Pourquoi Rhônexpress est trop cher

SCANDALE - Depuis la mise en service de la liaison entre la Part-Dieu et l'aéroport, les usagers critiquent les tarifs trop élevés de la navette qui, au vu du contrat signé entre le Département et la société Rhônexpress, peinent à trouver une justification. (Article publié dans le numéro de septembre du magazine Lyon Capitale).

Il est désormais possible, depuis le 9 août, de rallier l'aéroport Saint-Exupéry à partir de la gare de la Part-Dieu en moins de 30 minutes. Formidable ? Pas vraiment au vu du retour d'expérience des nombreux usagers qui ont eu à utiliser la navette Rhônexpress durant la période estivale. Au centre de toutes les critiques, le prix. À 13 euros l'aller simple et à 23 euros pour l'aller-retour, Rhônexpress est l'une des navettes les plus chères d'Europe pour ce type de liaison entre la ville-centre et son aéroport (voir le tableau ci-dessous). Du coup la résistance et les appels au boycott s'organisent, notamment sur internet où un groupe sur Facebook intitulé “En attendant un Rhônexpress abordable” propose de développer une concurrence par des propositions de covoiturage. “Rhônexpress se permet de pratiquer des prix si élevés car ils pensent avoir le monopole sur la ligne. Prouvons-leur le contraire, boudons le tram de luxe pour qu'ils se décident à le rendre abordable” peut-on lire sur le profil de ce groupe qui ne compte pour l'heure qu'une soixantaine d'amis.

Pour ceux qui espèrent un jour le retour des navettes de bus, commençons par dire qu'il faut qu'ils abandonnent immédiatement tout espoir puisque le contrat signé entre le Conseil général et Rhônexpress organise un monopole sur cette ligne pendant toute la durée de la concession, c'est-à-dire 30 ans ! À l'article 7 du contrat de concession, il est en effet indiqué que le Conseil général s'engage “pendant toute la durée de la concession, à ne pas organiser ni encourager un service de transport collectif directement concurrent de Leslys”, Leslys étant l'ancienne dénomination de Rhônexpress. Reste à se demander ce qui justifie un tarif aussi prohibitif ? L'une des justifications avancées consiste à dire qu'il s'agit avant toute chose d'un investissement privé et qu'il y a la nécessité de le rentabiliser. Mais, la réalité est toute autre puisque la charge de l'investissement incombe totalement au Conseil Général du Rhône.

Une concession gratuite

Car contrairement à une idée reçue, la société Rhônexpress*, filiale du groupe Vinci, n'a rien eu à débourser pour bénéficier de l'exploitation de cette ligne de tramway même si le Conseil général s'évertue à affirmer le contraire. Si l'on suit le Département du Rhône, Rhônexpress aurait payé 50,55% de l'investissement global qui s'élève à environ 120 millions d'euros, le Conseil général s'acquittant de l'autre moitié, 49,45%. Mais c'est oublier les 3,5 millions que le Conseil général versera chaque année à Vinci pendant les 30 ans que dure la concession de la ligne. Cette somme sera augmentée chaque année d'un taux de 2%. Le total ainsi versé est égal aux crédits contractés par la société Rhônexpress pour avancer sa part dans l'investissement.

Conclusion, Rhônexpress a bien fait un crédit afin d'avancer les 50,55% d'investissement de l'ouvrage, mais le Conseil général lui garantit le remboursement de la totalité du crédit avec les intérêts sur 30 ans. C'est ce qui est en effet indiqué à l'article 24.2 du contrat de concession où il est stipulé que le Conseil général “s'engage à verser [à Rhônexpress] une subvention forfaitaire annuelle égale à 100% des sommes dues par [Rhônexpress] au titre du Crédit...” Autrement dit, Vinci ne payera rien pour exploiter cette ligne qui est entièrement à la charge du contribuable. Des conditions aussi avantageuses éveillent forcément le soupçon. Une enquête pour favoritisme a été ouverte par le parquet financier en février 2009. L'une des accusations consistait à affirmer que Vinci aurait participé au financement occulte de la campagne présidentielle de François Bayrou, dont Michel Mercier, le président du Conseil général, était le mandataire financier. Même si elle n'est toujours pas refermée, les enquêteurs n'ont pas trouvé d'éléments corroborant ces accusations et privilégient une autre piste : le rôle de Guy Mathiolon, le patron de la CCI de Lyon, dans la modification des tracés de Rhônexpress.

Contribuable cocu

Dans un avis du 5 juillet 2007, la Chambre régionale des comptes estimait que la concession de 30 ans n'était pas justifiée au motif que la société Rhônexpress “ne supporte aucune charge d'investissement”. Le contribuable, cocu de l'affaire, est donc invité à payer deux fois : par ses impôts et par le ticket qu'il paye au prix fort. Si l'on ajoute à cela que le crédit contracté par Rhônexpress l’a été à taux variable, ce qui signifie qu'il est indexé à des marchés financiers extrêmement volatiles, alors le montage financier de l'opération peut être qualifié de cadeau offert à Vinci dans le dos des contribuables. Enfin, on oubliait : les usagers-contribuables verront le tarif de Rhônexpress réévalué chaque année, et ce toujours avant le 1er juin. Cet aspect-là est également dans le contrat. Et ça tombe bien pour Vinci, puisque ce sera toujours avant les grands départs en vacances.

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Le patron des Verts du Rhône se pose des questions

Yves Durieux, le secrétaire général des Verts pour le département, s'interroge sur l'omniprésence des grands groupes et notamment de Vinci dans les marchés du Conseil général. Dans un communiqué de presse, il dénonce la présence de “certains groupes industriels très présents dans les collectivités locales du département”. Il rappelle qu'outre Rhônexpress, Vinci a également été choisi par le Conseil général pour “essayer de sauver le bâtiment du musée des Confluences, une aberration financière et technique qui va peser lourds sur les finances du département du Rhône dans les années futures”. Il rappelle également que “le groupe Vinci est présent sur les chantiers des autoroutes, via sa filiale ASF qui est en lien avec le Département pour la construction de l'A89 et son raccordement à l'A6 au nord de l'agglomération”.

*La société Rhônexpress est composée de 8 sociétés : 6 sont des filiales de Vinci qui détient 35,2% du capital devant Veolia transport (28,2%) et derrière la Caisse des dépôts et Consignations (36,6%). Mais Rhônexpress reste tout de même une filiale de Vinci puisqu'elle est “consolidée” dans les comptes du géant mondial du BTP.

Une des navettes les plus chères d'Europe

Rhônexpress, c'est un trajet de 25 kilomètres au départ de la Part-Dieu, et qui dure 30 minutes pour un prix de 23 euros aller-retour. Un prix élevé comparé à des liaisons aéroport-centre ville d'autres villes européennes : seuls Londres et Rome sont plus chers (avec un trajet en train), avec 38 et 28 euros. À Madrid en revanche, l'aller-retour ne coûte que 2 euros pour un trajet en métro. En France, Lyon reste le plus coûteux, devant Paris (17,40 euros en train) et Marseille (8,50 euros en bus).

Source : Sites Internet des aéroports

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