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© Tim Douet

Pollution : deux Lyonnais souhaitaient saisir la justice dès février

Ce mercredi, une femme de 57 ans s'estimant victime de la pollution de l'air à Paris a porté plainte contre l’État. En février dernier, deux Lyonnais avaient engagé une procédure similaire et avaient saisi le tribunal administratif pour carence fautive de l’État. Lyon Capitale les avait rencontrés.

Pollution à Lyon : qui est responsable ? Difficile à dire quand “multitude de responsabilités tend à être une exonération des responsabilités”. Pour l’avocat François Lafforgue, le contexte actuel ne peut plus durer, “on ne peut pas se satisfaire d’une situation qui fait 45 000 morts prématurées par an”. Me Lafforgue représente aujourd’hui une dizaine de particuliers à Paris, ainsi que deux à Lyon, qui vont déposer des recours pour carence fautive de l’État devant les différents tribunaux administratifs. Ils sont accompagnés par les associations Écologie sans Frontière et Respire. Pour Me Lafforgue, “l’idée est de relever les différentes fautes commises par l’État au sens large et prouver que les mairies et les autorités préfectorales n’ont pas appliqué les réglementations qui prévoient certaines dispositions en cas de pic de pollution, n’ont pas veillé à ce que les mesures soient prises, ainsi que l’État régulateur et législateur n’a pas pris toutes les réglementations pour éviter les pics de pollution et en réduire l’ampleur”.

Gérard Collomb concerné

Pour l’avocat, Gérard Collomb comme le préfet Michel Delpuech sont potentiellement concernés : “Officiellement, on n’exclut aucune responsabilité dans l’agglomération, que ce soit l’autorité préfectorale ou toute autre autorité publique.” Quant à celles qui essaieraient de rejeter la faute sur les autres, cela n’est pas une défense possible pour Me Lafforgue : “Devant une juridiction administrative, ils ne pourront pas s’exonérer des responsabilités car d’autres autorités ne l’ont pas prise. Nous n’avons pas encore déposé les recours, nous affinons notre argumentation. Nous visons les autorités publiques au sens large, mais si on identifie des manquements des collectivités territoriales, on n’hésitera pas à les viser lors des recours.” Aujourd’hui, la simple circulation alternée ne suffirait pas : “Les arrêtés interministériels et interpréfectoraux prévoient un arsenal de mesures. Seule une micromesure a été prise – et tardivement – avec la circulation alternée, alors que les autorités préfectorales peuvent viser d’autres sources de pollution, comme les industries, le trafic aérien…” Concernant la recevabilité des recours, Me Lafforgue n’a aucun doute : “Le lien entre pollution due à l’automobile et mortalité est incontestable. Le Centre international de recherche sur le cancer a publié des rapports dans ce sens. Pour la question du lien de causalité entre les déboires médicaux de nos clients et les pics de pollution, nous avons plusieurs dossiers, tous différents, mais un point commun, ce sont des personnes qui ont connu des déboires médicaux lors des pics de pollution. Parallèlement, toute la lecture scientifique confirme qu’il y a une recrudescence des problèmes pulmonaires lors de ces mêmes pics de pollution. Ces recours sont déposés pour que la victime soit indemnisée du préjudice à cause de cette intoxication et que des mesures efficaces soient prises. Dans trente ans, on se dira : Mais comment les autorités ont-elles pu agir de la sorte ?” Me Lafforgue rappelle qu’au niveau national une plainte au pénal avec constitution de partie civile a également été déposée, auprès du pôle Santé publique du parquet de Paris.

Ils ont quitté Paris pour Lyon et subissent la pollution

Camille est l’une de ces citoyennes qui ont décidé de s’associer au recours. Elle se déplace tous les jours à vélo dans la métropole, mais pour elle cela ne suffit pas : “Ce n’est pas comme ça que j’ai une action contre la pollution, j’ai décidé de participer au recours quand ma fille s’est retrouvée sous Ventoline à l’âge de deux ans. Le médecin a fait le lien direct avec la pollution.” Auparavant parisiennes, Camille et sa famille ont quitté la capitale pour Lyon, espérant y bénéficier d’un meilleur cadre de vie : “C’est mieux pour avoir une plus grande surface d’habitat, c’est plus simple de se déplacer à vélo, mais pour le bien-être, on n’a rien gagné à Lyon comparé à Paris. Sur la qualité de l’air, c’est terrible, il est irrespirable certains jours. Je suis effarée par les odeurs nauséabondes qui viennent de la zone pétrochimique.” Camille pourrait quitter Lyon, mais pour elle ce serait nourrir un peu plus la pollution : “On se déplace uniquement à vélo dans la métropole ; on aimerait vivre dans un meilleur environnement mais, si on part vivre à la campagne, on sera obligés d’utiliser la voiture et polluer, ce n’est pas envisageable.” En attendant, les mesures actuelles sont insuffisantes à ses yeux : “La circulation alternée, c’est totalement ridicule, je vois les gens qui n’en ont rien à faire – “à la maison, on a deux voitures…” D’autres ne la respectent pas, ça ne culpabilise pas. Et que penser quand on voit que les jours de circulation alternée Feyzin dégaze à fond ? Mais bon, ceux qui râlent contre Feyzin oublient que la raffinerie est là pour qu’on roule dans notre voiture.” Ce recours est pour elle l’espoir de voir une prise de conscience de la part des élus : “C’est la première fois que je fais une démarche en justice, on n’a même pas discuté de l’enjeu financier. J’aurais espéré qu’on soit plus nombreux pour que les décideurs en politique prennent conscience que les mentalités changent. Notre petit cas à nous, ce n’est rien du tout, mais on le fait pour le bien-être de tous.” En attendant, le rêve de Camille est de voir un jour la métropole s’inspirer d’une ville de Galice : “À Pontevedra, ils ont supprimé totalement la voiture dans la ville, mais pour y arriver il faut une volonté politique forte.”

Dans un premier temps, c’est bien l’État en général et la préfecture qui seront ciblés. Mais, en cas de succès, ce premier procès devant la juridiction administrative pourrait pousser l’État à se soucier de l’efficacité des mesures locales de lutte contre la pollution. Qu’importe la décision finale, le simple fait d’avoir des recours dans sa ville fait une mauvaise publicité à Gérard Collomb. Celui qui aime mettre en avant l’attractivité de sa métropole risque de se heurter à l’un des plus grands repoussoirs du XXIe siècle : l’air vicié.

Article tiré du dossier "Les solutions pour faire de Lyon une ville propre", issu du mensuel n°763 de Lyon Capitale paru en février 2017.

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