Mourad Merzouki persiste et signe ce mois-ci les 10 ans d’un festival hip-hop dont le public ne cesse de croître, avec des spectacles qui dessinent le territoire d’une danse en pleine évolution, capable de révéler des artistes.
Depuis son lancement à l’espace Albert-Camus, le festival Karavel s’est étendu pour élargir son public. Cette année, 11 lieux de l’agglomération lyonnaise accueilleront les 26 compagnies programmées dans ce partage hétéroclite de la danse.
Mickaël Le Mer revient avec Traces, une pièce sur la mémoire des corps qui creuse l’histoire de chacun des trois interprètes à la recherche d’un travail purement émotionnel comme il sait le faire, utilisant aussi la virtuosité des danseurs.
Présent au festival pour la première fois, Babacar Cissé, qui a collaboré notamment avec Kader Attou et Hervieu-Montalvo, s’attaque aux similitudes entre le modèle social des loups et celui des hommes : il aborde la notion de pouvoir au cœur d’une meute et s’inspire de la maxime “L’homme est un animal pour l’homme” pour explorer la violence, la dynamique et l’animalité des individus.
Aurélien Kairo voit grand en évoquant Nietzsche et ses concepts philosophiques (le ressentiment, la volonté de puissance, la décadence et l’éternel retour), un spectacle qu’il mène comme une enquête introspective spirituelle.
On ira respirer avec la légèreté et la fougue de notre Pockemon Crew lyonnais et sa dernière création, #Hashtag 2.0 ou le symbole de la démesure. La pièce interroge la folie numérique qui envahit notre quotidien en lançant cette phrase en préambule : “Si tu ne tagues pas, tu n’existes pas !”
Karavel nous permettra aussi de revoir Résistances d’Abdou N’gom, créé cette année à la Maison de la danse : un beau travail sur des situations de résistance et d’oppression dans notre monde actuel et celui d’hier, que le chorégraphe avait magnifiées dans de superbes duos contemporain/hip-hop ; ceux-ci palliaient une écriture d’ensemble manquant de précision mais qui sera certainement aboutie avec la nouvelle version présentée.
2 pièces immanquables
En 2013, Kader Attou crée The Roots, une des plus belles pièces de l’histoire du hip-hop, portée par de magnifiques interprètes et une écriture sensible. Depuis, elle ne cesse de tourner à travers le monde et se pose pour notre grand plaisir au Radiant de Caluire. Il y a juste à y courir !
En 2015, Nawal Lagraa a relevé haut la main le défi de créer Do You Be avec huit jeunes femmes qui pratiquent tous types de danse (africaine, hip-hop, jazz, contemporain...). La chorégraphe les a fait travailler sur l’énergie et des états de corps et de danse. Une proposition réussie avec une écriture intense et féminine (reportage et portfolio ici). On espère que Nawal Lagraa transformera cet essai dans une nouvelle pièce avec des professionnels.
Des surprises et un bal !
On citera encore deux créations annoncées comme surprenantes. La première, Index de la compagnie Pyramid, déroule un spectacle burlesque mêlant hip-hop, mime et détournement d’objets. Cinq interprètes se retrouvent dans un salon où trône une immense bibliothèque qui devient prétexte à un jeu autour du livre – utilisé comme un véritable élément scénographique, sonore et olfactif, il devient objet de création artistique et d’ouverture sur le monde.
La seconde, Itinéraire bis de Nabil Ouelhadj, est conçue comme une déviation chorégraphique pour six passagers, un autoradio vivant et une camionnette qui devient l’espace de danse des interprètes. Sur fond de création musicale et visuelle associant le beatbox et le mapping, elle nous entraînera dans les petites histoires de voyage qui pimentent nos vies.
Karavel est, comme les années précédentes, ponctué d’autres événements, notamment une soirée de shows chorégraphiques et un plateau partagé par les compagnies Amnesia, Ruée des Arts (Hafid Sour) et BurnOut (Jann Gallois). On n’oubliera pas le bal des dix ans, mené par Mourad Merzouki et les danseurs de Pôle Pik, qui seront tous là pour apprendre au public mille et une danses !