Cette année, les artistes sélectionnés pour la Biennale d’art contemporain de Lyon ont porté leurs réflexions sur “La vie moderne”. Visite des installations à la Sucrière, au milieu des écrans.
“Bienvenue dans la vie moderne”, c'est le début de l'hymne créé par Marinella Senatore, pour la Biennale d'art contemporain de Lyon. Au rez-de-chaussée, dans une cage de verre, des visiteurs sont scotchés devant un écran plat sur lequel tournent des vidéos célèbres du Net : une machine qui se désosse petit à petit en plein cycle, un bodybuilder qui éclate une pastèque entre ses cuisses et des mangas plus qu'érotiques.
Ralph Rugoff, le commissaire invité de la Biennale, directeur de la Hayward Galerie à Londres, voit la vie moderne ainsi : “Des artistes qui parlent de la vie d'aujourd’hui tout en explorant le temps entre le passé et le présent”, explique-t-il dans Télérama.
Une inspiration cathodique et numérique
Plus loin, un garçon d'une dizaine d'années ne décolle pas ses rétines d'une sculpture étonnante : une pieuvre aux 10 écrans plats qui diffusent sans arrêt des images collectionnées sur Internet. Par cette installation, l'artiste chinoise Guan Xiao pose la question de la surexposition volontaire aujourd'hui.
Puis on entre dans un labyrinthe de bureaux, un open space avec ses box aux parois grises dignes d'une série américaine. Sur chaque table, reproduite à l'identique, un écran projette des vidéos sur la pathologie psychiatrique, choisies par l'artiste Kader Attia dans son œuvre grandeur nature, Les Oxymores de la raison.
Thierry Raspail, le directeur artistique de la Biennale, analyse la modernité actuelle comme “une mondialisation galopante, qui a su nous imposer son univers de flux permanents se propageant dans tous les sens : réseaux numériques, finance, technologies, matériaux, migrations. Ces flux ont créé un nouvel épisode de la success story moderne.”
La sortie de l’usine revisitée
Pour cette 13e édition de la Biennale, les artistes ont souvent pris en considération la ville de Lyon, en jouant sur ses codes sociaux et culturels. “Il y a beaucoup d'ironie, d'humour et de décalage dans cette Biennale, ce qui rend le sujet moins plombant que certaines années”, lâchait Georges Képénékian, le premier adjoint au maire de Lyon, délégué à la culture, en sortant de l'exposition à la Sucrière mercredi soir.
À l'étage, Georges Képénékian venait de voir le travail de l'artiste turc Ahmet Öğüt. Dans une salle sombre, de vieilles machines à coudre n'attendent que d'être actionnées pour enclencher la projection d'un remake du premier film des frères Lumière, La Sortie de l'usine, tourné à Lyon en mars 2015. De petits écrans sont installés près de la roue et, sur un mur, le film est projeté pour tous. Dans cette version, les ouvriers montrent des logos d'entreprises, parfois locales, à l'écran. Par cette installation, Ahmet Öğüt joue avec les codes de la société du spectacle tout en dénonçant la misère des ouvriers de l'industrie du textile en reconversion, qui arborent un T-shirt “100 % sans patron”.