Après Jean-Paul Belmondo l’an dernier, c’est un tout autre genre de créature cinématographique qui ouvre en grande pompe le 6e festival Lumière (du 13 au 19 octobre à Lyon). Faye Dunaway, éternelle interprète de L’Affaire Thomas Crown, de Portrait d’une enfant déchue et de Chinatown présente le film qui l’a révélée et a contribué à (re)faire l’histoire du cinéma : Bonnie & Clyde, d’Arthur Penn.
La soirée d’ouverture du festival Lumière est quasiment devenue une tradition en cinq éditions. Un film surprise (la salle – pourtant l’immense halle Tony-Garnier – est complète avant même que le premier spectateur apprenne le titre du film projeté, un comble pour un festival de cinéma). Et un invité d’honneur. Une invitée en l’occurrence cette année, en la personne de la mythique Faye Dunaway.
C’est bien sûr Bonnie & Clyde que l’actrice américaine vient présenter. Un film qui à la fois révéla Faye Dunaway à la face du monde, laissant pour l’éternité dans nos regards la persistance rétinienne de la moue boudeuse de Bonnie Parker, et marqua un tournant dans le cinéma américain.
Nouvel Hollywood
Signé Arthur Penn (Le Gaucher, La Poursuite impitoyable), qui redirigera Dunaway dans un autre de ses très grands films, Little Big Man, et tourné sur les lieux mêmes des crimes du célèbre couple de malfaiteurs, Bonnie & Clyde est non seulement un film culte mais aussi considéré à bien des égards comme ayant posé, avec Le Lauréat de Mike Nichols, la première pierre de l’édifice du Nouvel Hollywood, véritable révolution copernicienne du cinéma américain. Un bouleversement total non seulement du système des studios mais aussi de l’esthétique des films américains, sous l’égide de deux générations de cinéastes (Rafelson, Friedkin, Coppola, Bogdanovich... puis Spielberg, Scorsese, De Palma, Lucas...).
Sexe et violence : transgression de deux tabous
Cette révolution passe notamment par la destruction de deux tabous hollywoodiens : le sexe et la violence graphique. La scène de mise à mort de Bonnie & Clyde (car, oui, Bonnie et Clyde meurent à la fin, ceci n’étant en rien un spoiler) est ainsi l’une des plus violentes de l’histoire du cinéma et à l’époque totalement inédite.
Faye Dunaway, tout comme son partenaire Warren Beatty, grand séducteur devant l’éternel mais aussi producteur du film, sera nominée aux Oscars, mais c’est finalement le second rôle Estelle Parsons qui repartira avec la statuette. Avant que Dunaway n’accepte, une demi-douzaine d’actrices, dont Natalie Wood et Jane Fonda, avaient refusé le rôle.
Oscar et Razzie
L’actrice enchaîne ensuite une invraisemblable série de chefs-d’œuvre, parmi lesquels L’Affaire Thomas Crown de Norman Jewison, L’Arrangement d’Elia Kazan, Little Big Man donc, Portrait d’une enfant déchue de Jerry Schatzberg, Chinatown de Roman Polanski, Les Trois Jours du condor de Sidney Pollack, et voit en quelque sorte sa carrière culminer avec l’obtention en 1977 de l’Oscar pour l’un de ses films préférés, Network, main basse sur la télévision, d’un autre immense cinéaste : Sidney Lumet.
Dans les années 1980, sa carrière décline à force de mauvais choix (elle obtient même deux Razzie Awards, les Oscars de la nullité, dans la décennie, mais aussi deux Golden Globes, comme quoi...). Dunaway opère pourtant un retour spectaculaire dans le cinglé Arizona Dream d’Emir Kusturica, dans lequel elle séduit la révélation Johnny Depp. Un film qui, si sa carrière est alors loin d’être achevée, lui permet de boucler la boucle de cette révolution cinématographique, l’incroyable ouverture hollywoodienne dont elle contribua à élargir la brèche, par la grâce d’un talent singulier et un physique certes avantageux mais hautement atypique – quelque chose d’un charme reptilien totalement inédit et qui fera date.