Lors de leurs plaidoiries, les avocats ont renversé une accusation jusqu’alors dominante.
Les avocats ont fini par se révolter. À l’heure où le procès du braquage de Global Cash se termine, les six avocats de la défense ont fait forte impression, en parvenant à ébranler une accusation qui s’était montrée supérieure jusque-là mais a péché par arrogance. Il y eut même un mépris insultant de la part des deux avocats généraux, qui ont requis des peines de 8 à 22 ans de réclusion criminelle. L’accusation n’avait pourtant pas besoin de ça, tant les débats lui ont été favorables tout au long de ces quinze jours d’audience.
Il y eut mépris à l’égard des accusés, qualifiés de “terroristes” par Fabienne Goget, l’avocate générale, reprenant à son compte la sémantique eugéniste de Michel Neyret, qui avait affirmé travailler à “l’élimination sociale de gens qui ont fait un choix de vie qui est celui de la criminalité organisée”. “Mesdames et messieurs les jurés, on vous demande de les faire passer du banc des accusés au ban de la société !” a fermement rétorqué Me Julien Charles dans une plaidoirie offensive et convaincante.
Mise au ban de la société
Cette mise au ban de la société, l’accusation l’a formulée à quelques reprises dans des expressions qui expriment cette mise à distance de ces malfrats issus des banlieues lyonnaises de Vaulx-en-Velin ou de Bron : “Ils ont semé la terreur dans notre bonne ville de Lyon. Les faits retentissent encore parmi les Lyonnais, et votre décision est attendue”, a indiqué Philippe Renzi aux neuf jurés. Si l’on ajoute le “Parlez-vous français ?” du président Taillebot au premier jour des débats, on s’interroge sur l’inquiétante idéologie véhiculée dans ce procès.
Me Julien Charles ne s’y est pas trompé. Indigné, il a dénoncé cette sémantique consistant à “purger le sol français” et a rappelé à la cour que ce “que vous avez repris de Michel Neyret, l’élimination sociale, c’est illégal ! Je suis désolé de vous le dire ! Si on vous demande de procéder à une élimination, alors vous êtes en opération commando. Ce qu’on vous demande, c’est une mise à mort sociale, comme le bourreau !” a-t-il martelé aux jurés. Tout aussi indigné, Me Luciani a hurlé son “désaccord philosophique” avec cette idée de l’élimination sociale.
Et puis, aussi étonnant que cela puisse paraître, les avocats généraux ont eu du mépris à l’égard des avocats de la partie civile, d’un expert psychiatre, de témoins ou des victimes de la société Global Cash, coupables à leurs yeux d’avoir apporté des éléments à décharge, favorables aux accusés. “Il y a les bons avocats, qui sont généraux, et les mauvais avocats avec leurs mauvais clients. Ou les mauvais avocats de la partie civile et les mauvaises parties civiles qui ne comprennent pas pourquoi la police n’est pas intervenue avant”, s’est exclamé Me Charles.
Pédagogie salvatrice
David Metaxas a pour sa part repris les anomalies de l’enquête de la PJ. Avant la date du 24 septembre 2010, les accusés ont commis un vol de voiture avec arme à Archamps, agressant un homme et une femme.
Mais la police n’est pas intervenue, comme pour Global Cash, afin d’obtenir un beau flag’, synonyme de lourdes peines. Encore l’élimination sociale prônée par Neyret. “Votre arrêt va marquer les annales judiciaires. Si vous suivez ce que l’on vous demande, vous passez le message que les victimes d’un vol à main armée à Archamps, ça ne compte pas. Regardez le banc des parties civiles, les victimes ont été sacrifiées et ne sont pas venues à l’audience. Pour la police, la fin justifie les moyens”, a expliqué Me Metaxas dans un accès de pédagogie salvatrice, pour expliquer en quoi la non-intervention de la police posait problème. “Pourquoi on n’intervient pas avant le 24 septembre 2010 ? Parce qu’on voulait Global Cash. Et Michel Neyret est venu vous le dire !” a-t-il ajouté.
Paradoxe
Il est difficile de plaider la cause d’accusés qui ont pour la plupart tous avoué. Mais les peines sont lourdes. De 16 à 22 ans de réclusion criminelle pour les auteurs principaux du vol à main armée. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, dans pareil cas, le meilleur allié est la victime. Me Luciani a rappelé que si Florent Droguet, l’homme pris en otage par les malfaiteurs, ne s’était pas porté partie civile, c’est parce qu’il souhaitait une chose : “Si au moins un pouvait prendre conscience de ce qu’il a fait et s’en sortir...”
Depuis les faits, des accusés cherchent à s'en sortir, justement. Certains ont repris des études, se sont inscrits en BTS, en licence de sociologie ou sont suivis psychologiquement. Au moment de distribuer les peines, la trajectoire nouvelle de ces jeunes issus des banlieues difficiles de Lyon peut compter. Le verdict est attendu en fin d’après-midi.
Mépris de classe et Justice de classe, rien d'étonnant de la part de la magistrature, surtout à Lyon !