Lyon : un tour de France en van pour parler de la fin de vie

Au milieu de la place Antonin Poncet, avec vue sur (Belle)cour, les jeunes de l’ADMD (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité) ont garé leur van et sorti transats et parasols. Pas question pour autant de buller au soleil. Crème solaire étalée et casquette « T’as ta D.A ?» (pour Directive Anticipée) vissée sur la tête, ils sont là pour sensibiliser les gens à un sujet pas forcément facile à aborder : la fin de vie.

Pendant que Christopher Froome sillonne les routes du pays, maillot jaune sur le dos, c’est un tout autre Tour de France que réalisent Christophe Michel et son équipe de bénévoles pour la deuxième année. Depuis le 3 juillet, les Jeunes de l’ADMD roulent de ville en ville avec leur van customisé aux couleurs de l’association. Leur but ? "Parler de la fin de vie sans tabou", résume le secrétaire général de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité, Christophe Michel.

Hypocrisie incessante

En France, les élus ont adopté la loi Leonetti-Claeys en février 2016. Mais pour Christophe Michel, cette nouvelle loi apporte peu de changements par rapport à la loi Leonetti de 2005. Encore loin d’une euthanasie active directe, elle propose la sédation du patient, dans des conditions que l’association juge trop fermées. Le médecin ne peut s’opposer à la volonté du patient d’avoir recours à ce "droit de dormir avant de mourir" (selon les termes de Jean Leonetti) si ce dernier est atteint d’une "affection grave et incurable", que son "pronostic vital est engagé à court terme", et qu’il représente "une souffrance réfractaire aux traitements". Selon le secrétaire général de l’ADMD, "on se retrouve en réalité dans la même situation : le respect de la volonté du patient dépend uniquement du médecin"

La sédation est également bien en-deçà des attentes de l’association. "C’est un acte médical qui permet d’endormir le patient peu avant sa mort. En fait, on l’endort, on arrête de l’alimenter, de l’hydrater, et il va mettre plusieurs semaines à mourir. C’est hypocrite, car le médecin sait que le patient va mourir", explique Christophe Michel, qui considère qu’avec cette nouvelle loi, le corps politique a pensé aux médecins plutôt qu’aux patients. "Beaucoup de médecins ont été formés pour répondre à la doctrine « sauver la vie à tout prix ». Eh bien non, des fois on sait qu’on ne peut pas sauver la vie, et ces médecins doivent apprendre à trouver d’autres solutions pour accompagner le patient dignement".

Pour l’ADMD, cette loi ne répond pas à l’engagement 21 de François Hollande, qui avait promis de légiférer pour permettre aux gens de mourir de façon apaisée. "Il ne faut pas oublier que mourir apaisé, c’est mourir selon sa volonté. Aujourd’hui, on apaise une certaine catégorie de personnes, ceux qui souhaitent la sédation, mais on ignore la volonté de ceux qui préfèrent partir sans passer par cette phase", justifie le jeune secrétaire général. "On est encore très loin de l’écoute de la volonté du patient".

9 Français sur 10 favorables à une loi sur l’euthanasie

Selon les différents sondages publiés ces dernières années, 86 à 94% des Français se prononcent en faveur d’une loi encadrée sur l’euthanasie. "Arrêtons de croire que cette question ne fait pas consensus auprès des citoyens ; elle ne fait pas consensus auprès des politiques et du corps médical !", précise Christophe Michel.

Le secrétaire général de l’ADMD est indigné par l’aveuglement politique. "L’euthanasie est illégale en France, mais une étude de l’Institut national des études démographiques dénombre à peu près 4 800 euthanasies par an. Tant qu’il n’y a pas de loi, il y aura des dérives, des médecins pratiqueront des actes sans avoir demandé au patient, c’est totalement honteux". Il explique que ce n’est pas tant l’euthanasie en elle-même qui dérange les élus. "La vraie question, c’est : qui décide, et quand le patient peut-il avoir son mot à dire", constatant que "beaucoup de médecins pensent que c’est à eux de décider ce qui est bien pour un patient. Ça leur paraît inenvisageable qu’un patient refuse un traitement, souhaite quitter l’hôpital, ou demande à « partir » plus rapidement". Une vision évidemment incompatible avec celle de l’ADMD, qui milite pour placer la volonté du patient au cœur du processus de décision.

Une tournée sous le signe de la Directive Anticipée

En première ligne de cette seconde édition de l’ADMD Tour, les fameuses directives anticipées. Ces formulaires, par lesquels chacun peut exprimer à l’avance ses choix et désigner une personne de confiance, peuvent éviter des situations dramatiques, comme celle du cas Vincent Lambert où la famille se déchire sur la volonté finale du patient.

Bien que l’euthanasie soit encore illégale, les directives anticipées "sont très importantes, car si vous n’avez pas désigné une personne de confiance, on peut se retrouver dans une situation où ça va être des proches pas forcément si proches, ou un médecin qui va décider pour vous. Même si le médecin n’a aujourd’hui pas l’obligation de respecter vos choix, ça sera toujours pire si vous n’avez rien écrit. La personne de confiance désignée par votre directive anticipée prévaudra sur n’importe quelle autre personne de votre entourage", précise Christophe Michel.

Pour signer votre directive anticipée, ou simplement poser vos questions et discuter du sujet, rendez-vous tout l’après-midi place Antonin Poncet, ou sur le site de l’ADMD (adhésion à 5 euros pour les moins de 36 ans)

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