Nuits de Fourvière : I am the Wind, hypnotique mélancolie…

Après Rêve d’Automne, Patrice Chéreau s’attaque à nouveau à une œuvre de Jon Fosse avec I am the Wind. Un moment rare, suspendu dans le temps, un spectacle qui a trouvé à Fourvière un écrin idoine à sa force. A voir jusqu'au 18 juin.

Il est des œuvres qui marquent et hantent les esprits à tout jamais, I am the Wind de l’écrivain norvégien Jon Fosse appartient à celles-ci. Ils sont deux, sans identité, embarqués sur un bateau de fortune en plein océan. Au fil de la traversée, la mélancolie et la dépression envahissent l’un des personnages… Puis en haute mer, l’accident, fatal, et juste après, la paix, la légèreté. La communion avec le vent. Étrange odyssée que celle de ces personnages égarés, unis par un lien qui demeure inconnu tout au long de la pièce.

Mélancolie ou le poème de la mort

Patrice Chéreau a choisi de se saisir de ce texte en anglais, dans une traduction brillante de Simon Stephens. Sur scène, deux comédiens britanniques, Tom Brooke et Jack Laskey, interprètent magnifiquement ce voyage intérieur qui décrypte la complexité des relations humaines et l’impossibilité, parfois, à se sauver de soi-même. Accompagné par le chorégraphe Thierry Thieû Niang pour sa mise en scène, Patrice Chéreau a opté pour une relation entre les corps intense où chaque déplacement fait sens et révèle les zones d’ombre du texte. La sobriété du décor où le bateau et l’eau sont présents mais de manière minimaliste, la scénographie ingénieuse qui permet de ressentir le mouvement des vagues et les embruns marins, les jeux de lumières qui habillent l’espace du bleu et du noir des profondeurs des mers, montrent que le metteur en scène a eu l’intelligence de faire confiance au texte, de s’abandonner à lui, de ne pas surcharger la scène et de s’offrir le luxe d’être presque abstrait, de ne poser seulement que quelques touches tel un peintre… Peu importe le lieu, l’identité des personnages, le temps, puisque cette œuvre de Jon Fosse est si épurée qu’elle en devient universelle.

Elle touche à l’essence de l’être. « Maintenant je suis parti », « Je suis le vent », s’exclame l’un des personnages. Emporté par le vent. La mort est un départ doux, un retour vers « le mouvement » de l’enfance. Les comédiens vivent ce long poème de manière si intense que les spectateurs en deviennent hypnotisés par tant de puissance et de beauté. Les mots reviennent comme des boucles et scellent le destin des personnages. En plein air, dans la nuit, I am the Wind prend une dimension grandiose dans une mise en scène humble, intimiste, avec un texte direct et fort et des comédiens rares. Un grand moment.

I am the Wind, jusqu’au 18 juin, Théâtre Odéon, Nuits de Fourvière.

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