Avril 2004, deux filles de 14 et 17 ans meurent dans l’incendie de leurs caravanes. Ce drame et les conditions de vie des Roms des bidonvilles émeuvent. Le préfet fait même le déplacement sur le terrain vague de la rue de Surville. Lors des obsèques, l’archevêque de Lyon, Mgr Philippe Barbarin, lance un appel aux pouvoirs publics en faveur des Roms : “Le drame qui s’est produit dimanche est un drame de l’indifférence. On a fermé les yeux, nous n’avons pas été à la hauteur et j’en ai honte”. On entend “plus jamais ça”.
Octobre 2009, les Roms squattent de nouveau le terrain aux confins de Lyon et Saint-Fons, dans le 7e arrondissement. Pour être précis, ce terrain est squatté pour la troisième fois puisqu’une soixantaine de personnes (dont trente enfants) avaient déjà dressé des abris de fortune il y a un an, avant d’être expulsées. À cette occasion, une étude des sols avait révélé la présence de métaux lourds. Trois cas de saturnisme avaient été déclarés. Pourtant, les Roms reviennent.
Chassés des squats et bidonvilles, à Chassieu, à Vénissieux, à Vaulx-en-Velin, à Oullins, ils investissent d’autres bâtiments vides ou d’autres terrains vagues. Arrêtés par la police, expulsés vers la Roumanie, ils reviennent. “Leurs conditions de vie se dégradent mais ils restent en France, à Lyon comme dans d’autres grands centres urbains”, soulignent les militants associatifs réunis au sein du collectif “Rrom”*.
Le retour à Surville signe donc l’échec de la politique du bâton pour éradiquer les squats et bidonvilles qu’on avait supprimés à la fin des années 70. Pourtant, l’État persiste et signe.
L’échec de la politique du chiffre
En charge de l’hébergement d’urgence, l’État, à travers le préfet, serait censé trouver des solutions. En visite à Lyon, le 2 octobre, le secrétaire d’État chargé du logement Benoist Apparu a évacué le problème : “c’est une compétence du ministre de l’Intérieur. Mais il est sûr que les Roms n’ont pas vocation à rester chez nous. Ils peuvent résider en France pendant une période de trois mois, en tant que résidents de l’Union Européenne. Après, il faut trouver une solution pour en renvoyer la majorité chez eux, en Roumanie”. Circulez (en Roumanie), il n’y a rien à voir. Pour appuyer cette politique “sociale”, toutes les interventions du préfet sont là pour rappeler que “les Roms ne veulent pas travailler” et, dernièrement, “qu’ils sont responsables de l’augmentation de la délinquance”. Il faut rappeler que 30% des personnes expulsées en 2008, “bénéficiant” de l’aide au retour humanitaire sont roumaines et bulgares, et parmi elles une grande majorité est d’origine rom. Ceci explique peut-être l’empressement qu’a le préfet Jacques Girault à dénoncer le dispositif qui avait vocation à reloger les Roms et que son prédécesseur avait lancé.
Peur de Collomb
Chassés de squats en bidonvilles, sur différentes communes de la communauté urbaine, les Roms circulent. Le Grand Lyon est donc contraint de se saisir de la question. En 2006, poussé par le préfet de l’époque et sur les fonds de la préfecture, le Grand Lyon avait contractualisé avec l’association Action pour l’insertion par le logement (Alpil) la “recherche de solutions de relogement”. L’association avait notamment proposé l’installation de mobil homes sur un terrain, à l’image de ce qui se pratique dans d’autres villes.
Dès le changement de préfet, Collomb s’était aligné sur l’avis de la préfecture : surtout ne rien faire pour les Roms. Le maire de Lyon est en effet persuadé que s’il accueillait correctement les 600 à 800 personnes que l’on recense dans les squats et bidonvilles de l’agglomération, des milliers d’autres Roms viendraient. Ce discours suffit à justifier la plus complète inaction. En décembre 2008, le Grand Lyon annonçait en effet vouloir “réunir les partenaires au printemps 2009”. En octobre, cette réunion n’a toujours pas eu lieu. Quand, à Lille et Nantes, on met des mobil homes pour accueillir en urgence les “habitants” des bidonvilles, à Lyon on préfère continuer à expulser. Quelques élus dont la maire du premier arrondissement Nathalie Perrin-Gilbert (PS) ou le maire de Chassieu, Alain Darlay (PS) essayent de défendre une autre vision de l’accueil des Roms qui s’inspirerait des expériences socialistes. Mais pour l’instant leur voix reste inaudible. Jusqu’aux prochains morts ?
*Le collectif Rrom regroupe plusieurs associations dont l’ALPIL, Médecins du Monde et Classes
Article paru dans le numéro 683 du mensuel Lyon Capitale