La police “de sécurité du quotidien”, bientôt expérimentée en France à l’initiative de Gérard Collomb, a été présentée aux syndicats de policiers lyonnais la semaine passée par le préfet. Une réunion d’échange pour recueillir le point de vue des partenaires sociaux, visiblement dubitatifs pour le moment mais qui saluent néanmoins la concertation menée sur le sujet.
Promesse de campagne du candidat Macron, la police “de sécurité du quotidien” va être expérimentée dans une quinzaine de villes début 2018. Sous la houlette de Gérard Collomb, la PSQ, comme l’ont déjà abrégée les policiers, a été présentée en octobre par Emmanuel Macron comme le début “d’une déconcentration, pour réagir de manière plus souple face aux contraintes du terrain, de manière plus efficace pour l’ensemble de l’État qui s’est paralysé lui-même à tout vouloir contrôler depuis la centrale”. De fait, chaque zone de sécurité pourrait alors prioriser tel ou tel type d’intervention ou d’affectation en fonction des besoins des différents territoires. Une déconcentration associée à une modernisation des équipements, notamment une plus grande informatisation pour réduire la paperasse dans les commissariats. Une grande concertation a été lancée fin octobre partout en France pour recueillir l’avis des 250 000 policiers et gendarmes. Dans le Rhône, le préfet a reçu les syndicats la semaine passée. Force est de constater qu’à Lyon, la ville du ministre de l’Intérieur, la mesure ne suscite pas un enthousiasme débordant.
“C’est un peu du vent pour le moment”
La concertation est bien accueillie par la profession, mais le flou, sur la forme et sur le fond, qui entoure la mise en place de cette police de sécurité du quotidien inquiète les fonctionnaires de police. Dans une note adressée par Gérard Collomb aux préfets, le ministre de l’Intérieur évoque les trois axes structurants de sa réforme, qui promeut “le service du citoyen au cœur du métier” comme nouveau “paradigme” de l’action de l’État. Avec trois lignes directrices : la confiance “envers les agents de terrain”, “envers les différents partenaires” (police municipale, pompiers…) et envers la population. “Tout ça, on le fait déjà, estime Yann Rouchier du syndicat FPIP. Nous travaillons déjà avec nos autres partenaires de sécurité et de défense. Quant à la confiance de la population envers la police, elle n’a jamais été aussi grande, selon l’ensemble des enquêtes. Dans la PSQ, la seule chose concrète, c’est l’arrivée des tablettes ; le reste, c’est un peu du vent pour le moment.” Il regrette que “rien ne soit détaillé”. “Même sur la création de 10 000 emplois en plus, on ne sait pas si cela prend en compte les départs à la retraite et les démissions”, ajoute-t-il. Contacté, Étienne Stoskopf, le préfet délégué à la défense et à la sécurité du Rhône, se veut rassurant : “Ces 10 000 sont bien des postes supplémentaires et pas des remplacements. D’ailleurs, le budget sécurité va augmenter de 1,9 % dans le budget 2018, ce qui est beaucoup dans le contexte actuel.”
Une réforme “à effectif et matériel constants” ?
Les syndicats craignent que leurs nouvelles missions ne se fassent “à effectif et matériel constants”. C’est en tout cas ce qui ressortirait de la réunion avec le préfet. “Il n’y a pas d’engagement sur l’arrivée de moyens matériels et humains de la part de la préfecture. Et, tels qu’ils sont aujourd’hui dans la DDSP [direction départementale de sécurité publique] du Rhône, on irait au carton vu l’état de fatigue des fonctionnaires”, confie Sébastien Thillet, du syndicat Unité SGP FO. Des propos confirmés par un autre policier : “Aujourd’hui, au vu des effectifs, on n’a pas le temps d’effectuer toutes nos missions de police secours, qui sont l’essence même du métier de policier, alors comment pourra-t-on faire pour ajouter des missions de PSQ ?” De son côté, le syndicat Alternative CFDT assure qu’il “restera vigilant à ce que la qualité des conditions de travail et de bien-être des fonctionnaires soit respectée”. “Justement, l’idée de la PSQ c’est de revoir les missions des policiers en abandonnant les taches indues”, répond le préfet Stoskopf. Notamment des tâches administratives, comme la rédaction de statistiques ou la gestion des procurations, mais pas seulement. Le ministre de l’Intérieur et la ministre de la Justice ont entamé une réforme de la procédure pénale. “Les policiers et gendarmes se plaignent souvent de la complexité de la procédure pénale et cette réforme devrait faire gagner beaucoup de temps notamment dans la rédaction des procès-verbaux”, insiste Étienne Stoskopf.
“Aucune tâche ne va s’ajouter, la PSQ va libérer du temps”
Les explications du préfet n’ont visiblement pas convaincu les syndicats. “On nous a fait comprendre que les missions PSQ vont s’ajouter aux missions de police secours. Mais c’est déjà le cas durant nos services quand nous n’avions pas d’intervention. On patrouillait, on sécurisait des secteurs pour des incivilités, on faisait des contrôles d’identité, de la surveillance de voisinage. Aujourd’hui, on ne peut pas faire plus que ce que l’on fait déjà à Lyon. On n’a pas le don d’ubiquité”, se désespère Yann Rouchier. “Avant de s’occuper de la police de sécurité du quotidien, il faudrait plutôt s’occuper du quotidien du policier”, ajoute Sébastien Thillet. “Je comprends qu’il y a peut-être quelques malentendus qui persistent sur ce sujet. Mais justement, la PSQ sera une nouvelle manière de faire la police. C’est une réforme en profondeur, avec une nouvelle doctrine qui va s’échelonner sur le quinquennat. Aucune tâche ne va s’ajouter, la PSQ va plutôt libérer du temps. Toutes les missions ne peuvent plus être dévolues à la Police nationale. Il faudra des partenariats avec les polices municipales et les entreprises privées sur certaines missions à déterminer. On entend la crainte des policiers, mais cette nouvelle doctrine va dégager du temps pour remettre la police sur la voie publique, au plus près du citoyen”, affirme Étienne Stoskopf.
Un contexte budgétaire extrêmement contraint
Dans un rapport sénatorial présenté le 15 novembre (révélé par le journal Le Figaro), le sénateur LR Philippe Dominati pointe lui aussi le manque d’hommes et de matériel. Selon son rapport, la politique d’augmentation des effectifs du Gouvernement “ne permet pas de garantir la capacité opérationnelle des policiers et gendarmes”. Cette hausse des effectifs se ferait aussi au détriment des dépenses d’investissement et de fonctionnement. Exemple symbolique : “l’augmentation continue de l’âge moyen des véhicules” est passée de 4 ans et 10 mois en 2010 à 6 ans et 9 mois en 2017. À Lyon, les problèmes liés à la vétusté des commissariats, pointés par Lyon Capitale fin août (Lyon Capitale n°770, septembre 2017), n’ont pas été réglés. Rien d’anormal en si peu de temps, mais rien ne s’améliore. Selon nos informations, les serveurs de la radio, dont le système a presque vingt ans, ont récemment lâché, privant la police de communications pendant quelque temps. Une difficulté résolue depuis. Pour Philippe Dominati, dans ce contexte budgétaire contraint, la police de sécurité du quotidien, qui “ne s’accompagne d’aucun volet budgétaire, devrait donc s’appuyer sur les moyens existants”. Confirmant les craintes des policiers lyonnais.