“Le gendarme du nucléaire”, vient de rendre public le bilan de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en Rhône-Alpes. Pas folichon.
Tous les deux jours, un incident se produit dans les centrales nucléaires de la région. Le bilan de la sûreté nucléaire, révélé jeudi 6 mai par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), a de quoi faire froid dans le dos. D’autant qu’on ne parle pas ici poires ou scoubidous mais atomes, réactions chimiques et radioactivité. Bref, d’une industrie pas comme les autres qui reste l’un des domaines les plus tabous de notre société.
L’ASN, estampilée “autorité administrative indépendante”, fait donc office de gendarme dans un univers où si l’on n’est pas “pro”, on est forcément “anti”.
En 2009, 181 événements significatifs ont été déclarés dans les quatre centrales nucléaires de Rhône-Alpes (Bugey, Saint-Alban, Cruas-Meysse et Tricastin). Soit 1 incident tous les 2 jours. C’est 3% de plus qu’en 2008 et 26,5% de plus qu’en 2007. S’il y a plus d’incidents, explique-t-on, c’est parce qu’il y a plus d’inspections. Certes. Résultat : “le niveau de sûreté nucléaire est assez satisfaisant”. En d’autres termes, les résultats sont honnêtes. Mention honorable donc.
Mais pour une industrie aussi sensible que le nucléaire, la formule “assez satisfaisant” laisse pour le moins perplexe.
L’AIEA s’intéresse aux résultats “en retrait” de Saint-Alban
Cette année, c’est la centrale iséroise de Saint-Alban qui est dans le viseur (en 2008, c’était celle de Cruas-Meysse, en Ardèche). Les performances globales sont “en retrait” par rapport à l’appréciation générale. En réalité, le bilan n'est pas satisfaisant du tout. Le rapport constate que “le site a montré des faiblesses récurrentes concernant le contrôle des activités de conduite du réacteur”, que les “résultats se sont dégradés” pour la protection des travailleurs et qu’en matière d’environnement, des faiblesses persistent.. En octobre prochain, Saint-Alban fera d’ailleurs l’objet d’un audit de l’Agence internationale de l’énergie nucléaire (AIEA), assistée d’une équipe d’experts internationaux.
“Néanmoins”, vocable très utilisé dans le nucléaire
Plus au nord, la centrale du Bugey “se distingue de manière positive”. “Néanmoins” (vocable très utilisé dans le nucléaire), l’ASN souligne que la radioprotection des employés peut être améliorée et attend de “meilleurs résultats” pour 2010. Notamment sur “la culture environnementale (qui) n’est pas suffisamment imprégnée” en matière de gestion des déchets et de surveillance des prestataires.
Un incident qu’on n’avait plus vu depuis 10 ans
Si la centrale de Cruas-Meysse n’est plus cette année le vilain petit canard atomique, il n'en reste pas moins qu’elle “manque de rigueur” sur le volet environnemental et protection des travailleurs, référence à l’incident de niveau 2 sur l’échelle INES (7 degrés), enregistré les premiers jours du mois de décembre dernier. Ce qui n’est pas précisé dans le rapport, c’est qu’un tel niveau d’incident n’avait plus été vu depuis dix ans en Rhône-Alpes !
Un management insuffisant d’EDF
Même au Tricastin, dont la situation est “satisfaisante”, le gendarme du nucléaire relève des “lacunes” dans la façon dont EDF exploite la centrale, pointant du doigt une “implication du management insuffisante”. Une annotation qui fait tâche alors que le site essaie d’améliorer la compétitivité de sa production. Le site fait l’objet de toutes les attentions pour savoir si le réacteur n°1, le premier en France a avoir fait l’objet d’une 3e visite décennale, s’arrêtera ou pas. “Rien n’est décidé, répond Alain Ledenvic, délégué territorial de Lyon de l’ASN. C’est nous qui décidons, pas le gouvernement !”.
Transport de déchets radioactifs : l'ASN tire la sonnette d'alarme
Dernier point alarmant : le transport de matières radioactives. Dans la région, on recense plus de 30 000 expéditions et 60 000 réceptions de tels colis par an. Problème de taille : si les colis sont agréés et que les véhicules utilisés pour le transport doivent répondre à certaines règles, les transporteurs n’ont pas d’autorisation spéciale.
En gros, “n’importe qui peut être transporteur” explique-t-ton. D’après une récente enquête menée sur la moitié des transporteurs identifiés, 90% d’entre eux avouent de mentionner aucun contrôle avant expédition... En cas d’accident ? Pfuiiiiit.
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En chiffres
Contrôle des centrales nucléaires
181 événements déclarés à l’ASN
> Bugey - Peut mieux faire (47 incidents : +4,5%)
- 31 pour la sûreté nucléaire (dont 8 classés au niveau 1 de l’échelle INES)
- 10 pour la radioprotection
- 5 pour l’environnement
- 1 pour le transport de matières radioactives
> Saint-Alban - La situation se dégrade (41 incidents : +24%)
- 27 pour la sûreté nucléaire (dont 5 classés au niveau 1 de l’échelle INES)
- 7 pour la radioprotection
- 6 pour l’environnement
- 1 pour le transport de matières radioactives
> Cruas-Meysse - La situation se redresse (49 incidents : -2%)
- 41 pour la sûreté nucléaire (dont 6 classés au niveau 1 et 1 au niveau 2 de l’échelle INES)
- 5 pour la radioprotection
- 3 pour l'environnement
> Tricastin - Des lacunes dans l'exploitation (44 incidents : -6%)
- 37 pour la sûreté nucléaire (dont 8 classés au niveau 1 de l’échelle INES)
- 3 pour la radioprotection
- 4 pour l’environnement
Contrôle des autres installations nucléaires de base (INB)
90 événements significatifs ont été déclarés à l’ASN
(il s'agit des installations du cycle du combustible nucléaire, des ateliers de logistique ou de maintenance d’équipements nucléaires, des installations à l’arrêt définitif ou en démantèlement et des installations industrielles et de recherche)
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