Rédoine Faïd, 38 ans, qui se lançait dans la carrière de conseiller technique sur des films de "voyous", affirmait avoir tourné définitivement le dos à son passé. Je l'ai interviewé il y a une dizaine de jours. Depuis, il a disparu. Soupçonné d'être lié à un braquage ayant coûté la vie à une policière en mai,il a échappé au coup de filet policier du 11 janvier.
"Mes vieux démons sont morts, désormais, je ne m'occupe que de mon présent", répétait-il lors de notre entretien. Celui que la brigade de répression du banditisme a longtemps décrit comme "un véritable caïd des cités" venait tout juste de publier un livre de "repenti" : "Braqueur, des cités au grand banditisme" (éd. La Manufacture de livres).
Mardi 11 janvier, des policiers se sont rendus à son domicile de Courbevoie pour l'interroger. L'opération s'inscrivait dans le cadre de l'enquête sur l'attaque d'un fourgon blindé à Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne) ayant coûté la vie à une policière municipale en mai 2010. Selon des sources policières, si l'ancien voyou n'est pas le principal suspect de cette affaire, il pourrait être lié aux braqueurs.
La fin "d'une vie de merde"
En "cavale", Rédoine Faïd a contacté mercredi son avocat, Me Jean-Louis Pelletier, pour lui expliquer qu'il comptait se rendre prochainement tout en affirmant n'avoir rien à se reprocher. Pour l'avocat, l'implication supposée de Rédoine Faïd dans cette affaire n'a pas de sens. "Rien dans sa nouvelle vie ne me laisse penser qu'il ait pu replonger . Mon client était décontracté, enchanté par la parution de son livre et les nombreuses rencontres et projets qui en découlaient."
Rédoine Faïd expliquait vouloir "officialiser sa retraite" par son livre. Une annonce qu'il adressait tant à la police qu'à ses anciens collègues voyous. La fin d'une existence ainsi résumée : "Trente ans de délinquance, trois ans de cavale et dix ans de détention. Une vie de merde."
Spécialiste du braquage dans les années 90, il était considéré comme la tête de proue de cette nouvelle génération de braqueurs des cités. Arrêté en 1998 après une cavale qui l'aura mené jusqu'en Israël, il a été condamné à 31 ans de prison. Bénéficiant d'une remise en liberté conditionnelle, il était libre depuis 2009. Il avait rapidement trouvé du travail grâce à un ami d'enfance. Depuis près de deux ans, Rédoine Faïd était officiellement cadre commercial dans le bâtiment public.
"Je peux leur montrer ce qu'est l'école du crime"
Il avoue s'être inspiré des films de Michael Mann et Jean-Pierre Melville pour monter ses braquages. Rédoine Faïd commençait à investir le milieu du cinéma en développant une activité de conseiller technique sur les films mettant en scène des délinquants : "Mon expérience peut servir ici. Si les scénaristes veulent s'approcher de la réalité, ils ont besoin d'une expérience comme la mienne. Je peux leur montrer ce qu'est l'école du crime." L'ancien braqueur avait entamé des discussions avec Canal + pour l'écriture d'une fiction et venait également de rencontrer le producteur Thomas Langmann ("Mesrine", "Astérix") et le réalisateur Xavier Gens ("Hitman", producteur de "La Horde").
Mais il refusait d'adapter son livre au cinéma : "Je ne veux pas voir défiler ma vie sur un écran. Ce serait une manière de redécouvrir mon passé." Ces nouveaux projets l'empêchaient jusque-là de tourner en rond et de s'ennuyer. Il parlait de l'ennui comme du "pire ennemi de la réinsertion" : "Je suis un vrai chanceux. Après avoir été fracassé et lobotomisé en prison, toutes les propositions qui me tombent dessus aujourd'hui m'aident à reconstruire ma vie. Si je vivotais, je replongerais. C'est une certitude."
Avoir, ou pas, un téléphone portable
Il raconte qu'à peine sorti de prison certains de ses anciens compagnons de route tentaient de l'embarquer dans de nouveaux coups. Pour couper court avec ses anciennes relations, Rédoine Faïd avait décidé de vivre sans téléphone portable : "Les seuls types qui me pistent aujourd'hui, ce sont les flics spécialisés. Mais avec moi, ils s'emmerdent. Je me protège, je ne veux plus être vu avec un type louche." A la fin de cet interview, Rédoine Faïd confessait malgré tout envisager de reprendre un nouveau téléphone portable, certain d'être bien installé dans sa nouvelle vie. C'était avant de replonger dans la clandestinité.
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On refait l'enquête de Lyon Capitale/Lyon TV :
Rédoine Faïd était l'invité de deux débats "On refait l'enquête", consacrés aux braquages lyonnais.
Si je comprends bien, dans notre bon pays pour trouver un job bien rémunéré, il faut avoir été condamné à 31 ans de placard, n'en faire que 11, avoir un bon métier et de l'expérience, et après, le boulot tombe à gravelotte. Si on nous l'avait dit avant, il n'y aurait pas 500.000 seniors inscrits à Pôle Emploi!