L’essence même de la Turquie est faite d’un balancement entre identités européenne et asiatique, aspiration à la modernité et attachement à la tradition. Rien qui ne s’incarne mieux que dans l’œuvre du prix Nobel Orhan Pamuk, invité “vedette” des Assises internationales du roman 2014. Hasard et absurdité aussi un peu du calendrier des traductions, c’est seulement aujourd’hui qu’est publié en France son premier roman, Cevdet Bey et ses fils, saga sur trois générations forcément fondatrice écrite en 1982.
Autant de prix que d’ennuis
Voix dissonante, pour ne pas dire dissidente, dans la Turquie d’aujourd’hui, ouverte sur le monde tout en ne reniant pas son identité de Turc musulman, Orhan Pamuk a récolté à peu près autant de prix littéraires que d’ennuis avec la justice turque (notamment en raison de son engagement en faveur de la reconnaissance du génocide arménien) et les mouvements nationalistes de son pays.
On retrouve cette schizophrénie, celle de la Turquie et de l’amoureux de son pays qui n’hésite pas à dire la vérité à cette patrie qu’il aime, dans un penchant certain pour la figure du double, l’opposition de modèles, la dualité, le frottement – y compris stylistique – entre tradition arabo-persane censément surannée et post-modernité littéraire. Artisan du grand écart, Orhan Pamuk est à l’image de la Turquie, quand bien même celle-ci n’est pas unanime à ce sujet.