Grève historique pour les sans-abri

Depuis le début de l'hiver les professionnels de l’hébergement d’urgence dénoncent la non application de la loi sur le droit au logement. Aujourd'hui "c'en est trop", ils se sont mis en grève ce jeudi 28 janvier. Une première dans l'histoire de leur profession.

Ils ont mis leurs menaces à exécution. Ils ont fait une pétition, puis rencontré le préfet (lire article). A chaque fois les demandes sont les mêmes : la création de deux centres d’hébergement supplémentaires et le respect de la loi sur le droit au logement. Sans réponse, les travailleurs sociaux de l’urgence ont décidé de faire grève. Le Samu Social n’a pas circulé dans les rues et de nombreux centres d’hébergement ont fermé leur porte dans l’après-midi. Une première pour la profession.

Dès 14 heures, en provenance de toutes associations (Notre-Dame des-Sans-Abri, Régis, Entretemps, CAO,...), ils sont rassemblés dans la rue Dunoir en face de la préfecture de Lyon. 200 travailleurs environ, recouverts d'une couvertures de survie, affrontent le froid, aux côtés d’élus de gauche, de militants syndicaux, de citoyens mais aussi de sans-abri.

“J’ai 25 ans de métier, témoigne une travailleuse social de Villefranche. On a déjà fait grève pour nos conventions collectives. Mais c’est la première fois que nous descendons dans la rue pour le droit des personnes qu’on accueille”. Un autre manifestant prend la parole : "On pourrait continuer longtemps comme ça, à déplorer les difficiles possibilités de réinsertion, assister, impuissants, à l'affaiblissement physique et psychique des personnes que nous rencontrons, à en parler en réunion, à pleurer lors des enterrements. Sauf que c'en est trop".

"Qui sommes-nous pour choisir le destin d'humains ?"

"Il n'y a rien de plus dur, dans la vie d'un travailleur social, que de mettre quelqu'un dans la difficulté, et de ne pas pouvoir alléger le poids de son quotidien". Ce témoignage d'un travailleur du 115 est lu au micro. De nombreuses banderoles, chacune étant la marque de son institution, s’agitent dans la foule. Toutes revendiquent le respect du droit au logement tel que le stipule l'article 4 de la loi DALO, repris par la loi de Mobilisation pour le Logement et de Lutte contre l'Exclusion (dite loi MOLLE). Son article 73 indique que : "toute personne sans abri [...] a accès [...] à un dispositif d'hébergement d'urgence" "et [peut] y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée".

Or, le manque de places dans les structures d’hébergement d’urgence est évident à Lyon.
Et les travailleurs sociaux ne sont pas satisfaits des mesures prises par le préfet à l’égalité des chances, en charge du dossier. Comme l'ouverture d'un nouveau centre à Monplaisir, qui a permis l'accueil de soixante personnes supplémentaires mais qui fermera à la fin de l’hiver. Ou son engagement, en décembre dernier, à payer des nuits d'hôtels à toutes les personnes sans logis.

Mais il y avait encore 72 personnes qui n’avaient pas trouvé de solutions d’hébergement lundi dernier malgré leur appel au 115. “C’est pour cela que nous demandons l’ouverture de deux centres d’hébergement d’une capacité de cent places, explique Maud Bigot du Samu Social. Il faut aussi davantage de coordination entre les associations et les services de l’Etat pour faire sortir les personnes des foyers vers du logement social”.

Fluidité du système d’hébergement d’urgence et renforcement des structures d’accueil, tel est le mot d’ordre de ces travailleurs sociaux. "Positionner une famille dans un foyer, aujourd'hui à Lyon, c'est en mettre une autre dehors, dans la rue. Qui sommes-nous pour choisir du destin d'humains ?", s’interroge un travailleur au micro. Dans la foule, des personnes qui se disent là "en temps que citoyens" scandent, aux côtés de quelques SDF : "Avoir un toit, c'est un droit". Bruno, SDF depuis 3 ans, déclare : "Je suis là aujourd'hui pour que toutes les personnes sans abri, surtout les familles avec des enfants, puissent trouver un toit pour être au chaud".

"Le mépris de la préfecture"

Aux côtés des travailleurs sociaux, des associations (Les Enfants de Don Quichotte, l’Alpil et la Fondation Abbé-Pierre) et des syndicats (CGT, CFDT, FSU, Unsa et Solidaires) sont engagés depuis plus d’un an sur le respect de la loi sur le droit au logement. Une délégation les représentant a été reçu à la préfecture. Une vingtaine de minutes. “Le préfet à l’égalité des chances Francis Vuibert en charge du dossier n’a pas souhaité nous recevoir, raconte Steve Hervé, professionnel de l’hébergement. On a transmis nos revendications à son directeur de cabinet mais qui n’est pas décisionnaire. C’est du mépris”.

Désormais ces travailleurs sociaux demandent à être reçu par le secrétaire d’Etat au logement, Benoist Apparu, “garant de l’application de la loi sur l’ensemble du territoire”. En attendant, ils promettent d’accompagner les SDF à “faire valoir leurs droits devant les tribunaux”. Le Conseil Lyonnais pour le Respect des Droits (CLRD) ainsi que les syndicats devraient se charger de rédiger ces recours.

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