Sorj Chalandon avec couv
Sorj Chalandon © JF Paga/Grasset

Sorj Chalandon, d’une guerre l’autre…

Dans son dernier roman, Le Quatrième Mur, Sorj Chalandon plonge au cœur d’un Liban ravagé par la guerre. Une nouvelle fois, il traque la nature humaine dans les situations extrêmes. Comme en Irlande dans les années 1970. L’occasion pour nous de tracer un parcours d’écrivain.

Ne vous fiez pas à son physique plutôt bonhomme, Sorj Chalandon appartient à cette lignée d’écrivains baroudeurs autrefois incarnés par Joseph Kessel ou André Malraux. Son métier de journaliste pour Libération l’a amené sur les différentes zones de conflits qui ont agité le monde ces dernières décennies. Dans les années 1970, de l’Irlande en proie à la guerre civile, il envoie des reportages qui lui vaudront la reconnaissance du métier : le prix Albert Londres lui est décerné en 1988.

“Je n’explique pas les hommes, je les montre”

Vingt ans plus tard, il reviendra sur cette expérience irlandaise dans Mon traître (prix Joseph Kessel), portrait aussi fascinant que complexe d’un militant pour l’indépendance qui trahit la cause après l’avoir servie avec une loyauté sans faille. “Je n’explique pas les hommes, je les montre”, nous avait-il alors expliqué. Pour l’écrivain comme pour le journaliste, les hommes ne sont jamais aussi passionnants à dévoiler que lorsqu’ils se retrouvent dans des situations extrêmes.

La violence, la barbarie, il les a lui-même connues, directement ou indirectement. Comme reporter de guerre dépêché en première ligne sur différents fronts, mais aussi comme chroniqueur judiciaire. Et c’est avec le même œil infaillible qu’il couvrit le procès Klaus Barbie, toujours pour Libé.

De ces méandres juridiques, qu’il côtoie d’ailleurs toujours (pour Le Canard enchaîné), il a acquis une connaissance approfondie des caractéristiques humaines les moins avouables. Il s’en est servi pour écrire un autre roman majeur, La Légende de nos pères. Le père, ici, est “un homme qui a baissé la tête, qui a détourné les yeux”. Un collabo presque ordinaire donc, n’était qu’il s’est forgé un passé de grand résistant et que, pour sa fille, il est devenu un héros (la légende).

L’art peut triompher de l’horreur, démonstration

En 2013, c’est toujours son expérience, d’envoyé spécial à Beyrouth cette fois, qui l’inspire. Son Quatrième Mur nous immerge dans un Liban en proie au choc des communautés, dressées les unes contre les autres pour la possession d’un petit bout de terre aride. “Juste le choc terrible, répété, le fracas immense, la violence brute, pure, l’acier en tous sens, la fumée, les sirènes réveillées les unes après les autres, les klaxons des voitures folles, les hurlements de la rue, les explosions, encore, encore, encore.”

De son style imagé, où se bousculent les images saisissantes, Sorj Chalandon nous colle aux basques d’un jeune homme qui a fait une incroyable promesse à l’un de ses amis, proche de la mort. Celle de reprendre et de mener à bien son projet : jouer l’Antigone d’Anouilh en plein territoire dévasté avec des acteurs issus des clans belligérants. Comme une trêve poétique dans la tempête. La démonstration que l’art peut triompher de l’horreur, ne serait-ce qu’un instant. Pas question de vous révéler ici l’échec ou la réussite de cette entreprise insensée. En revanche, on ne vous cachera pas la force exceptionnelle de cette œuvre, reconnue par les lycéens qui lui ont décerné leur prix Goncourt 2013.

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Le Quatrième Mur, de Sorj Chalandon, éditions Grasset, août 2013, 325 p.

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Cet article est paru dans le supplément Culture (janvier-juin 2014) de Lyon Capitale. Nous le publions ici à l’occasion de la venue de Sorj Chalandon à la Fête du livre de Bron 2014.

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