Le festival L’Original fête ses 10 ans. À anniversaire exceptionnel, procédure exceptionnelle : selon un calendrier un peu lunaire et logiquement peu académique, c’est 28 jours après la clôture du festival qu’on en mangera le plat principal (garanti sans cheval, mais 100% sauvageon). Mais ça vaut le coup d’attendre.
En dix éditions, en comptant celle-ci, le festival L’Original a su réaliser ce qui semblait presque impossible en 2004 : 1°) organiser un véritable événement dévolu à l’esthétique hip-hop sous toutes ses formes ; 2°) le pérenniser dans le temps ; 3°) le développer sérieusement sans en faire un monstre de foire ; 4°) en faire un élément incontournable et néanmoins habituel du paysage culturel lyonnais.
Symbole de cette réussite : le street day, devenu une vaste kermesse hip-hop où l’on peut croiser son voisin et la boulangère (celle qui aime le rap et le skate, le streetball et le graf ’ – il y a des boulangères comme ça).
Tout cela n’était pas gagné, mais JM Mougeot et son crew y sont parvenus à force d’inspiration, de persuasion et d’un sens de l’organisation aiguisé. Au point qu’on puisse même se permettre de faire la fine bouche d’une année sur l’autre comme pour n’importe quel autre événement lyonnais, sans avoir à se dire qu’après tout on est déjà bien content qu’il existe. Et ça, c’est devenu un luxe.
Ennemi public
Ce ne devrait guère être le cas cette année, puisque L’Original convoque un très honnête casting à l’éclectisme toujours imparable : des Psy4 de la Rime à l’as de la rime et de l’ambiance jazz Oxmo Puccino, du croiseur de tendances et de racines Cody ChesnuTT au comic MF Doom, de la révélation lyonnaise Kacem Wapalek au précieux Rocé.
Un bien beau défilé, dont on fermera le rideau le 1er avril, mais pour le rouvrir donc le 28 (entretemps on fera comme si le festival ne s’était pas arrêté en regardant ailleurs d’un air détaché) avec la venue, ou plutôt le retour en terres originales, cinq ans après leur premier passage, de l’alpha et l’oméga du rap américain : Public Enemy, toujours emmené par Chuck D et cet éternel ado attardé de Flavor Flav’, sans doute l’inventeur de l’attitude hip-hop, aux côtés duquel un Booba ou une Fouine ne sont que de gentils animaux domestiques.
Bref, des types qui ne rappent pas avec du 22 long rifle dans les sous-sous-préfectures du Val-de-Marne pour devenir ennemis publics de la bande FM. Car, quand on est un festival de hip-hop qui a pignon sur street, il est bon de rappeler par certaines vérités scéniques que le rap, ce n’est pas QUE du cinéma.
Festival L’Original. Du 28 mars au 1er avril.
Public Enemy + Kery James. Le 28 avril, à 19h, au Transbordeur (Villeurbanne).