mort. Ma vie est entre vos mains. La police veut nous traquer comme des chiens. Tout ce qu’on veut, c’est être au chaud l’hiver et en sécurité” plaide l’un d’eux. Mais face au refus de la présidence de s’opposer frontalement à la préfecture et aux pouvoirs publics, la déception et parfois la colère a envahi les rangs de l'amphithéâtre. Sans pour autant freiner la motivation des étudiants : “On restera tant qu’il n’y a pas de vraie solution”, disait l’un d’entre eux avant d’être longuement applaudi.

Pour Nathalie Dompnier, “l’Université doit rester audible sur tous les autres sujets. Nous n’avons pas vocation à héberger des gens, nous sommes une Université qui va fermer pour les vacances de Nöel. Je comprends l’appel des étudiants et il faut trouver une autre solution. Tout le monde attend que je fasse appel à la police. On m’a même dit que j’aurais déjà dû le faire bien avant mais je veux épuiser toutes les autres solutions. Nous devons sortir de cette situation par le haut”. Selon un professeur de sciences politiques présent ce vendredi, faire appel à la police n’est pas une solution souhaitée personnellement par la présidente, d’autant plus que cela “provoquerait une vraie cassure avec les étudiants”.

Désaccord avec la politique de Gérard Collomb

En creux, Nathalie Dompnier a fustigé la politique d'accueil des migrants menée par le Gouvernement et le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, qui selon elle, “ne va pas dans le bon sens”. Quelques représentants d'associations présents dressaient également un constat amère. “Gérard Collomb donnera des consignes d’autant plus strictes à la préfecture de Lyon qu’on est ici chez lui !” lançait l’un d’entre eux. Cette crise est en effet loin d’être locale, plusieurs autres universités ont suivi le mouvement lyonnais. Certains étudiants envisagent également de “lancer une coordination nationale”.

Un mouvement qui pourrait trouver écho auprès des associations de terrain face à la politique du ministère de l’Intérieur. Ce vendredi, plusieurs associations dont Emmaüs ou le Secours catholique ont claqué la porte d’une réunion avec Gérard Collomb pour protester contre une circulaire qui vise à trier les migrants économiques et les réfugiés politiques dans les centres d’hébergement gérés par les associations. Un tri qui scandalise les associations. “Toutes ces personnes ont besoin de notre aide”, précisait un responsable associatif au journal Le Monde. Une colère qui ne facilitera pas la tâche à l’ancien maire de Lyon, qui garde sans doute en tête la promesse d’Emmanuel Macron en juillet dernier : celle de n’avoir “plus personnes dans les rues” d’ici la fin de l’année.

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