Décryptage – Au lendemain de l’horrible drame de Saint-Priest, les premières interrogations sur la personnalité du père se posent. Comment peut-on être capable de tuer ses propres enfants ? Ce’est la première question qui nous vient à l’esprit, selon le professeur Daniel Zagury, psychiatre spécialiste de psychopathologie, expert auprès de la cour d’appel de Paris.
L’homme, âgé de 48 ans, a été mis en examen pour “homicides volontaires” après avoir avoué le meurtre de ses deux enfants. L’instruction devrait permettre d’en savoir plus sur les circonstances du drame. La préméditation n’a pas été retenue par le parquet.
Un Britannique sans emploi
Selon nos informations, l’homme était d’origine britannique, du Gloucestershire précisément. Sans emploi depuis longtemps, il avait enchaîné les petits boulots, notamment de livreur. “Le divorce se passait très mal”, nous confie une source policière. En 2010, suite à des violences envers son ex-épouse, la justice lui avait retiré son droit de garde seul, à son domicile. “En revanche, il n’a jamais de gestes violents envers ses enfants”, précise une source judiciaire.
Selon le témoignage d’un ancien voisin, cité dans Le Progrès, l’homme était porté sur l’alcool. Dans l’immeuble, peu de gens ont souhaité s’exprimer sur son comportement, sans doute bouleversés par ce drame.
“L’égorgement est rare et d’une extrême violence”
Comme le précise le parquet, l’instruction doit permettre d’établir les circonstances du drame. Selon les premières auditions du présumé coupable, lorsque son ex-épouse a sonné à son domicile pour récupérer les enfants, il a aussitôt pris un couteau de cuisine. Il s’en est pris à sa fille, puis à son fils de 10 ans. “Il décrit les faits de manière très factuelle, il n’y avait pas de regrets”, précise une source policière. “L’égorgement est un mode opératoire très peu fréquent et d’une extrême violence”, observe Daniel Zagury, psychiatre spécialiste de psychopathologie, expert auprès de la cour d’appel de Paris. La préméditation n’a pas été retenue mais, si l’enquête l’établit, elle sera alors notifiée.
La vengeance comme mobile ?
L’homme aurait donc agi par vengeance, un mot qui revient beaucoup dans les propos de nos différentes sources. “Il voulait atteindre la mère, plus que la tuer elle, c’est tuer les enfants…”, soupire un des enquêteurs.
Le psychiatre Daniel Zagury nous éclaire un peu plus sur les motivations qui poussent un père ou une mère à commettre de tels actes. La plupart du temps, on assiste à un suicide accompagné. “En général, dans un contexte dépressif grave, suite à une séparation notamment, le parent tue ses enfants, voire le conjoint, puis se suicide”, décrit l’expert auprès des tribunaux de Paris. “Si le processus du suicide est interrompu, le parent nous explique qu’il fallait qu’il tue ses enfants pour ne pas les laisser seuls sur terre…”, ajoute-t-il.
Le syndrome de Médée
Dans un autre cas, “nous pouvons assister au syndrome de Médée, continue le psychiatre. Le parent tue pour faire souffrir l’autre. Nous sommes dans une logique narcissique : l’enfant n’a pas de vie à part entière, il devient juste un moyen d’atteindre l’autre.” Dans la mythologie grecque, Médée a tué ses propres enfants pour se venger de Jason, parti en épouser une autre.
Plus généralement, le complexe de Médée consiste à manipuler les enfants et à leur faire perdre toute considération pour l’autre parent. “Dans tous les cas, poursuit le psychiatre, nous assistons au drame du divorce, avec la culpabilité de celui qui reste vivant de ne pas avoir empêché la tragédie.”