Depuis plus de trente-cinq ans, Metallica occupe le haut du pavé metal, dont il est l’un des plus gros vendeurs de disques et de billets, et surmonte toutes les avanies artistico-économico-humaines grâce à sa capacité à s’adapter et à se transformer sans se renier. Rendez-vous à la halle Tony-Garnier ce mardi en attendant de les voir plus haut.
Il y a quelques mois, Metallica déclarait vouloir jouer un jour dans l’espace. Une idée qu’ils ne sont pas les premiers à avoir (Muse est déjà sur le coup – virtuel – et il n’y aura pas de place pour tout le monde dans la navette) mais qui étonne peu. Car voilà un groupe qui, derrière les tatouages et le headbanging, est passé maître dans l’art du marketing, publiant en 2008, pour l’album Death Magnetic, un précieux coffret baptisé Mission Metallica (déjà, ça sentait l’espace) avec carte de membre numérotée, accès au site Missionmetallica.com dédié au disque : téléchargement prépayé, infos sur la vie du groupe, concours, concerts exclusifs, produits dérivés. Bref, tout ce qui permet au fan de se sentir membre d’une communauté fermée, donc en mission (prix d’entrée : 130 euros pour le modèle gold, quand même). Dans le jargon, on appelle ça un produit d’attente, moyen de faire monter la sève du fan chauffé à blanc sans qu’il explose.
Darwinisme
Rebelote ou presque l’an dernier avec Hardwired… to self-destruct, pour lequel Metallica proposait via l’application mobile de Spotify un documentaire en quatre parties sur les jeunes années de Metallica et sur Youtube l’ensemble de l’album avec un clip pour chaque titre. Quelques mois auparavant, le groupe en diffusait sur son site un extrait de… quinze secondes. C’est que l’auteur de Master of Puppets (1986) a su se faire marionnettiste des exigences mercantiles et réalités économiques de son temps (n’a-t-il pas été le premier à mener une guerre farouche contre le téléchargement illégal et son pionnier Napster, celui-là même qui conduit aujourd’hui à multiplier les goodies pour survivre ?) Parvenant toujours à rattraper par le col des fans qui semblaient partir en courant pour les raisons précitées, pour cause de changement de style ou même de coupe de cheveux (le Black Album en 1991, pour ne citer que lui, sortit Metallica du simple, même si déjà immense, cercle metal, mais signa un divorce avec la base hardcore des fans). Ou à en attraper d’autres. Signe qu’en réalité Metallica, trente-six ans de métallurgie et des concerts, quoi qu’il arrive, surpeuplés, est un bel exemple de darwinisme artistico-économique.
Mémoire de forme
Accident pyrotechnique brûlant gravement le chanteur James Hetfield lors d’un show, mort accidentelle du bassiste Cliff Burton en tournée (1986), alcool, drogues, dissensions infernales (relatées dans l’effarant documentaire Some kind of monster en 2003, où le groupe, en pleine guerre d’ego, se livre à une véritable psychanalyse), disques médiocres pendant à peu près toutes les années 2000 (dont cet atroce Lulu enregistré avec un Lou Reed subclaquant)… Metallica s’est relevé de tout. Jouant les objets à mémoire de forme. Avec Hardwired… to self-destruct, le groupe tente d’ailleurs un retour à l’esthétique thrash des débuts et ses thématiques les plus noires, comme la destruction (Now that we’re dead). Mais, depuis ses débuts, le groupe a pris trop d’années dans la vue pour livrer ces considérations au premier degré, sauf peut-être quand il s’agit d’évoquer la malédiction d’une célébrité contre laquelle on se brûle (Hetfield ne le sait que trop), sur Moth into flame. Peu importe l’emballage et le titre, il n’est donc plus question d’autodestruction sur un album qui se termine sur ces mots : “Au-delà de l’obscurité / Nous renaissons / Nous serons éternels”. Prochaine étape de l’évolution ? L’espace, sans doute. Et, pour les fans, un ticket gold pas donné.