Alors que la police lyonnaise est montrée en exemple pour ses résultats flatteurs, les syndicats montent au créneau pour dénoncer cette "culture du résultat" mise en place par Nicolas Sarkozy.
Le palmarès du Figaro a beau placer Lyon parmi les polices les plus efficaces de France (17,1 faits élucidés par agent par an), le préfet Jacques Gérault a beau annoncer que la délinquance est en baisse de 14% depuis qu'il a pris ses fonctions (lire encadré), rien n'y fait. La police lyonnaise n'a pas le moral. Signe du malaise, les deux principaux syndicats, l'UNSA-Police (majoritaire) et Alliance, qui d'habitude se mènent une guerre sans merci, sont sur les mêmes positions : le ras-le-bol de la "politique du chiffre". La CGT et FO sont aussi de la partie. La "culture du résultat" mise en place par Nicolas Sarkozy quand il était ministre de l'Intérieur a en effet de plus en plus de mal à passer au sein des commissariats. "Est-ce qu'une police plus efficace, c'est une police qui arrête plus de consommateurs de shit et plus de prostituées ? " s'interroge le secrétaire général de l'Unsa police de Rhône-Alpes, Thierry Clair. Avant de donner la réponse : "Nous ne sommes pas contre les objectifs. Tout dépend de ce qu'il y a derrière. Aujourd'hui, la police nationale est devenue une entreprise privée qui ne raisonne plus qu'en termes comptables, en privilégiant le quantitatif au qualitatif". Il reprend : "Chaque agent a un certain nombre d'interpellations à réaliser ou de PV à mettre. Pour être bien notés, les policiers doivent coûte que coûte ramener quelque chose. Ça leur met une pression dingue". C'est ainsi que certains chefs de service vont privilégier l'arrestation de prostituées ou des fumeurs de joints plutôt que des affaires plus longues (la recherche des trafiquants) et qui ramènent moins de "bûchettes" (les statistiques dans le jargon de la police).
Course à la "bûchette"
Même Alliance, le syndicat réputé sarkozyste, monte au créneau : "Un flic rêve d'arrêter les voleurs ou les trafiquants de drogue mais pas de faire de l'abattage !", s'emporte son délégué régional, Jean-Paul Borrelly.
Conséquence, les policiers se sentent mal dans leur travail. "Les agressions, dont les outrages et rebellion, contre les collègues se multiplient (ce que conteste le préfet, ndlr), note Thierry Clair de l'Unsa. Les citoyens en auraient-ils marre de se faire sans arrêt contrôler ?" De plus en plus de policiers iraient consulter la médecine de travail ou le psychologue. Et le nombre de suicides semble augmenter. Dans un reportage sur un commissariat lyonnais paru le 10 mai dernier dans Marianne, le journaliste Frédéric Ploquin rapporte que l'on parle de 29 suicides depuis le début de l'année dans les commissariats de France.
Le préfet Jacques Gérault préfère ne pas commenter : "Le résultat est là. Il ne faut pas oublier qu'en quelques années, on est passé d'un crime sur cinq élucidé à un crime sur trois. C'est considérable".
Face au silence de leur hiérarchie, les policiers sont passés à l'action : le 15 mai dernier, ils étaient 300 à défiler derrière la banderole de l'Unsa-Police : "Trop de pression, flics en dépression". Un record pour une profession qui n'a pas le droit de grève. Quant au syndicat Alliance, il a saisi la ministre de l'Intérieur du problème. Son représentant à Lyon annonce d'ores et déjà un automne social chaud si aucune réponse n'est apportée.