Meriam Rhaiem © Tim Douet_046
@Tim Douet

Retour d'Assia : quand nous avions rencontré sa mère

Hier, dans la nuit, la jeune Assia, 2 ans, a retrouvé sa mère, après 11 mois de séparation. Enlevée par son père, le Lyonnais Hamza Mandhouj, parti faire le djihad en Syrie, elle a atterri cette nuit à l'aéroport militaire de Villacoublay. La mère et la fillette ont été accueillies par Bernard Cazeneuve, le ministre de l'Intérieur. En juin, Lyon Capitale avait rencontré Mériam Rhaiem, la maman d'Assia, chez elle, dans l'Ain. Nous publions aujourd'hui l'intégralité de cet article.

Dans le salon de Mériam, les jeux d’enfant sont toujours présents : un tapis d’éveil, une balancelle…Depuis sept mois, Mériam Rhaiem vit dans l’angoisse de l’absence d’Assia, sa fille de 2 ans. Parti faire le Djihad en Syrie, le Lyonnais Hamza Mandhouj, son ex-mari, a jugé bon d’emmener la fillette, alors âgée de 18 mois, aux côtés des combattants du Front al-Nosra (la branche officielle d’Al-Qaïda en Syrie). Surveillante dans un lycée proche de la frontière suisse, Mériam fait l’objet d’une véritable pression psychologique. “Je reçois des SMS et des messages Internet nuit et jour. Mon ex-mari m’accuse d’avoir abandonné ma fille, d’être une ennemie d’Allah. Un jour, il m’a annoncé la mort de ma fille, puis le lendemain qu’elle avait été blessée gravement. Deux jours après, il m’annonce qu’elle va très bien. Je n’en peux plus…” Un matin, elle reçoit un message anonyme : “Bois beaucoup d’eau, tu vas pleurer.” Des menaces envoyées, d’après elle, par des membres du Front al-Nosra qui n’apprécient guère la médiatisation de l’“affaire Assia”.

Assia ne devait pas jouer avec des poupées ni aller à l'école publique

Le calvaire de cette jeune femme de 26 ans dure depuis de longs mois. “Le 14 octobre, mon ex-mari a demandé à garder notre fille et est parti faire des courses. Je ne me suis pas inquiétée, il venait la voir régulièrement depuis notre séparation, raconte-t-elle. Puis, le soir, il m’a appelée en disant qu’il voulait rester avec elle pour les fêtes de l’Aïd. Là, j’ai pris peur. J’ai filé au commissariat. Mais ils n’ont pas voulu prendre ma plainte : Hamza est son père. Le lendemain, il m’a recontactée en me disant qu’il partait en vacances deux semaines avec Assia. Je suis retournée voir la police en expliquant tout : mes craintes de ne pas revoir ma fille et la radicalisation de mon ex-mari.” Après, tout est allé très vite. En quelques jours, avec sa voiture, Hamza rejoint la Turquie en passant par l’Italie et la Grèce. Fin décembre, il entre, avec Assia, en Syrie. Pourtant, début 2012, rien ne pouvait laisser croire à un tel engagement auprès d’Al-Qaïda. Hamza Mandhouj est un garçon bosseur, il cumule trois boulots : il travaille le jour, la nuit et les week-ends sur les marchés de Lyon. Mais, du jour au lendemain, Mériam, enceinte de huit mois, le voit s’enfermer et surfer de longues heures sur Internet. Petit à petit, il lâche ses différents jobs, traîne à la maison. “Il ne me laissait pas regarder ce qu’il faisait sur Internet, mais j’ai pu voir les vidéos qu’il se repassait en boucle. C’est un amalgame de tout : les discriminations faites aux musulmans, la Syrie comme terre bénie et des réflexions sur le Paradis assuré aux martyrs.” Très vite, Hamza demande à Mériam d’arrêter de travailler. Il estime aussi que sa fille ne doit pas jouer avec des poupées ni aller à l’école publique. “Lorsque Assia a eu 3 mois, je suis partie. J’ai rejoint le pays de Gex, où vivent mes parents. Je voulais qu’Assia ait une enfance normale”, explique Mériam.

"Je ne l’ai pas emmenée à la mort ; c’est Dieu qui fait vivre et mourir”

Aujourd’hui, Assia et son père seraient en Syrie, intégrés à une katiba, un groupe de combattants, mais personne ne sait vraiment où. Le 9 avril, au micro de nos confrères de RFI, Hamza s’est défendu d’avoir pris sa fille en otage : “Assia n’est pas en otage. Dans la religion, il y a ce qu’on appelle la hijra. C’est l’obligation pour tout musulman de ne pas vivre dans un pays non musulman. Donc, moi, j’ai pris ma fille pour la hijra”, justifie Hamza. “Ma fille, je ne la mets pas au-dessus des enfants syriens. Les enfants syriens qui meurent, c’est comme si je voyais mon enfant mourir. Je ne l’ai pas emmenée à la mort ; c’est Dieu qui fait vivre et mourir”, dit-il encore. Recherché par Interpol, Hamza ne compterait pas revenir avec Assia. “Mon ex-mari préfère qu’Assia meure en Syrie en martyre plutôt qu’elle revienne en France, il me l’a dit au téléphone”, assure Mériam. “Je me bats pour que ma fille ait le statut d’otage. Que l’État français fasse quelque chose. C’est la plus jeune otage au monde”, se désespère-t-elle.

Heureux dénouement

Ce matin, à l'aéroport de Villacoublay, Bernard Cazeneuve a salué l'action de la Turquie dans cette opération et de son homologue. "Nous nous sommes entretenus de la situation et les autorités turques ont fait tout ce qu'elles pouvaient pour que ce dénouement heureux soit possible", a-t-il déclaré. Après s'être entretenu avec Mériam Rhaiem, le ministre de l'Intérieur a ajouté : " Je peux vous dire l'immensité de sa joie et de son soulagement après le combat admirable qu'elle a mené avec le gouvernement français à ses côtés".

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