Abraham Poincheval, performeur marseillais, vit depuis six jours dans une bouteille en verre géante installée au Grand Parc de Miribel-Jonage. Il nous a livré son expérience de vie en autonomie, dont une étape s’achève ce lundi.
"Comment faites-vous pour respirer ?" C'est la question récurrente que les passants posent à l'artiste marseillais Abraham Poincheval. À le voir enfermé dans cette bouteille géante de 6 mètres de long et 2 de large, il est vrai que l'interrogation vient rapidement à l'esprit.
Installé sur la plage du Fontanil, au parc de Miribel-Jonage, depuis le 24 août, Abraham Poincheval mène à bien son projet fou intitulé “Bouteille”. Parti de Port-Saint-Louis-du-Rhône, en Camargue, il remonte le Rhône jusqu'à sa source : sa bouteille en verre est déposée dans un lieu chaque fois différent et il l'habite alors pendant quelques jours.
Cinq à six degrés de plus dans la bouteille
C'est par le goulot de la bouteille qu'Abraham rentre, au début de chacun de ses séjours. La bouteille est ensuite refermée avec un bouchon en liège géant, percé de trous laissant passer l'air. Une étiquette pare-soleil est collée sur le haut de la bouteille, apportant de l'ombre à l'artiste, qui en a eu bien besoin en ces temps caniculaires : "Il fait cinq à six degrés de plus à l'intérieur qu'à l'extérieur", nous a-t-il expliqué ce week-end, le front perlé de sueur.
Comme tout être humain a des besoins physiologiques, Abraham Poincheval a dû trouver des solutions pour survivre cloîtré dans sa bouteille. Pour le plasticien, "cette expérience, c'est une expérimentation de la vie en autonomie". Pour se nourrir et s'hydrater, il dispose de 30 litres d'eau, de vivres et d'un petit réchaud. Un bidon, hermétique, fait office de toilettes. Aucune intimité donc pour l'artiste : "Je dois vivre au rythme de l'espace dans lequel je suis plongé."
“Une expérience entre réel et irréel”
Pour Abraham Poincheval, "c'est une expérience entre réel et irréel, et c'est cela qui me plaît". Ce n'est pas la première expérience d'immersion extrême de l'artiste. Par le passé, il a, entre autres, vécu en autarcie à six mètres de hauteur sur une plateforme, dans un trou recouvert sous un immense caillou ou dans un ours naturalisé. "L'expérience de l'enfermement m'étonne à chaque fois", confie-t-il.
Ces expérimentations sont en effet des moments de découverte sur lui-même, sur sa personnalité, ses facultés : "Ce que j'ai appris ? Que j'ai une capacité à endurer les événements, à me mettre en veille. À être très attentif aussi." Car, même s'il affirme ne jamais se sentir seul, les journées sont parfois longues pour l'artiste embouteillé. Il examine alors le spectacle que l'extérieur lui offre. Un petit carnet, qui sera publié à la fin de l'expérience, recueille ses observations et ses schémas.
Surmonter la bizarrerie
Parfois, quelques passants, intrigués, s'arrêtent et nouent le contact. Nicolas, un étudiant qui discute avec l'artiste, trouve fascinant que "les artistes contemporains créent des bizarreries pour que les gens réagissent mais que peu de personnes ont le courage de surmonter cette bizarrerie". La bouteille est en plein milieu de la plage bondée, des individus ont installé leur serviette à quelques centimètres de l'artiste, mais peu d'entre eux osent le questionner.
Abraham Poincheval a quant à lui remarqué que les réactions des gens dépendent des heures et des lieux. À Villeurbanne, par exemple, l'expérience était différente de celle de Miribel. "C'était pesant", se rappelle l'artiste. Il était exposé en pleine ville et beaucoup d'agitation et d'interactions avaient lieu autour de la bouteille. Il s'est également rendu compte que les gens interagissaient plus en début de matinée ou en soirée.
Lorsqu'on lui demande s'il pense que les gens le prennent pour un fou, Abraham Poincheval répond par l'affirmative. Ses prochains projets sont pourtant tout ce qu'il y a de plus normal : vivre dans une pierre, couver des œufs de poules jusqu'à éclosion ou être suspendu en l'air au-dessus des nuages et marcher dessus !