Numéro 23 : la tribune qui donne la nausée

Au moment où Pascal Houzelot tente de revendre Numéro 23 à Alain Weill (RMC, BFM) et d’empocher au passage un pactole de 90 millions d’euros, cinquante acteurs de la diversité signent une tribune dans Libération et se disent fiers du travail réalisé depuis trois anspar la chaîne. Mais la plupart des signataires n’ont jamais regardé Numéro 23 ! Et pour cause : elle n’est qu’une vaste escroquerie intellectuelle doublée d’une insulte à toutes les diversités.

Nous, citoyens, politiques, professionnels des médias, associatifs (…) appelons à soutenir le projet éditorial de la chaîne de la diversité pour Numéro 23 (sic). Dans une langue assez maladroite, où se succèdent poncifs et formules grandiloquentes sur la France, le racisme ou la tolérance, les cinquante signataires (de l’indéboulonnable Louis-George Tin à, ce qui est plus surprenant, la sénatrice Bariza Khiari et la réalisatrice et ancienne ministre Yamina Benguigui) commencent par saluer la “petite révolution qui, il y a un peu plus de trois ans, secouait le paysage audiovisuel français, n’hésitant pas à convoquer la fabrication d’un imaginaire commun à la nationet la représentation d’une République unie et indivisible. Rien que ça…

Ils poursuivent en affirmant : Il n’y a pas d’autres chaînes dont 100 % des animateurs sont issus de la diversité. (…) La parité n’est pas un vain mot puisque les collaboratrices représentent plus de 75 % des effectifs et qu’à compétence égale, les recrutements privilégient les profils issus de la diversité ! Sauf ce premier petit détail qui a son importance : Numéro 23 n’a, en tout et pour tout, que cinq salariés ! Suivi de ce second petit détail : l’humoriste et animateur Yassine Belattar, sollicité pour l’audition au CSA en 2012 avec la militante féministe et antiraciste Rokhaya Diallo, a récemment révélé le pot-aux-roses : Pascal Houzelot nous a reçus une semaine après pour nous dire qu’il n’avait pas l’argent nécessaire et, contrairement à ce qu’il avait dit aux Sages, certains de ses prestigieux partenaires n’avaient pas mis un centime dans l’affaire. Nous avons été utilisés ! Avec la vente de Numéro 23, je découvre que la diversité coûte 90 millions d’euros. Pour ma part, j’ai toujours pensé qu’elle n’avait pas de prix.

“Le CSA est tombé dans le panneau”

Au même moment, l’ex-membre du CSA Rachid Arhab sortait de sa réserve, “révolté”. Dans les colonnes du Parisien, il expliquait en effet ne pas être surpris par cette revente, la diversité n’ayant jamais été qu’un prétexte pour obtenir la fréquence, le seul objectif des porteurs du projet étant la planification d’une opération financière très juteuse, à partir d’une ressource publique attribuée gratuitement. “Je n’ai pas cru à cette chaîne de la diversité et parmi les neuf membres du CSA [présidé alors par Michel Boyon et en réalité par Nicolas Sarkozy, NdlR] sept d’entre eux se sont fait manipuler. Le CSA est tombé dans le panneau, concluait, amer, Rachid Arhab.

Rappelons ici le troisième petit détail : le projet “TVous la Télédiversité”, une fois obtenu le précieux sésame du CSA, a été rebaptisé dans l’urgence Numéro 23. Élue par les Sages pour être “une chaîne culturelle thématique axée sur toutes les diversités”, sa convention sera, juste avant le lancement, habilement et discrètement réécrite, afin que la chaîne puisse diffuser, grâce à son nouveau statut de mini-généraliste, des programmes US essentiels, tels que… “Concours de tatouage, le défi : avez-vous déjà réussi à tatouer un amputé ?” La revente était déjà en ligne de mire. Il est en effet beaucoup plus facile de revendre (à prix d’or) une chaîne poubelle dont le cahier des charges permet de faire à peu près n’importe quoi, qu’un canal ayant de véritables contraintes et obligations en matière de diversité. Et puis quoi encore ? Vous ne pensez quand même pas que c’était sérieux ?

Les individus transformés en bêtes de foire à tatouer

À l’époque, dès le printemps 2012, nous avions immédiatement puis inlassablement dénoncé la supercherie, en expliquant que Pascal Houzelot allait sans doute faire la promotion des “jeunes filles ayant un père taliban” et des “unijambistes alsaciens”, pensant, en dépit de notre écœurement, que le CSA de l’époque resterait au moins attaché à la promotion de la langue française, comme ses ex-conseillers le clamaient et le déclamaient publiquement à la moindre occasion. D’unijambistes, il est bien question sur Numéro 23, mais nourris aux hamburgers bas de gamme plutôt qu’aux produits issus du commerce équitable, le tout vulgairement mis en scène dans un voyeurisme éhonté qui ne sert en rien la cause du handicap mais transforme au contraire les individus en bêtes de foire à tatouer.

Nous avons contacté plusieurs signataires de cette tribune : tous nous ont avoué n’avoir effectivement jamais regardé Numéro 23 (nous sommes rassurés sur ce point) et avoir signé, en réalité, uniquement pour faire plaisir à leur copain Amirouche Laïdi, président du club Averroes, sans même avoir lu le texte, qui devait initialement paraître dans Le Monde et “évoquer plus largement la question de la diversité dans l’audiovisuel”, comme la plupart nous l’ont assuré. Finalement, ce fut cette tribune dans l’espace abonnés de Libé, vantant l’incroyable escroquerie intellectuelle de Pascal Houzelot (les patrons de TF1, M6 et Canal+ n’hésitent pas quant à eux à parler de “fraude”).

Si l’on ne peut que louer les initiatives sincères destinées à faire progresser la diversité sous toutes ses formes, il vaut mieux se méfier de ceux qui en font un business : tous ces “humanistes” autoproclamés – réunis dans quantité de clubs, cercles et associations – qui ont le cœur forcément à gauche… et le portefeuille bien à droite. La génération précédente s’était donné pour mission de faire pleurer dans les chaumières avec la lutte contre le cancer, ses successeurs ont choisi un thème plus tendance et bien plus rémunérateur, infligeant ainsi la double peine aux vraies victimes de discrimination. On peut en effet rire de tout, mais, avec M. Houzelot, ça devient vraiment indécent.

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