Dans une interview au Figaro, Gérard Collomb a officialisé la formation d'une police de proximité, prévue pour la fin de l'année. Si les contours de la mesure n'ont pas encore été tracés, les syndicats du Rhône craignent d'ores et déjà le retour de la "pol prox" des années Chevènement.
C'était une des promesses du candidat Macron : réinstaurer une police de proximité. Un organe controversé dont les allées et venues dans la police française clivent droite et gauche depuis la fin des années 1990. Censée rapprocher la police et la population, la mesure est mise en place par Jean-Pierre Chevènement en 1998. Cinq ans plus tard, Nicolas Sarkozy enterre la mesure, invoquant des retours négatifs de l'IGPN. Il faut dire que la "pol prox" ne collait pas avec la culture du résultat qui a marqué l'institution sous son quinquennat. "La police n'est pas là pour organiser des matchs de rugby dans les quartiers, mais pour arrêter les délinquants !" avait déclaré, de façon assez spectaculaire, l'ancien ministre de l'Intérieur lors d'un déplacement à Toulouse le 3 février 2003. Porteuse d'apaisement pour les uns, "lubie de la gauche" pour d'autres, la police de proximité renaîtra bel et bien fin 2017. Seulement cette fois-ci, l'exécutif parle de "police de sécurité au quotidien".
"Il faut une présence rassurante, mais aussi menaçante"
Yann Rouchier, secrétaire adjoint du syndicat FPIP rattaché à Lyon n'y croit pas. "On a l'impression que ça ne va être qu'un effet d'annonce" explique-t-il. Pour lui, ce n'est plus possible de faire de la police de proximité comme il y a vingt ans. "Avant, il y avait une forme de respect pour l'État, les forces de l'ordre. Maintenant c'est fini". Une vision partagée par Yves Lefebvre du syndicat Unité SGP FO qui prévient, "Si c'est pour refaire la pol-prox made in Chevènement, c'est une bêtise monumentale". Pour l'ex-policier, la mesure était alors une inefficace esbrouffe politique. "C'était une police d'accompagnement, une police à papa avec des gentils agents qui serraient des mains. Ça ne suffit pas, il faut que la présence policière soit rassurante, mais aussi menaçante". Concrètement, la police redoute surtout de perdre son autorité à l'heure où selon les syndicats, les quartiers sensibles "ne sont plus ceux que l'on a pu connaître". Pour Yves Lefebvre, "Il existe aujourd'hui des zones de non-droit, des endroits où la police ne va plus. Ou alors, avec des flashballs et des CRS".
La politique du chiffre et la prévention, deux objectifs contradictoires
Pourtant, les syndicats ne sont pas catégoriquement opposés à la mise en place de cette "police de sécurité au quotidien". Ils en reconnaissent volontiers certains bénéfices, mais Yves Lefebvre prévient, "Il faudra réorganiser l'institution en amont". Donner plus de moyens,renforcer le service général et le dispositif police-secours, mais surtout "en finir avec la politique du chiffre créée par Sarkozy". En effet, difficile de faire de la prévention là où la sanction est systématiquement privilégiée. Pour Yann Rouchier, il faudrait aussi injecter "d'énormes renforts dans les effectifs de police", en plus de faire un travail de fond avec les habitants. Pour l'heure, l'exécutif s'est gardé de faire des précisions sur le projet. Lors de son allocution, ni budget, ni prévisions d'effectifs n'ont été mentionnés par Gérard Collomb.