POLÉMIQUE - Comptes en Suisse, redressement fiscal, marges de plusieurs millions d’euros : le dossier du déménagement de la clinique du Parc est à lui seul le Petit Illustré de l’affaire immobilière opaque. Jean-Christophe Larose, promoteur immobilier, et Jean-Jacques Lalain, le PDG de la clinique du Parc, apparaissent à tous les étages de l’opération. Retour sur une enquête publiée dans le mensuel de septembre de Lyon Capitale.
Au moment où nous nous penchons sur le dossier, la brigade financière de la police judiciaire de Lyon enquête depuis deux ans sur la vente des anciens locaux de la clinique du Parc et l’achat des nouveaux bâtiments de cette structure médicale privée. Un temps menacées de clôture, les investigations des enquêteurs ont été prolongées dans l’attente de nouveaux témoignages. Une affaire sur laquelle plane le spectre d’un présumé abus de confiance et d’une éventuelle évasion fiscale. Deux personnages ressortent du dossier : Jean-Christophe Larose, patron du groupe Cardinal (le promoteur immobilier qui a construit les nouveaux locaux de la clinique), et Jean-Jacques Lalain, le PDG de la clinique du Parc. Ils interviennent à chaque étape de l’opération et réalisent immanquablement des plus-values. Les médecins de la clinique du Parc apparaissent, eux, comme les dindons de la farce.
Un projet qui remonte à 2003
L’affaire commence en 2003, quand Jean-Christophe Larose est présenté à Jean-Jacques Lalain par Jean-Michel Porte, ancien directeur régional de la Sogelym-Steiner. À l’époque, le groupe Cardinal fait ses premiers pas dans la promotion immobilière. Jean-Christophe Larose, débutant dans ce milieu, s’associe avec Jean-Michel Porte. Ce dernier, lors de son passage à la Sogelym-Steiner travaillait déjà avec Jean-Jacques Lalain sur un projet de construction d’une nouvelle clinique du Parc. Sorti de la Sogelym-Steiner, Jean-Michel Porte emporte l’idée avec lui et la souffle à son nouvel associé, Jean-Christophe Larose. Les négociations aboutiront rapidement. Cardinal construira la nouvelle clinique. À Jean-Jacques Lalain de trouver les financements par la vente des actifs de la clinique du Parc situés boulevard des Belges.
Les médecins vendent à perte
Comme la plupart des établissements privés de santé, la clinique est la propriété des médecins qui détiennent des parts sociales. Les murs du bâtiment appartiennent, sur le même modèle, à un conglomérat de praticiens. En 2003, Jean-Jacques Lalain réussit à convaincre ses confrères et associés de vendre leurs parts afin de construire une nouvelle clinique. Actionnaire le plus important avec Laurent Barba, il gère le dossier en direct. Au printemps 2003, il annonce avoir trouvé un investisseur : une société suisse, Klinik’Investor. Cette société, basée dans le canton de Fribourg, reste aujourd’hui un mystère pour les médecins de la clinique du Parc. Le droit fribourgeois permet en effet à une entreprise, si elle le désire, de ne pas dévoiler l’identité de ses gérants et investisseurs. Les praticiens du Parc vendent donc leurs actions à des inconnus. Tout juste entendent-ils dire que Klinik’Investor souhaite se lancer dans le monde médical. Ils ne s’étonnent pas non plus de vendre leurs parts à un intermédiaire : la holding du Parc, une société codétenue par Jean-Jacques Lalain et Laurent Barba. Klinik’Investor investira sur une filiale de la holding du Parc.
Le rôle de cette société intrigue à l’époque les médecins ; mais, incités par Jean-Jacques Lalain, ils acceptent la proposition de rachat. “Les médecins sont libres. Ils ont vendu leurs actions pour toucher de l’argent”, nous a déclaré Christian Avet, avocat de Jean-Jacques Lalain. Toutefois l’argent de la vente n’est pas celui espéré par les médecins. “Nous avons vendu nos actions à 50 % de leur valeur nominale. On nous avait dit que l’on ne pourrait pas en tirer plus. À l’époque, le loyer au Parc était très cher et on s’est dit : ouf ! Les médecins ne sont pas de bons gestionnaires et, à l’époque, nous étions vraiment inquiets”, se souvient un chirurgien. “Nous avons vendu des locaux boulevard des Belges, à un prix deux fois inférieur à celui de l’achat quinze ans auparavant”, regrette un médecin qui a depuis quitté la clinique du Parc. En dix ans, les actions de l’entreprise médicale ont perdu la moitié de leur valeur.
La clinique du Parc, établissement de santé le plus réputé de Lyon, ne valait à l’époque que 6,8 millions d’euros, murs et actions compris. Quelques mois plus tôt, un autre investisseur se serait manifesté. Il aurait proposé une somme d’argent plus conséquente mais ne prévoyait pas de garder le duo Lalain-Barba à la tête de la clinique. “Jean-Jacques Lalain nous a dit que l’offre était tombée à l’eau, mais sans nous donner plus de raisons”, raconte un médecin. Le plan de Klinik’Investor propose lui le maintien du PDG et de son directeur général afin d’assurer la continuité et de “préserver la motivation” des médecins. Un rôle qu’ils accompliront, et pour cause : eux n’ont pas vendu leurs parts sociales. Jusqu’en 2011 et la vente à la Compagnie Stéphanoise de Santé (C2S), ils conservent donc des parts dans la société.
Un montage qui passe par la Suisse
Très vite, Klinik’Investor va revendre les locaux à la société SAN Parc. Derrière cette entreprise, on retrouve Jean-Christophe Larose, Norbert Richard – un de ses associés – et, dans les coulisses, Jean-Michel Porte. Pour une somme estimée, d’après nos informations, à 4 millions d’euros, SAN Parc rachète le bâtiment de la clinique du Parc, boulevard des Belges. SAN Parc revendra quelques mois plus tard ces murs, sans avoir procédé à des travaux, à la SACVL pour 8,4 millions d’euros. Une jolie culbute. La SACVL estime pourtant avoir réalisé une bonne opération. “Il s’agissait de bâtiments boulevard des Belges”, se rappelle Gérard Klein, l’ancien directeur général de la SACVL, qui a supervisé l’achat à SAN Parc.
L’enquête de la justice fera apparaître des irrégularités dans le montage de l’opération de vente de l’ancienne clinique du Parc. Un redressement fiscal de deux millions d’euros sera imposé à SAN Parc. “Le problème est fiscal. Une entreprise a acheté pour 50 en Suisse et revendu 100 à la SACVL. Le différentiel de prix était trop élevé. Sur cette opération, il y a eu un montage officiel et un officieux. Et le prix de la SACVL est le montant réel du bien. Une partie du paiement a été cachée au fisc. L’enquête fiscale a conclu à un problème. Pour fraude fiscale, seule l’administration fiscale peut porter plainte et dans cette affaire leur intérêt devait plutôt être de se faire payer. Il n’y avait donc rien de pénal”, résume une source judiciaire proche du dossier. Le contrôle fiscal de cette transaction s’est clos en 2007. Jean-Christophe Larose nous a assuré ne jamais avoir eu recours à des flux d’argent transitant par la Suisse sur ce dossier. Les deux millions d’euros qu’il a dû verser au fisc sont pour lui conséquence d’une erreur d’“évaluation des stocks”, et il ajoute : “Les problèmes sur cette enquête viennent de la clinique du Parc.” Me Christian Avet, l’avocat de Jean-Jacques Lalain, nous a confié lui que l’origine du contrôle fiscal était imputable au groupe Cardinal et non à la clinique.
Il ne reste plus qu’à construire
Avec la marge réalisée lors de la revente à la SACVL, Jean-Christophe Larose passe à la deuxième phase : la construction d’une nouvelle clinique. Il achète – toujours par l’intermédiaire de SAN Parc – au Grand Lyon, à la SERL et aux Hospices civils de Lyon un terrain vague qui servait de parking, boulevard de Stalingrad, dans le 6e arrondissement. La clinique du Parc est domiciliée à cette adresse aujourd’hui. “Le Grand Lyon a vendu à Larose à un prix correct grâce à l’intervention d’Alexis Perret”, se rappelle un proche de Jean-Christophe Larose. “Nous avons acheté au prix fixé par le service des domaines. Et puis il s’agit d’un terrain que nous avons acheté sans réserve”, précise Jean-Christophe Larose. Alexis Perret est un ami de longue date de Jean-Christophe Larose. À l’époque, il est chargé de mission auprès de Gérard Collomb à la communauté urbaine, mis à disposition par la Caisse des dépôts et consignations. Au milieu des années 2000, la clinique du Parc présente un petit enjeu politique : elle a failli déménager sur d’autres communes de l’agglomération.
Enchantée de la voir rester sur son territoire, la Ville donnera très rapidement les permis de construire pour le 155 boulevard de Stalingrad, permettant ainsi une inauguration en 2007, en pleine campagne municipale. Le terrain vague est revendu à la SI Parc, une société civile immobilière qui réunit la Caisse des dépôts et consignations, la société Medimmo (propriété de Christian Avet, l’avocat de Jean-Jacques Lalain) et l’entreprise JC Pierre, qui appartient à Jean-Christophe Larose et à Pierre Moulinier, son avocat. Le patron du groupe Cardinal nous a aussi affirmé que Jean-Jacques Lalain fait partie de la société Medimmo. Une information que n’a pas voulu confirmer Me Avet qui s’est retranché derrière le secret professionnel. Sur la vente des terrains, Jean-Christophe Larose ne réalisera pas de marges importantes. Mais une autre manne l’attend. Le groupe Cardinal est logiquement choisi comme promoteur immobilier pour construire la nouvelle clinique du Parc, boulevard de Stalingrad. L’entreprise, qui apparaît publiquement pour la première fois, signe une opération qui lui rapportera 3,7 millions d’euros.
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Une culbute sur les parts sociales
Les médecins avaient revendu leurs parts sociales, en même temps que les murs de l’ancienne clinique du Parc, à la holding du Parc dont les actionnaires à l’époque de la vente, en 2003, sont Jean-Jacques Lalain et Laurent Barba. L’opération s’effectue contre 4 millions d’euros. En 2011, la holding du Parc et ses filiales, notamment la SAS Clinique du Parc, est revendue à la Compagnie stéphanoise de santé (C2S) pour un montant estimé entre 17 et 20 millions d’euros. Une jolie culbute que Laurent Barba et Jean-Jacques Lalain partageront avec Klinik’Investor. Elle s’explique par le faible prix d’achat et aussi par le déménagement boulevard de Stalingrad. Les locaux sont plus grands et le chiffre d’affaires a augmenté : une vingtaine de millions d’euros en 2010. Il s’agit de la dernière plus-value réalisée, puisque la C2S détient désormais l’intégralité des parts sociales de la clinique du Parc et de sa holding. Jean-Jacques Lalain reste toutefois président de la société.
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Légende
• Photo 1 : Le déménagement de la clinique du Parc du boulevard des Belges au boulevard de Stalingrad a fait l’objet d’un montage qui intéresse la brigade financière.
• Photo 2 : Jean-Jacques Lalain, PDG de la clinique du Parc.
Toutes ces personnes sont écoeurantes, petits et grands arrangements entre amis, corruption active ou passive.... ensuite on vient donner des leçons d'économie aux Français en les culpabilisant.
intéressant effectivement et juste un peu compliqué sans schéma... Des histoires de ce type doivent être courantes et on comprend que le citoyen ordinaire ait des difficultés à parler patrimoine historique avec les élus....