Dupond-Moretti et Dehapiot en renfort dans l’affaire Bessame

Ce mardi 17 février s’ouvre le procès en appel de Mohamed Bessame, l’un des plus gros pourvoyeurs de drogue à Lyon et Grenoble. Son dossier peut potentiellement faire imploser la justice lyonnaise, tant les méthodes du magistrat et des services de police qui ont enquêté sur son dossier sont remises en cause par la défense. Faux, usage de faux, altération de document public. Rien que ça. Deux ténors français du barreau interviennent désormais dans ce dossier au contenu explosif.

En juin 2012, Mohamed Bessame remontait 624 kilos de cannabis depuis l'Espagne, avant que les hommes de la PJ ne lui tombent dessus à un péage d'autoroute. Bessame, évadé de la prison d'Aiton en hélicoptère en 2005 et fiché au grand banditisme, ne nie rien des faits.

Mais il commence à tiquer lorsqu'il s'aperçoit qu'un de ses complices aurait été infiltré par les services de la PJ de Grenoble pour le faire tomber. D'autant plus que c'est cet "infiltré" qui a mis Bessame sur le coup.

Du fond de sa cellule, "BB" rumine et épluche l'épais dossier d'instruction. Il s'aperçoit que le complice n'apparaît pas sur des photos. Que sa tête est opportunément coupée dans certains clichés. Qu'en dépit de sa présence permanente dans des écoutes téléphoniques, ce complice n'est jamais inquiété. Bref, que sa présence a été dissimulée sciemment par les enquêteurs et par le juge d'instruction.

“Incertitudes”

En première instance, alors que le tribunal a condamné Bessame à dix ans de prison, la cour fait cependant droit aux doutes de "BB" dans un jugement qui incrimine très explicitement le juge d'instruction : “À l'issue de trois journées d'audience publique, le tribunal constate qu'un nombre conséquent de pièces de procédure, établies notamment en exécution de commissions rogatoires délivrées par des magistrats instructeurs de la juridiction interrégionale spécialisée de Lyon, comportent des mentions ou signatures sur la sincérité desquelles demeurent des incertitudes. Ces incertitudes interdisent [au tribunal] de tirer de ces pièces des éléments de conviction. Le tribunal constate également l'absence de certaines vérifications qu'une conduite normalement diligente des investigations commandait d'effectuer en temps utile.”

“L'officier de police judiciaire (…) n'a ni contesté ni expliqué ces différents manquements lors de son audition comme témoin par le tribunal”, note également la cour.

Faux et usage de faux

Ces "incertitudes" finiront par se confirmer lorsque Bessame va tomber sur une pièce de procédure jamais versée au dossier. Il s'agit d'un CD dans lequel figurent les factures détaillées d'une ligne téléphonique appartenant au fameux infiltré. Conviction est faite lorsque "BB" s'aperçoit que ce téléphone déclenche une borne à l'adresse précise où son complice réside.

Pourtant, le juge d'instruction lyonnais, Bertrand Grain, avait rédigé un procès-verbal dans lequel il indiquait que l'opérateur était dans l'impossibilité de lui fournir les factures détaillées de la ligne de l'infiltré.

Une plainte avec constitution de partie civile pour “faux, usage de faux et altération de document public” a été déposée en septembre dernier par Bertrand Sayn, l'avocat de Bessame. Elle s’ajoute aux investigations du juge d'instruction Nicolas Josué, confiées à l'Inspection générale de la Police nationale (IGPN), la police des polices, à l'encontre des services de l'antenne lyonnaise de la PJ de Grenoble, qui avaient mené l'enquête.

Depuis cette plainte, Bessame, qui est loin d'être un enfant de chœur, a été placé à l'isolement et transféré à la prison des Baumettes à Marseille. Mesure de rétorsion ? C'est ce que pensent ses avocats.

Dupond-Moretti, Dehapiot et Ripert en renfort

Ce mardi matin, Philippe Dehapiot et Eric Dupond-Moretti viendront épauler les avocats lyonnais, pour contester les méthodes de la juridiction lyonnaise spécialisée dans la grande délinquance. Ils demanderont le renvoi de l'audience d'appel en raison des plaintes en cours. "Quand on parle de loyauté de la preuve, rien n'est anecdotique. Ce qui se passe à Lyon est très inquiétant", s'agace Me Dupond-Moretti.

L'audience marquera également la reprise de service de l'avocat grenoblois Bernard Ripert, après une suspension d'un an pour avoir, comme à son habitude, tancé trop vertement un magistrat.

Pour en savoir plus sur cette affaire, lire nos précédents articles :
Malgré le doute, une figure du banditisme lyonnais condamné
Les méthodes de la PJ en accusation au tribunal de Lyon

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