Depuis son évasion spectaculaire à l'explosif, seul et avec prise d'otages, samedi matin 12 avril, de la maison d'arrêt de Sedequin, dans le Nord, le braqueur Redoine Faïd, 40 ans, est toujours en cavale. Interpol a lancé une “notice rouge”, à savoir un mandat d'arrêt international en vue de son arrestation et d'une extradition.
Redoine Faïd est aujourd'hui le braqueur le plus recherché d'Europe.
L'organisation de police la plus importante du monde, Interpol, dont le siège est basé à Lyon (Rhône), est désormais sur les traces de Redoine Faïd, le braqueur le plus recherché d'Europe, du moins l'“ennemi public n° 1 de France”, comme de nombreux policiers l'ont dénommé.
Le braqueur multirécidiviste, qui s'est fait connaître dans les attaques de fourgon blindé, s'est fait la belle, samedi 12 avril, aux alentours de 8h30, de la prison de Sedequin, dans le Nord, à quelques kilomètres à l'ouest de Lille, et à quelques pas de la frontière belge.
D'où la délivrance du mandat d'arrêt international d'Interpol.
Extrait de la notice d'Interpol
FAID, REDOINE.
Wanted by the judicial authorities of France for prosecution/to serve a sentence
Present family name : FAID
Forname : REDOINE
Sex : Male
Date of birth : 10/05/1972 (40 years old)
Place of birth : CREIL, FRance
Language spoken :
Nationality : France
Charges : Vols avec armes commis en bande organisée, tentative de meurtre commise sur militaire de la gendarmerie nationale agissant dans l'exercice ou du fait de ses fonctions et commise en bande organisée, destruction ou dégradations volontaires de biens appartenant à autrui, par l'effet d'un moyen dangereux ou d'un incendie commises en bande organisée, association de malfaiteurs en vue de la commission de crimes, tous ces crimes et délits ayant été commis en état de récidive légale.
Armed robbery committed as a member of an organized gang, attempted murder of an officer of the Gendarmerie Nationale on duty committed as a member of an organized gang, destruction of or wilful damage to property belonging to others using dangerous methods or by arson committed as a member of an organized gang, criminal conspiracy, all committed as a repeat offender.
“La légende, libre à vous de l'entretenir ou pas. Moi, j'entretiens rien du tout”
Cet autodidacte du braquage, originaire d'un quartier de la rue Guynemer, à Creil, dans l'Oise, a commis son premier vol à 6 ans au centre commercial de Creil – “Disneyland”.
Au fil des casses, à 12 ans, il sait qu'il fera du vol son métier.
De braqueur des cités, Redoine Faïd a monté les échelons pour se hisser au faîte de la voyoucratie : les braqueurs. “La ligue des champions du banditisme”,raconte-t-il dans un livre d'entretiens réalisé avec Jérôme Pierrat, en 2010 (Braqueur, éd. La Manufacture de Livres).
“Les braqueurs ont une aura, nous expliquait Redoine Faid, à la sortie de son livre, lors de l'émission On refait l'enquête, enregistrée dans les studios de Lyon Capitale TV. J'étais considéré un petit peu comme un héros.”
“L'aura, c'est la télévision, c'est les journalistes, c'est la justice, c'est les policiers qui vous créent la légende. Après, libre à vous de l'entretenir ou pas. Moi, j'entretiens rien du tout.”
N'empêche, avec son évasion aux explosifs avec prise d'otages (tous relâchés par la suite, sains et saufs) de Sedequin, Redoine Faïd est entré dans la légende, à l'instar d'Antonio Ferrara, le Roi de la Belle, qui s'est fait sortir de la prison de Fresnes par un commando armé en mars 2003.
Après la visite de son avocat, Antonio Ferrara avait refusé la fouille à corps, sachant pertinemment qu'il allait se retrouver en quartier disciplinaire. D'où il s'évadera quelques heures plus tard.
“Aujourd'hui, s'échapper de prison, c'est im-po-ssible”
Fin 2010, avant l'enregistrement de l'émission de Lyon Capitale TV, Redoine Faïdnouds avait glissé texto : “De toute façon, aujourd'hui, s'échapper de prison, c'est absolument im-po-ssible.”
Avril 2013, le “meilleur ouvrier de France du braquage” (France Soir) a réussi l'impensable.
À Lyon Capitale, Redoine Faïd racontait que, “dans le milieu du banditisme, on ne fait pas long feu avec un pois chiche dans le cerveau”.
Il l'a encore une fois démontré.
L'interview de Redoine Faïd
(publiée dans Lyon Capitale de novembre 2010).
Redoine Faïd, ancien braqueur
Entretien. Redoine Faïd, 38 ans, est un ancien braqueur de cités. En liberté conditionnelle, après dix ans passés en prison pour de multiples attaques à main armée, dont des fourgons blindés, sa “spécialité”, il a accepté de revenir sur son parcours pour expliquer ce qui conduit un jeune de cité à plonger dans le banditisme. Un éclairage inquiétant et sans complaisance sur la nouvelle génération de braqueurs issus des banlieues.
Lyon Capitale : Après 10 ans passés en quartier de haute sécurité, quel recul portez-vous sur votre “métier” de braqueur ?
Redoine : Quand tu choisis ce “métier”, justement tu ne choisis pas. Tu y vas par nécessité et parce qu’aussi tu es un fainéant. Seulement, je ne pensais pas que ça allait m’emmener aussi loin. À un moment donné, j’ai voulu m’arrêter, j’avais suffisamment d’argent. J’ai alors réalisé que j’étais dans une spirale infernale, shooté à l’adrénaline des braquages. J’étais devenu dépendant.
Comment passe-t-on du vol de voitures Majorette aux attaques des fourgons de la Brink’s ?
Là où tu passes un cap, c’est quand tu décides de prendre une arme. Et malheureusement, je faisais ça bien... Et quand tu ne te fais pas attraper dans les banques, alors tu gravis les échelons. J’étais conforté dans l’idée de maîtriser n’importe quelle situation. C’est limite un sentiment d’invulnérabilité. Tu es sûr et certain qu’il ne peut rien t’arriver. C’est faux bien sûr.
Où avez-vous appris à braquer ?
La prison, c’est vraiment l’école du banditisme, ce n’est pas un mythe. C’est une boîte d’intérim de recrutement du personnel du banditisme. Il y a des grands caïds qui ont l’œil pour dénicher les bons profils. Moi, vu que je ne suis jamais passé par la case prison, je me suis fait tout seul. J’ai commencé à 6 ans dans les centres commerciaux : bonbons, jouets, BD. Après, avec deux potes, on a tapé des appartements. Jusque-là, c’est simple. Quand tu rentres vraiment dans le gros banditisme, style une banque, excuse-moi mais mis à part le sang-froid que t’as acquis au long des années, c’est chaud. C’est un autre univers. Moi, j’ai tout appris avec le cinéma. À 10 ans, Scarface est sorti. Mesrine (celui de 1984), Point Break, Reservoir Dogs, The Thief, pour le coup un vrai manuel du parfait braqueur. Ça t’apprend ce qu’il faut ou ce qu’il ne faut pas faire : ne pas verser le sang, ne pas tomber dans la came, ne pas traîner avec les grands voyous, ne jamais balancer. Ta vie ressemble à un film. Et Heat bien sûr, de Michael Mann ! C’est carrément un documentaire ! La preuve, c’est que le conseiller technique du film est un ex des unités spéciales d’intervention anglaises. Autant dire que le mode opératoire est donc plus que crédible. Donc, toi, ça te parle, tu prends exemple. Michael Mann, ça a été mon “prof de fac”. C’est simple, si tu enlèves le cinéma, tu as 50 % de délinquance en moins.
Comment vous prépariez-vous pour attaquer un fourgon blindé ?
L’attaque de fourgon blindé, c’est la Ligue des champions du banditisme. C’est un truc de fou, un monde parallèle. C’est le rêve de tout braqueur, les Champs-Élysées ! Il faut fonctionner comme un groupe militaire. On y pense vingt-quatre heures sur vingt-quatre : on dort fourgon, on se réveille fourgon, on mange fourgon, on parle fourgon. Le conditionnement est poussé à l’extrême. Car, là, tu risques ta vie et celle des autres. Mine de rien, tu vas affronter trois gars armés, les convoyeurs, surentraînés et protégés par un “Tank”. Et le but, c’est surtout ne pas se servir des armes. Physiquement, on est au top : jogging, plusieurs fois par semaine, foot entre potes, hygiène de vie : on ne fume pas, on ne boit pas, on dort bien. On a fait trois mois de simulation avec enregistrement vidéo, répétitions à l’infini en extérieur et dans une salle d’un Campanile qu’on avait louée. On se perfectionne à mort. C’est ce qui fait la différence entre un professionnel et un spécialiste. Trois mois pour quatre minutes de travail...
Comment vous procurez-vous le matériel, les armes, les gilets pare-balle ?
On achète des combinaisons de motards aux puces de Clignancourt, des bananes pour mettre les chargeurs de kalachnikov. Pour les gilets pare-balle, on se fait passer pour des journaliste du Figaro en disant que c’est l’assurance qui demande le port d’un gilet. Moi, je suis allé à l’Armurerie de l’Est, celle que Mesrine et Besse ont braquée lors de leur évasion. On prend aussi des bandoulières pour les kalachs, quand il faudra porter les sacs d’argent. Question armes, on avait des Beretta 9 mm, des kalachs avec cinq chargeurs chacun, des grenades, des M16, une mitrailleuse lourde MG 42, un lance-roquette pour impressionner, car de toute façon il faut quatre-vingt mètres de recul. Les armes, il y en a de partout, si tu connais les bonnes personnes, les gros bandits.
Et la peur ?
Le conditionnement et la détermination sont tels que, le jour J, quand le fourgon arrive, tu t’entends presque crier “hourra !” On est contents de le voir, ah ouais, on a la conviction qu’on va lui défoncer la gueule ! Il n’y a plus aucun doute, on est dé-ter-mi-nés ! Personne ne parle et tout se lit à travers le regard des autres. Et là, au moment où tu encastres le fourgon pour l’immobiliser, tu n’entends plus rien. Ton cœur est à 200. Les palpitations tapent de partout. T’as plus de sang dans les veines, t’es froid comme un iceberg. C’est la guerre, la guerre. La planète s’arrête de tourner. Tu es dans une autre dimension.
On dit souvent que les braqueurs agissent sous cocaïne pour se donner du courage...
Dans les cités, c’est sept mecs sur dix qui prennent de la coke. Sur les deux truands avec qui je suis monté, le Malien était sous cocaïne.
Les cités, justement. C’est eux qui tiennent le haut du pavé du grand banditisme aujourd’hui...
C’est clair. Il n’y a quasiment plus de “Gaulois”.
On dit qu’ils sont imprévisibles, n’ont aucune limite.
Les jeunes de banlieue à Lyon n’ont que des avantages : contrairement aux années 80 ou 90, c’est facile de trouver des armes, kalachs, pistolets-mitrailleurs Uzi. Ils sont armés comme à la guerre. Et, s’ils ont accès aux armes, ils ont aussi accès aux explosifs. Deuxièmement, ce sont des grands voleurs de voitures. Des vrais pros. Il faut pas oublier que c’est eux qui ont inventé les braquages au casse-bélier et les go-fast. Après, ils connaissent bien la ville, ils ont des fourgues en veux-tu en voilà. Alors qu’avant il fallait aller à Anvers, à New York, à Tel Aviv. Maintenant, t’as tous les gros dealers des années 90 qui se sont transformés en go-fasters qui ont énormément d’argent et qui rachètent aujourd’hui la marchandise. Ils l’envoient en Tunisie, au Maroc, en Algérie. Ils sont très, très riches.
À Lyon, les attaques de bijouteries sont ultraviolentes. L’ultraviolence, c’est ce qui caractérise la nouvelle génération de braqueurs ?
Oui. À Lyon, les lascars n’ont vraiment pas froid aux yeux. Ils sont hyper courageux et ne manquent pas de culot. Les mecs, ils braquent un bureau de change en pleine journée avec le ministre de la Défense à côté quand même ! Ce sont des malades, de vrais prédateurs qui ne respectent qu’une loi : la leur. Le jour où les Lyonnais vont commencer à faire des essais de fourgons blindés, on ne va rien comprendre. Ça va cartonner dans tous les sens ! À Lyon, les mecs qui sont bons ne sont pas tous de la même cité. Mais ils se connaissent tous. Ils tiennent sacrément la route. Et je vais te dire : pour moi, ils sont numéro 1. Ils ont une mentalité que les Parisiens ou les Marseillais n’ont pas. Ils ne balancent pas, ils ont une “mentale”. Un mec de cité, tu l’as 48h, 96h en garde à vue, il ouvre pas la bouche. Les mecs, c’est Tony Montana en puissance. Ils veulent tout, tout de suite. Et si tu leur barres la route, ils n’hésiteront pas à tirer. Ils ne se rendront jamais. Jamais, c’est net.
Comment travaillent-ils ?
Ce sont des équipes à tiroirs. Elles ne bossent pas ensemble depuis quinze ans. Souvent, il y a un noyau dur d’une ou deux personnes, qui rencontre un autre noyau dur d’une ou deux personnes. Ils s’associent pour faire une affaire, ils font une bijouterie, comme à Lyon, se partagent le magot et ciao !
Comment vous êtes-vous fait arrêter ?
Sur une attaque de fourgon. Ça a merdé. On a mis trop de temps. Les flics sont arrivés. J’ai pris une balle dans l’épaule. Mon ADN est resté sur place et là c’était plié.
On a l’impression que vous avez une certaine nostalgie de cette époque. Vous regrettez ?
En prison, les gamins me prenaient pour un héros. C’est dingue... Bien que je n’aie pas de sang sur les mains, je ne suis pas fier de ce que j’ai fait, et pour rien au monde je ne le referais.