Aujourd'hui, la ville des Emirats Arabes Unis est confrontée à la crise et a mis le pharaonique projet en stand-by. Aux annonces d'hier ont succédé l'incertitude sur la possibilité de voir un jour un Lyon à Dubaï. (Article paru dans l'édition de Mai de Lyon Capitale)
Le tout Lyon en avait frétillé. Notre bonne ville allait s'exporter à Dubaï. Le 27 mars 2008, Buti Saeed Al Ghandi, un richissime entrepreneur des Emirats Arabes Unis contemple Lyon depuis la grande roue installée place Bellecour.
Il pose pour les photographes de presse et affiche un sourire d'autosatisfaction. Il est tombé sous le charme de la ville classée au patrimoine mondial de l'Unesco. Sur la grande roue, à l'inverse de bien des touristes, il ne sort pas d'appareil photo. Buti Saeed Al Ghandi a trouvé une meilleure idée pour garder un souvenir de Lyon. Il va faire venir la ville à lui.
Dans un nouvel épisode de la folie des grandeurs au pays des pétrodollars, il annonce qu'il va nouer des partenariats avec six institutions de la ville et créer un quartier à la lyonnaise à Dubaï. Un mois plus tard, un Gérard Collomb conquérant débarque dans le Golfe pour boucler le partenariat.
Le maire de Lyon revient tout sourire de Dubaï le 1er mai. Le pharaonique projet Lyon-Dubaï City est lancé. Tout le monde se gausse de ce partenariat aussi improbable qu'intéressant financièrement.
Depuis la crise financière l'émir dubaïote à décidé de geler tous les projets
Un an après pourtant, tout le monde déchante. Dubaï n'a plus le vent en poupe et le projet a été remisé au placard. Les grues sont désormais presque aussi nombreuses au Confluent qu'à Dubaï. L'émir dubaïote, sorte de préfet local, a décidé depuis l'arrivée de la crise financière de geler tous les projets.
Seule la tour la plus haute du monde est encore en construction. Dubaï n'a jamais pu compter sur le pétrole (3% de ses revenus) pour assumer ses rêves de grandeur. La cité s'est construite sur le modèle d'une bulle immobilière et financière. Les deux secteurs les plus touchés par la crise. Les grands promoteurs sont endettés et Dubaï est presque sans le sou aujourd'hui.
Fini le règne des entrepreneurs bâtisseurs. La ville la joue profil bas. Et le projet Lyon-Dubaï City trinque. "Un an après, il ne se passe pas grand chose, déplore Bruno Masurel, responsable du projet à la Chambre de commerce et d'industrie de Lyon. Le partenariat devait aller avec la pose de la première pierre au premier trimestre 2009.
Mais cela ne veut pas dire que le projet est enterré. Il est mis en sommeil". Une réalité qui s'exprime chez tous les intervenants du dossier. "Nous n'avons pas de nouvelles. L'institut a transmis son plan de partenariat mais aucun retour n'a eu lieu, explique Cécile Bourgeat, responsable du volet dubaïote à l'Institut Lumière. J'espère que l'affaire se fera car nous sommes toujours intéressés.
Dubaï est une plaque tournante dans le monde et en plus, la ville organise un festival de cinéma. Il y a un an, on sentait un vrai enthousiasme, aujourd'hui je ne peux pas vraiment dire ce qu'il en est. Je pense que la conjoncture économique joue un rôle". "Le projet n'a pris que deux mois de retard pour le moment", nuance Guillaume Arnoud, chef du projet Lyon-Dubaï City à la direction internationale du Grand Lyon.
Un rendez-vous manqué
Pour les cinq autres intervenants lyonnais du projet qui devaient tisser le fil rouge de Lyon-Dubaï City, les dossiers sont aussi en stand-by. EM Lyon pensait ouvrir son antenne dans le Golfe en 2009. "Aujourd'hui, il est prématuré de parler d'un campus à Dubaï. Le projet n'a pas assez avancé", déclare laconiquement Valérie Jobart, la responsable de la communication de l'école de management. Toujours dans le domaine universitaire, Lyon 2 devait ouvrir ses portes à Dubaï dès la rentrée 2008.
Faute de bâtiments, les élèves de l'université française n'existent pas. Idem pour l'Institut Paul Bocuse, l'OL et son centre de formation. Seul le Musée des Tissus a entamé une collaboration avec Dubaï. Quelques pièces vont être exposées dans la seconde ville des Emirats Arabes Unis.
A l'heure actuelle, dans les réussites associables au projet, on ne compte que l'ouverture d'un magasin Zilli et du lobbying du comité Bellecour, une association qui regroupe tous les artisans lyonnais du luxe. Pour les lignes aériennes directes qui devaient relier les deux villes partenaires, il faudra encore attendre. Le projet a pris des allures de rendez-vous manqués.
De nouveaux marchés pour les sociétés lyonnaises
Le Grand Lyon misait sur Lyon-Dubaï City pour promouvoir son image à l'étranger. Et aussi pour aider quelques acteurs locaux. Renault Trucks et GL Events devaient s'ajouter dans la corbeille de la mariée. Le Grand Lyon espérait se faire dans un premier temps un réseau aux Emirats Arabes Unis.
Et dans un deuxième, des investisseurs sur certains grands projets immobiliers. Tous les partenaires privés du dossier, et l'OL au premier rang, comptaient sur ce projet pour trouver de puissants financeurs à Dubaï. Le stade d'Arsenal porte d'ailleurs le nom d'une entreprise dubaïote. Beaucoup de sociétés lyonnaises avaient vu à la signature du contrat de nouveaux marchés s'ouvrir. Les portes comme les portefeuilles se sont refermés.
En septembre, quand l'émir dubaïote va décider des projets à mener, le Lyon à la sauce du Golfe va se retrouver en concurrence directe avec d'autres plus insensés : des tours tutoyant les cieux, des îles artificielles pour millionnaires. Lyon-Dubaï City va jouer une autre carte.
L'investisseur Emivest va proposer de recréer sur 600 hectares une ville à l'européenne. Dans ce décalage réside une raison d'y croire pour les institutionnels lyonnais. "Nous sommes très optimistes pour notre projet car il correspond au virage qui peut être pris par Dubaï.
Ils veulent plus s'orienter sur l'éducation et la culture. Ils n'ont pas encore mis en avant leur vraie richesse", dédramatise Guillaume Arnoud, chef de projet Lyon-Dubaï City à la direction internationale du Grand Lyon. "C'est du 50-50, estime pour sa part Charles-Henri Malécot. Je ne pense pas que Dubaï va repartir sur sa politique tape à l'œil. Ils vont arrêter le bling-bling pendant un certain temps. Si toutefois, le projet ne redémarre pas en septembre, il faudra peut-être attendre 2010".
"Buti Saeed Al Ghandi veut amener l'âme de Lyon dans sa ville"
Dans la crise elle-même réside aussi des raisons d'espérer. "Emivest n'est pas une entreprise immobilière. Pour l'instant, ils ont essentiellement une activité commerciale.
Comme ils ne se sont jamais lancés dans de grands programmes de construction, la société se porte bien financièrement. Les autres projets sont portés par des entreprises qui prennent la crise en pleine face", pointe Charles-Henri Malécot, ancien directeur des relations internationales du Grand Lyon et aujourd'hui homme d'Emivest sur ce dossier. "Les réalisations de prestige pourraient être abandonnées. Lyon-Dubaï City est un projet décalé, il n'est pas délirant architecturalement.
En plus, il correspond à un besoin", soutient Bruno Masurel de la CCI. Le quartier lyonnais pourrait devenir celui des expatriés européens. "Il ne s'agit pas de faire comme à Las Vegas. Buti Saeed Al Ghandi veut amener l'âme de Lyon dans sa ville", poursuit Guillaume Arnoud. Si le projet est moins hallucinant que les îles artificielles en plein désert, il n'en est pas moins démesuré.
Pour l'heure, c'est un peu comme dans le jeu Sim City. Les urbanistes s'amusent à créer une ville de toutes pièces. La presqu'île lyonnaise des Emirats Arabes Unis sera plus grande que la vraie. 600 hectares contre 150 pour celle que nous connaissons. Dans le désert, le porteur du projet, Emivest, va construire deux fleuves artificiels pour encercler une langue de terre. Les immeubles ne devraient pas dépasser la dizaine d'étages.
De quoi trancher avec le visage quasi new-yorkais que propose aujourd'hui la seconde ville des Emirats Arabes Unis. Seuls les bâtiments abritants les partenaires lyonnais devraient amenés une touche de folie. Ils seront disséminés un peu partout.
Avec notamment un stade de football ni à Gerland ni à Décines mais à Oullins. Mais Lyon-Dubaï City après un an n'a pas dépassé le stade du jeu vidéo Sim City. Les bâtiments n'existent que sur les plans. Les entreprises lyonnaises n'ont pas gonflé leurs carnets de commande. Seul le coup médiatique de la signature reste dans les mémoires.
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